Les émeutes du 4 novembre 1981 et même si elles ont payé le prix de l'ostracisme médiatique de l'époque, auront cependant permis de lancer le starter d'un ras-le-bol généralisé. Difficile de revenir aujourd'hui sur les émeutes de novembre sans faire allusion à d'autres émeutes qui ont secoué quelques mois auparavant cette même ville de Skikda, pourtant d'apparence si paisible. Avant novembre 1981, Skikda avait déjà failli s'embraser suite au décès dans un arrondissement de police et dans des conditions jugées douteuses, d'un homme. On racontait à l'époque qu'il aurait succombé aux sévices de tortionnaires, chose qui poussera un grand nombre de personnes à improviser des manifestations le jour de son enterrement, même si la présence policière alla vite prendre les choses en main et disperser les citoyens. Puis vint novembre. Et il aura juste fallu une petite étincelle pour enfanter tout un brasier. Ces manifestations, et n'en déplaise aux fossoyeurs des libertés, n'étaient ni le fruit d'une manipulation, et encore moins un « chahut de gamins ». C'était un pur acte citoyen. Un acte de solidarité qui n'aura fait que puiser dans les difficultés sociales de l'époque. La cause de ce soulèvement populaire, comme en témoignent les Skikdis, est en relation avec l'expulsion d'une famille. En effet, une veuve et ses quatre gosses furent expulsés du garage d'un établissement scolaire qu'ils avaient aménagé en logement. L'un des fils de cette famille se souvient encore et témoigne, disant ceci : « Effectivement, on est venu le lundi 2 novembre nous chasser, ma mère, mes trois jeunes sœurs, âgées à l'époque entre 13 et 20 ans et mon petit frère de 16 ans. On est restés dehors au milieu de nos menus biens. On a tenté de sensibiliser tous les responsables, en vain. Le 4 novembre à 10h, on a décidé de barrer la route des Allées du 20 Août, chose qui attira l'attention des passants. Des groupes de citoyens ont commencé à se rassembler pour nous exprimer leur solidarité. En l'espace d'une heure, plus d'un millier de personnes occupaient déjà Bab Qcentina malgré la présence des forces de l'ordre ». Selon des recoupements, les citoyens ont alors commencé par s'attaquer à une station d'essence pour remonter par la suite vers les Arcades. Des pierres sont lancées en direction des policiers qui répliquaient par des bombes lacrymogènes. La foule a tenté par la suite de s'attaquer sans y parvenir au siège de la wilaya, où un policier sera blessé à la main. Deux véhicules officiels seront brûlés. Puis, retour vers le centre-ville où les fameuses Galeries algériennes ainsi que les magasins Bata ont été carrément mis à sac. Les Galeries ont même été incendiées. Les renforts arrivent et parviennent à maîtriser la situation dans l'après-midi même pour que commence alors une véritable chasse à l'homme. « Des policiers munis de caméras et d'appareils photos placés à différents endroits de la ville filmaient les événements. Moi, j'ai réussi à me cacher mais ma mère, une moudjahida, mes deux frères, dont l'un âgé à peine de 18 ans, ainsi que mon neveu, ont été interpellés et mis dans les geôles », raconte le fils de la veuve. Beaucoup d'autres jeunes lycéens, surtout ceux du technicum qui jouxtait le lieu où s'étaient formées les foules du départ, furent interpellés durant la nuit. La veuve, qui durant la guerre de libération utilisait sa demeure à El Kobbia comme lieu de rencontre des moudjahidine, comme Kouicem, Boukerma, écopera de deux années de prison ferme. Elle purgera la totalité de sa peine et ne bénéficiera d'aucune grâce. Ses deux fils passeront 18 mois en prison. D'autres citoyens solidaires et des voisins ont également été emprisonnés.