C'est la pagaille au niveau du ministère des Finances. Les grands contribuables, dont les importateurs, les fabricants et les producteurs, se sont retrouvés contraints d'emprunter le chemin du ministère pour se doter d'une carte fiscale magnétique pour pouvoir continuer à travailler. Cette carte comporte le numéro d'identification fiscale qui constitue désormais une pièce obligatoire pour toute procédure de domiciliation bancaire. Cette nouvelle procédure obligatoire tire sa source d'une note interne adressée aux directeurs des impôts de wilaya ainsi qu'aux directeurs des grandes entreprises. Cette note, immatriculée 787 MF-DGI-DID, datée du 14 septembre 2008, est complétée par la note 209 MF-DGI-DID du 22 septembre 2008. Jusqu'au 2 octobre, ce sont les directeurs de wilaya qui étaient chargés de fournir le document en question aux opérateurs économiques. La fin des délais a contraint des centaines d'opérateurs « retardataires » à prendre le chemin du ministère de Karim Djoudi pour obtenir le fameux sésame. Mais il semble que cette procédure de doter les opérateurs d'une carte magnétique est loin d'avoir mis fin aux comportements frauduleux. Pourquoi ? Le commerce extérieur accessible auparavant aux opérateurs ayant seulement un capital de 20 millions de dinars est désormais ouvert même à ceux ayant un capital de 100 000 DA. Le montant de 20 millions de dinars a été fixé par une règle de la loi de finances 2005, mais amendée en 2007, amenant ainsi la barre du capital exigé aux opérateurs à 100 000 DA seulement. Ceci a ouvert la voie, dit-on, à une activité anarchique, voire frauduleuse. C'est valable du moins pour une catégorie d'opérateurs. Pour preuve, l'administration fiscale a recensé 10 324 importateurs fraudeurs jusqu'au 13 avril 2008. Le 7 juillet 2008, date de la dernière actualisation opérée sur le Fichier national des fraudeurs (FNF), il est fait état de 10 521 infractions commerciales, douanières et bancaires. Un chiffre effrayant à plus d'un titre. Au 30 septembre 2007, la liste du FNF comprenait 9960 importateurs fraudeurs, tandis que l'autre actualisation effectuée en novembre 2007 révélait 10 051 importateurs défaillants, appelés aussi dans le jargon fiscal « personnes physiques et morales auteurs d'infractions à la législation fiscale, douanière, commerciale et bancaire ». Toujours en hausse, le phénomène risque d'être plus important à la fin de l'année en cours si l'on se réfère à une source de la direction générale des impôts. Dysfonctionnement Résultats des courses : les importateurs figurant sur le FNF, accessible à toutes les instances bancaires, fiscales et celles en charge de la régulation, sont maintenant interdits d'activité. Leurs domiciliations bancaires doivent être bloquées de facto. Au-delà, le chiffre grandissant des opérateurs fraudeurs témoigne de la fragilité de l'un des maillons de la chaîne. Du coup, l'on se demande si vraiment cette fameuse carte magnétique est en mesure de freiner la fraude. En outre, il y a eu de signaler des incohérences lors de la mise en place de la mesure. Premier vice de forme : les chefs d'inspection semblent avoir été exclus de la procédure menant à l'attribution de cette carte ; ils sont redevenus de simples intermédiaires pour la remise de ces cartes, lesquelles doivent passer d'abord par les directeurs de wilaya qui n'ont pas spécialement une bonne connaissance du terrain. Les chefs d'inspection sont, dit-on, les mieux informés de la situation fiscale de chaque opérateur. L'idéal, d'après notre source, serait donc d'attribuer à ces derniers la mission de valider les attestations de position fiscale, exigées pour l'octroi des cartes magnétiques sur lesquelles est consigné le numéro d'identification. Ces attestations de position fiscale doivent être « à jour » pour qu'elles soient validées. Les opérateurs doivent indiquer les importations effectuées à une date précise ainsi que le chiffre d'affaires qui doit être conséquent par rapport aux achats. Dans le cas contraire, la situation confirme l'existence d'un stock et d'un précompte important de TVA. Cela suppose une constatation par les agents d'inspection. Cependant, la mise à l'écart des chefs d'inspection fausse carrément la mise puisqu'ils sont les mieux informés de la position fiscale de chaque opérateur. Ceci ouvre la voie inévitablement au retour des fraudeurs. Effet aggravant, un dysfonctionnement semble exister entre les différentes instances chargées de valider l'octroi des cartes magnétiques. Une chose est sûre, les 10 521 importateurs fraudeurs recensés par la direction générale des impôts sont à l'origine d'une importante fuite fiscale, d'un préjudice énorme pour le Trésor public. C'est ainsi qu'aujourd'hui, on se retrouve dans une situation où les bons opérateurs payent pour les mauvais.