Sherif Seddik, directeur régional Afrique du Nord, Méditerranée de l'Est et Pakistan, aborde dans cet entretien exclusif accordé à El Watan, le développement des TIC en Algérie et le rôle que joue Microsoft dans l'accélération de celui-ci. Il nous parle aussi du piratage et de la protection de la propriété intellectuelle. Peut-on connaître les objectifs de votre visite en Algérie ? Je visite votre pays de manière régulière. L'Algérie est pour Microsoft un pays stratégique parce qu'elle se situe au confluent de deux régions (Moyen-Orient et Afrique). C'est un pays où il y a un énorme potentiel de développement du secteur des TIC qui cherche à se développer davantage. Cette importance stratégie a été soulignée lors de la venue de quelques officiels de la société et celle de notre PDG, Steve Ballmer, l'année dernière. Je fais le suivi de ce qui a été décidé avec les officiels du gouvernement, des clients et partenaires pour tenter de mieux comprendre les besoins et voir comment les investissements de Microsoft peuvent être alignés sur ces besoins. Comment analysez-vous les évolutions du marché algérien des technologies de l'information et de la communication (IT) ? Il est clair que, durant les dix dernières années, le marché des technologies de l'information et des télécommunications a pris un peu de retard dans certains domaines, mais de notre point de vue, il y a un désir important de rattraper ce retard et de travailler pour sauter au-dessus d'une technologie et arriver directement à la toute dernière technologie. M. Ballmer et sa délégation ont noté après la rencontre avec le président de la République l'emphase qui est mise sur le développement de l'infrastructure télécoms qui est la base et la fondation de tout le secteur de l'IT en général. C'est un pas positif vers l'avant que Microsoft a noté au cours des dernières années. Il y a un progrès important en termes d'investissement IT, notamment dans le secteur de l'éducation. Pour Microsoft, c'est très important de voir qu'il y a des efforts pour équiper les écoles et les universités avec des laboratoires informatiques. Il y a eu des discussions avec certaines universités pour des programmes de technologie de l'information, c'est très encourageant puisque c'est une des bases du secteur des TIC dynamique et performant où Microsoft veut s'insérer. On remarque que le secteur public, notamment celui des TIC, a investi beaucoup et tire le tout vers l'avant. Le secteur financier traîne malheureusement un peu la patte, c'est important qu'il devienne une priorité, puisque il sous-tend le reste de l'économie nationale. Microsoft observe le marché avec intérêt. Mais d'une manière générale, il y a un progrès ces dernières années ; ce qui est particulièrement important pour nous, c'est d'augmenter et d'améliorer les compétences dans le IT sur l'ensemble des segments du marché : Microsoft contribue à augmenter les capacités de ses partenaires en les formant ainsi que ses clients : c'est un des axes majeurs pour faire monter en compétence l'ensemble des segments du marché pour créer un secteur dynamique. Donnez-nous un aperçu sur l'état d'avancement du partenariat avec les opérateurs algériens … Il y a toujours eu beaucoup de projets, mais on veut parler avec du concret : il y a un investissement important pour les partenaires pour les aider non seulement à augmenter leur capacité au niveau technologique mais aussi à relever leur capacité de gestion : ils seront meilleurs du côté technique et plus aptes à développer leur affaires et ainsi à prospérer. L'objectif est d'augmenter les ressources et les connaissances. Condor Electronics met des PC de haute qualité sur le marché avec des produits Microsoft. Nous travaillons main dans la main avec le secteur des télécommunications pour fournir des services hébergés pour les PME qui n'ont pas beaucoup de moyens et ne peuvent se permettre d'avoir leur propre infrastructures IT. Quels sont les objectifs pour 2009 ? En termes de stratégie, le plus important est de continuer à aligner notre stratégie sur celle du gouvernement pour développer le secteur IT en Algérie au niveau des investissements du développement des infrastructures télécoms et dans l'éducation. Nous voulons nous assurer que l'expérience et le savoir-faire de Microsoft dans la construction de la société de l'information peuvent bénéficier à l'Algérie de la manière la plus performante possible. Le deuxième axe est de s'assurer qu'on augmente les connaissances et les compétences pour tous les segments de marché pas juste pour nos partenaires et clients pour faire en sorte que l'Algérie, en général, bénéficie au maximum d'un secteur des TIC qui progresse. Le troisième aspect est l'éducation, pour jouer non seulement un rôle plus stratégique avec les partenariats et le gouvernement mais aussi aider les institutions d'éducation à utiliser la technologie de manière très performante pour changer l'expérience de l'éducation qu'on donne aux étudiants algériens et essayer, sans critiquer ce qui a été fait jusque-là, de moderniser le système de transmission du savoir aux étudiants pour passer d'un mode de transmission direct à un mode de transmission plus interactif où l'étudiant apprend à devenir chercheur, donc à trouver sa propre information sur le Net, à l'utiliser, à la mettre en forme et à rendre l'expérience éducative plus riche. Un autre axe : comment Microsoft peut aider ou contribuer à développer une plus grande connaissance au sens large du terme des technologies de l'information auprès de tous les Algériens, pas seulement dans certains segments privilégiés de la société ; comment jeter un pont à travers le fossé numérique avec des actions : l'éducation, la contribution à la construction d'académies IT dans différentes régions du pays ? Microsoft est une entreprise commerciale, et bien évidemment l'un de nos objectifs est d'augmenter le nombre de clients et le chiffre d'affaires sauf que, au-delà de ça, ce qui est important de rappeler, c'est que Microsoft contribue à travers les différentes initiatives à faire croître le marché et va gagner aussi commercialement : c'est la vision gagnant-gagnant vis-à-vis du business. A la base, il ne faut pas oublier la mission de Microsoft qui est de permettre aux entreprises et aux individus de réaliser leur plein potentiel grâce à la technologie ; c'est à partir de cette mission que tout le reste découle. Au-delà des discours, il y a des investissements qui sont consentis en Algérie, le staff de Microsoft Algérie a doublé ainsi que le programme de l'éducation. Le piratage informatique ces dernières années revient souvent. Il y a deux approches l'une préventive et l'autre plus musclée. Quelle est la méthode adoptée en Algérie ? Il faut remettre le piratage dans son contexte : c'est un problème économique qui touche non seulement le logiciel, mais il a un effet en cascade sur d'autres secteurs : ceux pharmaceutique, musical. Le piratage, si on le laisse progresser, n'encourage pas une culture de créativité, d'innovation et de valeur ajoutée. Il décourage plutôt les meilleurs talents du pays de chercher pour développer des idées et des concepts de logiciels, parce qu'ils se disent qu'à partir du moment où l'on ne pourra pas tirer un bénéfice économique de leurs recherches, ils seront tentés de partir pour aller dans un pays où leur travail sera récompensé à sa juste valeur. Le piratage influence négativement la création d'emploi parce que beaucoup d'entreprises lorsqu'elles cherchent à investir dans un pays veulent avoir un minimum de protection juridique pour être sûr que leurs travaux seront protégés : cela a un impact aussi sur les revenus du gouvernement, puisque la croissance dans le monde est tirée par les entreprises qui produisent ce genre de valeur ajoutée ; ce sont des revenus perdus pour le gouvernement. Il n'y a pas eu d'études précises sur l'Algérie pour l'instant, mais le cabinet IDC a fait une étude sur le piratage au Pakistan : on peut la comparer à ce pays, puisque le niveau de piratage reste autour de 85 %. IDC a déterminé que si l'on réduisait le taux de 10 % en le ramenant à 75 %, cela créera 12 000 emplois, augmentera le PIB de 280 millions de dollars et générerait autour de 40 millions de dollars en revenus de taxe pour le gouvernement. Il y a deux angles par rapport au piratage en Algérie : le premier est de travailler sur l'éducation, de le vulgariser auprès des clients et des fabricants de PC pour qu'ils comprennent la valeur d'un logiciel original par rapport à un logiciel piraté. On a remarqué, à travers les expériences d'autres pays, que la plupart du temps le piratage est géré par les mêmes organismes criminels qui contrôlent les drogues ou différentes fraudes. Ils utilisent souvent le fait du contrôle du piratage des logiciels pour inclure dans un PC des virus ou des logiciels de phishing qui servent à récupérer les donnes des cartes de crédit personnelles pour commettre des fraudes une fois connectés à internet. Ce n'est pas une vue de l'esprit, car il y a de réels impacts de sécurité. Nous allons soutenir au maximum les efforts du gouvernement algérien pour développer et mettre en œuvre son propre programme de développement et de protection de la propriété intellectuelle.