Malvie, chômage et sentiment d'injustice sont l'amère réalité des habitants de Djanet. Le ras-le-bol est tel que le sentiment de laissés pour compte et de victimes de discrimination du sud par rapport au nord règne dans la région. C'est pour porter les revendications des habitants de Djanet et du sud de manière générale qu'un mouvement a vu le jour, baptisé « Le mouvement des enfants du sud ». Djanet a été partie prenante de ce mouvement, notamment suite aux émeutes qui l'ont secoué à l'instar d'autres villes du pays. Mais, à la différence d'autres régions, le mouvement de contestation à Djanet a enfanté une branche armée qui a commis un attentat contre l'aéroport Teska. Aujourd'hui désarmée et ses éléments libérés, cette branche armée s'est fondue dans la société. Si les conditions qui ont vu naître la protesta n'ont pas changé, la société civile a bel et bien changé et elle a pris conscience que la lutte pour les droits est une quête permanente. « Comment peut-on exiger du citoyen de travailler pour le pays lorsqu'il a perdu toute confiance en son Etat », c'est par cette phrase que des représentants de la société civile de Djanet ont débuté une lettre adressée au premier magistrat du pays. Signée par une trentaine de personnes, cette lettre exprime le ras-le-bol de la population de Djanet de se voir « privés » des moyens de développement. « De quelle croissance parlons-nous en l'absence de l'équilibre régional en matière de développement », souligne encore cette missive qui se veut une alerte et un appel de la plus haute autorité de l'Etat à prendre en charge les problèmes de la région. « Les revenus du pétrole servent uniquement le développement de certaines régions en fonction de leur représentativité dans les ministères et centres de décision en plus du développement des capitaux de certaines personnes qui profitent de la situation. Pour nous, simples citoyens, que le baril atteigne 1 DA ou 150 dollars, cela ne change rien », indique encore ladite lettre. « L'Etat est absent à Djanet. Nous demandons notre part des richesses qui sont extraites de ce sol, nous voulons des places à l'Ecole nationale d'administration, à l'école d'aviation et à tous les postes de responsabilité comme nos autres concitoyens algériens », nous confie un des signataires de la lettre. « Nous voulons notre part du pétrole . » Ce dernier continue dans la dénonciation d'une situation de plus en plus insupportable pour la population du sud : « n'est-il pas aberrant de s'égosiller de l'interpellation de contrebandiers faisant le trafic d'essence au niveau des frontières alors que la richesse extraite est publiquement dilapidée par des institutions entières qui ont confisqué les droits et l'avenir de toute une nation. Le crime n'est-il pas condamnable dans les deux cas ? » Les signataires de la lettre continuent dans leur contestation en disant : « la crise de la pomme de terre a fait réagir les plus hautes institutions de l'Etat alors que nous nous subissons les pires affres depuis l'indépendance sans aucune réaction. » Et de poursuivre : « M. le Président, les régions frontalières dans le sud du pays sont des terres algériennes uniquement sur la carte géographique, et les populations ne connaissent de l'Etat que le nom » et d'ajouter : « lorsque l'homme perd le sentiment d'appartenance à la patrie, il se réfugie dans sa tribu ou son clan et s'abandonne à l'intégrisme. » Un signal qui ne trompe pas, et qui interpelle les consciences pour une réaction à même d'épargner toute dérive dans une région aussi sensible. Une série de recommandations a d'ailleurs accompagné la lettre des signataires adressée aussi au chef du gouvernement, au wali et responsable du secteur militaire. Il s'agit entre autres demandes de faire de Djanet une 49e wilaya et l'envoi d'une commission d'enquête pour voir les besoins de la région et la gestion ainsi que la mise en place d'un réel programme de développement.« Nous refusons le statut de grande caserne militaire. La sécurité passe d'abord par le développement des conditions de vie des citoyens », indiquent les signataires. Cette lettre date d'avril 2008 et à ce jour la réaction est à attendre. Un citoyen de Djanet nous lance une phrase lourde de consquences : « Nous avons essayé avec ce pouvoir le combat pacifique et la lutte armée, mais sans résultat. Nous sommes aujourd'hui tentés d'impliquer une intervention étrangère. » Avec les tentatives libyennes pour la création d'un Etat touareg, cette phrase sonne comme une alarme à prendre très au serieux.