Macabre et sinistre, la nouvelle tant redoutée est tombée hier tel un couperet. Personne n'en croyait ses oreilles. Hayet Haroun, jeune journaliste à La Dépêche de Kabylie, 28 ans, vient de passer l'arme à gauche, terrassée par une funeste tumeur au cerveau. Finalement, l'insolente faucheuse a eu raison d'elle après plusieurs années de lutte implacable. Titulaire d'une licence en anglais à l'université de Bouzaréah, Hayet avait fait ses premières armes comme correspondante à Boghni au quotidien La Dépêche de Kabylie au bureau local de Tizi Ouzou. La tentation de l'écriture journalistique était plus forte. C'est ainsi qu'elle a rejoint en 2003 la rédaction nationale du même quotidien. Ambitieuse, elle se faisait déjà l'idée d'étrenner une belle carrière de journaliste. « Je ne sais pas faire un autre métier que celui de la presse », a-t-elle confié, avec modestie, à un confrère. Cette confession résume, in fine, son amour brûlant de l'écriture et de la presse. Déjà souffrante, notre collègue n'a jamais baissé la tête devant la fatalité dévorante. Elle a continué à taquiner avec une passion déroutante sa plume en passant d'une rubrique à une autre comme un poisson dans l'eau. Après plusieurs années de loyaux services pour son journal de toujours le premier et le dernier, elle fut contrainte de mettre sa plume au placard pour se livrer à l'ultime bataille contre la maladie. Malgré des va-et-vient éreintants, pendant plus d'une année, entre l'hôpital Mustapha Bacha d'Alger où elle faisait ses séances de chimiothérapie l'espoir d'une guérison et sa région natale Boghni, son corps frêle refusait vaille que vaille d'abdiquer. Mais le mal était déjà profond. A ses amis et sa famille, Hayet a donné, comme personne ne l'a jamais fait, mille et une leçons, toutes trempées dans l'encrier d'un courage débordant et d'une inimitable humilité, même au plus fort de sa maladie. Hayet faisait en sorte de ne pas montrer sa souffrance quotidienne pour épargner à ses collègues de la presse et à sa famille meurtrie son mal pesant. Bonne vivante, toujours le sourire « en bandoulière », elle, qui incarnait bel et bien son prénom, respirait la vie à pleins poumons. Des poumons, pourtant, qu'elle savait rongés par une sournoise maladie. Même clouée au lit, elle a écrit, dans un sursaut d'orgueil jamais égalé, son ultime article en juin 2008, un bel hommage à Ali Zamoum, figure incontestable du mouvement national et natif de sa région. Amoureuse des belles lettres et mélomane à souhait, elle ne ratait pour rien au monde un spectacle d'un majestueux Lounis Aït Menguellet et se faisait un malin plaisir d'assister parfois à des matches de la JS Kabylie ou de l'équipe nationale, tordant le cou à aux mœurs rigides de la société. « Je l'ai vue lundi dernier. J'avais l'impression que c'était la dernière fois. Elle m'a dit que je n'aurais pas dû venir », témoigne Wassila, journaliste à l'Horizon, son amie de toujours, la gorge nouée et les yeux embués. Et d'ajouter : « Même hospitalisée, elle était inséparable de ses journaux qu'elle emmenait partout où elle allait. » Ses amis fort nombreux de la presse, Ali, Nabila, Ferroudja, Wassilla, Salah, Yacine, sa famille aussi et d'autres encore garderont d'elle l'image ineffable d'une personne grandement généreuse et humainement chaleureuse. Son enterrement aura lieu ajourd'hui à Boghni dans la wilaya de Tizi Ouzou, sa région natale. Repose en paix, étoile secrète !