Le plan d'action du gouvernement adopté, dimanche dernier, par le Conseil des ministres et qui sera soumis prochainement au Parlement est placé sous le signe de la poursuite de l'exécution du programme du président Abdelaziz Bouteflika. A moins de quatre mois de la tenue de l'élection présidentielle prévue en avril prochain, il est une tradition établie en matière de gouvernance – et c'est d'autant plus vrai dans les pays où le principe de la continuité de la gestion des affaires de l'Etat est moins une réalité politique qu'un slogan – que le gouvernement sortant s'attelle à la veille d'échéances électorales au sommet de l'Etat à expédier les affaires courantes. Le plan d'action du gouvernement que vient d'adopter le Conseil des ministres donne une tout autre impression. Il renvoie à une équipe ou à une stratégie de pouvoir qui inscrit son action non pas à brève échéance mais dans la durée. En appuyant sur l'accélérateur des réformes engagées – école, justice, réformes de l'Etat – dont les résultats sur le terrain n'auront pas été toujours à la hauteur des engagements pris et en les combinant avec les autres promesses découlant naturellement des nouvelles orientations de la Constitution amendée prises en charge dans le plan d'action du gouvernement, le président Bouteflika se projette manifestement au-delà de la fin de l'exercice de son mandat en cours finissant. Il est politiquement incorrect qu'un président sortant qui s'est engagé sur la base d'un programme électoral et qui tantôt vante les succès enregistrés dans la mise en œuvre de ce programme, tantôt reconnaît les carences et les échecs de certaines politiques qu'il impute au gouvernement et aux membres de l'équipe gouvernementale, se présente à la nation à la fin de son mandat avec un drapeau en berne, synonyme de faillite de sa gouvernance. « Il est vrai que le pays se dirige, dans quelques mois, vers une échéance électorale majeure, mais cela ne doit nullement influer sur l'exécution de notre programme de travail, car il y va du quotidien des citoyens et de la poursuite de la reconstruction nationale », a souligné à cet égard, au passage, le président Bouteflika devant le Conseil des ministres. Comme pour anticiper sur les commentaires et les interrogations que pourrait susciter l‘élaboration d'un programme d'action aussi ambitieux que celui adopté par le Conseil des ministres. Un programme dont il est difficile de croire, compte tenu du délai très court qui nous sépare de la fin du mandat présidentiel, qu'il pourra rattraper le temps perdu, recadrer les stratégies de développement en place, accélérer les rythmes de réalisation des projets lancés et honorer les engagements et les promesses électorales faites aux Algériens sur tous les plans. Le bon sens politique le plus élémentaire voudrait, à quelques mois de la fin du mandat présidentiel, que l'on se garde de prendre de nouveaux engagements que l'on ne pourra pas raisonnablement tenir alors que le programme en cours souffre déjà de retards dans son exécution et que les résultats enregistrés n'auront pas été toujours au rendez-vous, comparés aux promesses électorales de départ. Les éléments du puzzle pour le troisième mandat sont en train de se mettre en place par petites touches selon un agenda bien établi. On a ouvert le bal avec la révision de la Constitution pour déverrouiller les mandats à l'accession à la présidence de la République, on met en avant un programme du gouvernement qui ressemble fort à un programme électoral, car les fruits de ce programme ne pourront être cueillis qu'à moyen et long termes, compte tenu des restes à réaliser du programme présidentiel en cours et la boucle sera bouclée par l'annonce de la candidature de Bouteflika. Ce scénario cache mal une stratégie électorale qui se met déjà en branle avant la lettre et qui consiste à faire passer le message auprès de l'opinion que l'intérêt du citoyen réside dans la reconduction de la confiance à Bouteflika pour un troisième mandat. Comment faire la fine bouche devant un candidat qui se présente avec un programme électoral aussi alléchant et avec lequel, laisse-t-on penser, il est difficile de rivaliser ? Des caisses de l'Etat pleines, des engagements qui se veulent résolus pour poursuivre les chantiers engagés, voire pour en ouvrir d'autres à un moment où le pessimisme et l'inquiétude gagnent toutes les économies de la planète.