Un peu plus de 10 000 morts et 5624 personnes portées disparues. C'est le lourd bilan, toujours provisoire, des pertes humaines indiennes suite au raz de marée du 26 décembre 2004. Le bilan financier se chiffre, lui, à plus de 1 milliard de dollars de pertes en Inde continentale seulement. Après avoir refusé toute aide étrangère pendant treize jours, les autorités indiennes ont annoncé vendredi dernier qu'elles acceptaient une assistance financière internationale pour la réhabilitation des zones touchées par la catastrophe. « Nous estimons être un pays assez grand pour fournir les secours d'urgence. Nous avons été accusés d'isolationnisme sur ce sujet, mais c'est faux. Sur le long terme, l'Inde sera ouverte à un financement international », a expliqué le ministre indien des Finances. De l'aide, oui, mais pas pour tout de suite. Et la nuance est de taille. En effet, dès les premières heures qui ont suivi le terrible tsunami, le pays, pourtant lui-même durement touché, s'est immédiatement préoccupé de ses voisins. Dix navires de guerre encadrés par des hélicoptères et des transporteurs aériens ont gagné le Sri Lanka, l'Indonésie et les Maldives. New Delhi a ainsi envoyé pour 23 millions de dollars d'aide au Sri Lanka et 500 000 dollars à la Thaïlande, plus riche et comptant moins de victimes... Une stratégie qui a permis à l'Inde de devancer ses principaux rivaux dans la région : les Etats Unis, le Japon et la Chine. « L'Inde, qui fait campagne pour obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, ne pouvait pas se permettre de passer pour une victime. Elle a voulu lancer un message clair : nous sommes une grande puissance régionale, crédible, sur laquelle on peut compter », analyse un chercheur de l'Institut indien d'études pour la défense. Selon lui, cette action a été « une réponse humanitaire spontanée à une terrible tragédie ». Pour autant, la décision indienne a également été motivée par la volonté de construire de bonnes relations avec les pays de la région. Comme le Sri Lanka, avec lequel sa diplomatie n'a pas toujours été au beau fixe. L'action rapide et directe visait aussi à éviter l'entrée en lice du Pakistan voisin, éternel rival sur la question du Cachemire et allié des Etats-Unis. Malgré son adhésion à la coalition lancée le 29 décembre par les Etats-Unis et dissoute jeudi, l'Inde a vu d'un très mauvais œil l'envoi, par Washington, de quelque 1500 marines et d'un navire de guerre amphibie au Sri Lanka. Une décision perçue comme une ingérence dans une zone d'influence traditionnelle de New Delhi. Cette « diplomatie du tsunami » risque de faire d'autres vagues... Depuis une semaine, des ONG occidentales et locales critiquent la gestion indienne de la crise, accusant les officiels de leur refuser l'accès à certaines zones sinistrées comme l'île de Car Nicobar, dramatiquement touchée. « Nos informations en provenance du terrain sont plutôt positives, mais le gouvernement devrait se montrer plus flexible et impliquer davantage les ONG, car l'ampleur de la crise est écrasante », a expliqué Gurinder Kaur, le directeur de l'ONG Oxfam Trust. A l'invitation du ministère de l'Intérieur, les partis politiques indiens doivent se réunir aujourd'hui pour parler des « secours et des efforts de reconstruction ».