Je m'appelle Achraf, Zinneddine était mon frère. Bien que très différents, nous étions très liés par le cœur et l'esprit par-delà le temps et l'espace. L'imparfait est parfois d'un emploi difficile, il nous faudra pourtant nous en accommoder. Je ne suis pas une fan de la politique, même si nous avons souvent, notre frère Zinneddine et nous, débattu sur les articles ou commentaires qu'il écrivait, ou sur ceux qui transpirent la haine à chaque syllabe de leur texte. Zinneddine disait sur eux : « Je vous plains, vous n'avez rien à décrire que votre propre image. » Il a bien fait de vous combattre. Tu es toujours parti vers d'autres horizons, parfois près, parfois loin, qu'importent les distances quand le cœur et l'esprit savent se retrouver. Ceux qui t'aiment ont depuis longtemps appris à s'accommoder de tes absences. Cette fois, c'est un autre départ, celui vers lequel nous devrons tous aller mais que tu as pris avec beaucoup d'avance. C'était il y a 15 ans. Comme si c'était hier. Zinneddine Aliou Salah, journaliste du quotidien Liberté, a été assassiné le 6 janvier 1995 à Khazrouna, dans la wilaya de Blida, par des terroristes. Les mots sont pauvres pour parler de toi, mon frère, mon fils, mon oncle, mon cousin, mon ami. Il y aurait tant à dire. Finies les discussions enflammées, les controverses et les passions profondes. Nous étions opposés sur tout, unis sur l'essentiel, question de point de vue, au fond. Tu as chargé tant de moulins, mon frère, que le président de la nation ne peut que tirer son chapeau. Comme notre père, tu t'es battu, toute ta vie contre les préjugés, les mensonges, les lâchetés et la bêtise. Contre les craintes, en mettant un point d'honneur à ne rien laisser paraître, surtout à ceux que tu aimais. Contre les faux-semblants, les faux prophètes, les faux penseurs, tous ceux qui remanient l'information, l'histoire, le sens des mots, à leur convenance ou à leur profit. Ces combats de tous les jours, tu les a menés avec une application méticuleuse, une énergie sans faille, sans concession ni haine, juste la vérité au millimètre, comme toutes tes mesures dans le temps ou l'espace. Il était difficile de te suivre mais tu n'as jamais pris de route facile, au propre comme au figuré. Aucun n'a eu raison de toi. Tu as même gagné contre ton ennemi, ce n'est pas lui qui t'a emporté, mais un autre, que personne, même toi, n'aurait pu arrêter. Pardonne-moi, mon frère, si nous n'avons pu adoucir tes derniers instants. Tu étais tellement occupé à finir ce que tu avais commencé, nous ne pouvions plus t'en empêcher... Nous savons ce que tu as dû endurer de ne pouvoir, comme tu l'avais depuis longtemps décidé, tirer ta révérence, à ta manière. Faire tes adieux avec tes mots. Je sais que tu les as emportés avec toi mais laissons à ta famille, ton épouse - « ça n'a jamais été un secret » - une belle leçon de moralité de la beauté de l'expression humaine sous toutes ses formes. Finis les doutes, tu as les réponses, aide-nous maintenant à comprendre. On le dira, on l'écrira demain, c'est un autre combat mais sans haine comme tu l'a toujours fait Zinou. Achraf, la famille Aliou Salah