Ils ne laissent pas entrer les moins de 45 ans. Ils ont peur que les jeunes provoquent des violences. » Avec une moue d'incompréhension, un commerçant de Jérusalem-Est fixe le barrage de la porte de Damas, une des entrées de la vieille ville. Jérusalem-Est. De notre envoyée spéciale Là, groupés derrière un labyrinthe de barrières Vauban, les policiers israéliens filtrent le passage, la main sur leur matraque ou leur M16. Il est bientôt midi et la tension est de plus en plus perceptible. Sur fond d'appel à la prière et de bruits de bottes, les épiciers de Sadiyeh road, à l'intérieur de l'enceinte, plient leurs étals en silence. Entre deux éclaircies, la pluie menace. Elle n'est pas la seule. Le ton monte parfois parmi les fidèles, exaspérés de devoir exhiber leur carte comme un laissez-passer, et les policiers et les militaires sont déployés sur le moindre rempart, le moindre escalier de ruelle, et surtout, aux accès de la mosquée d'Al Aqsa. A l'extérieur, c'est encore pire.Face à la porte de Damas, un rassemblement s'organise autour d'un imam en colère. Faute de pouvoir compter sur Mahmoud Abbas, pour qui se termine ce vendredi son mandat de quatre ans à la tête de l'Autorité palestinienne, il en appelle à Dieu « pour que la violence cesse dans la bande de Ghaza. Que l'armée arrête de tuer des enfants et de détruire des maisons ». « C'est le troisième vendredi qui se passe comme cela, relève un commerçant en levant les yeux vers le ciel pour scruter l'hélicoptère qui tournoie depuis une heure. Ceux qui ne peuvent pas entrer se regroupent pour prier dehors. » De puissants « Allah ouakbar » retentissent, suivis d'un lourd silence et de prosternations aux pieds même des policiers – dont certains à cheval – et des militaires qui encerclent le regroupement. Un Polonais de passage à Jérusalem commente : « Cette situation me rappelle le début des années 1980 dans mon pays, quand les communistes faisaient face aux forces de la milice. Les manifestations ressemblaient à celle-ci : nous étions face à face avec les armes des autorités. » Pour immortaliser la scène, les journalistes sont là, nombreux. Chez El Ayed Rest, une gargote sur la placette, rien n'échappe au cuistot qui fait griller ses oignons, un œil sur la rue, l'autre sur la télé où Al Jazeera fait le point. Dans cette partie de la ville, on sait à quoi s'en tenir avec la presse israélienne, qui a consacré hier ses gros titres à la mort des trois soldats israéliens, aux obstacles au cessez-le-feu, ou encore, comme The Jerusalem Post, à la « victimisation des Palestiniens » orchestrée par les médias arabes.