Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les Algériens s'intéressent de plus en plus aux randonnées. Entre amateurs et professionnels, cette activité a atteint son pic ces derniers temps. El Watan Week-end s'est rapproché de ces randonneurs, hommes et femmes, qui ne peuvent se passer de ces virées en montagne et pour qui la randonnée est un mode de vie. «J'ai commencé à faire de la randonnée il y a plus de 20 ans. Au départ, c'était pour soigner un rhume rare dont je souffrais. Je traversais les montagnes et les villages de la Kabylie. Cette sorte de thérapie s'est ensuite transformée en passion. Comme une drogue, je ne pouvais plus m'en passer», raconte Samir Ait Ammar, un Bougiote de 50 ans. Cet amour pour la nature et la randonnée l'a poussé, en août 2014, à créer l'association «Randonneurs Béjaïa», dont il est le président. Son association lui a d'ailleurs permis de regrouper un grand nombre d'amoureux de la nature afin de partager la même passion : la randonnée. «Il y a un fort lien qui se crée entre les membres, ce qui facilite la communication. De plus, la nature joue un rôle tellement positif sur le système mental des randonneurs. La beauté des paysages, l'air frais et l'ambiance bon enfant qui règne dans le groupe sont les facteurs d'un total épanouissement moral», confie-t-il. Il semblerait donc que la randonnée prend de l'ampleur en Algérie. Selon Samir, elle n'est pas uniquement réservée aux jeunes. De plus en plus de personnes âgées s'intéressent à cette activité pour justement écarter tout risque de maladie chronique. Il explique : «La plupart des randonneurs considèrent cette pratique comme une fuite du stress quotidien, un moyen de sortir de la routine de la vie citadine, mais aussi une sorte de thérapie de groupe qui ne dit pas son nom.» Hakima, Louiza et Célia en sont un exemple parfait. Toutes les trois dépassent la cinquantaine. Elles pratiquent la randonnée depuis plus de 4 ans. Révolte Ces dernières confient : «Depuis notre adhésion à l'association Randonneurs Béjaïa, notre quotidien a basculé vers le positif. Le contact avec la nature nous a permis d'éviter les maladies chroniques et a amélioré le système cardiovasculaire.» Elles assurent également que les virées en montagne aident aussi sur le plan mental. «Les week-ends que nous passons en groupe avec les randonneurs sont un moyen de se couper du monde. Et cela implique évidemment d' éviter tout ce qui est technologie, téléphone et autre gadget dont on ne pourrait se passer dans la vie quotidienne», assurent-elles. Finalement, les randonnées sont une sorte d'évasion totale du quotidien trop chargé. En ce qui concerne les femmes, de plus en plus présentes lors de ces sorties, Samir explique : «Les femmes considèrent la randonnée comme une révolte contre la société ‘‘masculine'' qui veut à tout prix dire que la femme est un être faible incapable de réaliser des exploits physiques. Elles y trouvent une certaine liberté qu'elles n'ont pas dans la vie quotidienne.» De nombreuses jeunes femmes confirment cette analyse et soutiennent que prendre le chemin de la montagne est un moyen de quitter la ville, mais surtout échapper à la mentalité trop «masculine et rétrograde» régnante. L'autre raison qui pousse les jeunes femmes à prendre part à ce genre de sortie ? Le harcèlement. «Certaines femmes, se sentant harcelées et persécutées du regard, trouvent en ces randonnées une échappatoire», confie l'une d'elles. Ichrak et Aouatef sont deux amies, âgées de 25 ans, pour qui la randonnée est un besoin «élémentaire». Harcèlement Ces dernières ont commencé les sorties et les randonnées il y a un peu plus de 3 ans. Elles participent à une randonnée au moins une fois par semaine. Leur unique objectif : échapper à la mentalité gens de l'Est. «A Sétif, pour ne citer que cette région, on est tout le temps suivies par des jeunes hommes frustrés sexuellement. Chaque jour apporte son lot de harcèlements. On est insultées dans les rues à causes de nos habits. Les randonnées sont pour nous un refuge. C'est la seule esquive que nous avons trouvée pour échapper à ce climat néfaste, ces gens à l'esprit rétrograde», confient-elles. Autre avantage de la randonnée : tisser de nouveaux liens d'amitié. C'est le cas de Wassim, 26 ans, natif de Bordj Bou Arréridj. Il a pris part à plusieurs randonnées à travers le territoire national. Son but : faire de nouvelles connaissances. Le jeune homme ne se sentant pas intégré dans sa région natale, a trouvé refuge dans la nature pour extérioriser son «mal-être» et s'ouvrir au monde. «Grâce aux randonnées, j'ai réussi à sortir de ma carapace. Ma timidité a peu à peu diminué. J'ai rencontré des gens formidables. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, j'ai même rencontré la femme de ma vie, que je compte d'ailleurs épouser dans peu de temps», dit-il tout souriant. Finalement, les randonnées n'ont que des répercussions positives sur ces pratiquants. D'ailleurs, Rabah Tezkratt, doctorant en sciences techniques et activité physique et sportive, partage cet avis et explique que si les randonnées ont autant de points positifs, c'est parce qu'il s'agit d'une activité qui se pratique dans l'air pur durant des heures. Elles sont aussi accessibles à toutes les tranches d'âge et surtout peu coûteuses. «Les randonnées améliorent le système sanguin et alimentent les cellules nerveuses. Celui qui a pris l'habitude de passer 12 heures, 24h ou même 48h dans une montagne ne peut plus s'en priver parce que le corps humain a pris l'habitude de se reposer en mouvement», explique Rabah Tezkratt. Autrement dit, ce repos en faisant de la marche ou bien de l'alpinisme est très bénéfique pour la santé physique, mais aussi mentale. Par ailleurs, le spécialiste explique que l'esprit de groupe favorise les nouvelles rencontres. «Si les Algériens continuent à fréquenter les randonnées, cela aura un impact positif sur toute la société algérienne, car ça va diminuer voire éradiquer les fléaux sociaux et accroître l'espérance de vie», souligne l'expert.