L'été s'installe et c'est déjà la canicule dans certaines régions du pays, avec des températures dépassant les 40 degrés en ce début d'été. Des hausses qui engendreront comme chaque année une augmentation de la demande en énergie électrique avec l'utilisation accrue des climatiseurs, que ce soit dans les foyers ou dans les bureaux. D'ailleurs, depuis 2009, le pic de consommation annuelle, historiquement atteint en hiver, a muté vers l'été en raison du recours de plus en plus important à la climatisation. Cette hausse de la consommation d'électricité s'explique également par l'utilisation de l'éclairage public pour animer les longues soirées estivales. D'année en année, cette demande est en croissance avec la pression démographique et la réception de nouveaux logements, loin d'être aux normes en matière d'efficacité énergétique pour un parc immobilier passé de 5,8 millions de logements en 1999 à 8 millions d'unités actuellement, en attendant la réception de ceux en chantier. Parallèlement, depuis 1990, la population algérienne est passée de 25 millions d'habitants à 34,1 millions en 2007 et à 42,2 millions au 1er janvier 2018 et plus de 57 millions d'habitants en 2040, selon le dernier bilan de l'Office national de statistiques (ONS). Des chiffres qui montrent l'ampleur des besoins à prendre en charge en matière de produits énergétiques, notamment l'électricité. Des besoins qui s'exprimeront par ailleurs avec la réalisation de nouvelles villes, à l'instar de celles de Sidi Abdallah et de Bouinan, et les deux villes de Boughezoul (Hauts-Plateaux) et d'El Menea (Sud), ainsi que la création de plusieurs pôles urbains, qui ne feront qu'accentuer cette demande. «La demande en électricité ne peut qu'augmenter. Nous avons ajouté 2 millions de logements qui vont créer un besoin tout le long de l'année avec une pointe en été. Nous avons une croissance démographique des plus importantes au monde. Ceci va induire une augmentation des besoins électriques dans le futur. Sonelgaz programme chaque année 2000 MW en turbines à gaz ainsi qu'un développement des réseaux de transport électrique», fera remarquer à ce sujet l'expert en transition énergétique, Tewfik Hasni, pour illustrer l'ampleur des efforts fournis dans ce cadre. Ce qui fait que les pics de consommation électrique nationale en Algérie se suivent à un rythme rapide. Pour cette année, une hausse de 10% est prévue, selon les prévisions de Sonelgaz. Cette puissance était de 14250 MW en 2017, pour atteindre 15800 MW en cette période estivale, selon le PDG du groupe Sonelgaz, Mohamed Arkab. En 2016, faut-il le rappeler, le pic était de 12800 MW. Pour toute l'année 2017, la consommation a connu une croissance de 10% (par rapport à 2016) tirée essentiellement par la demande des clients haute tension avec une hausse de 20%, selon la revue Algérie énergie éditée par le ministère de l'Energie, dont une copie a été adressée à notre rédaction. Elle s'est située autour de 60 GWh, alors que la production a atteint 75 TWh. Parallèlement, la réception de nouvelles centrales électriques et l'extension des réseaux d'électricité ont contribué à l'augmentation de la puissance totale installée qui a atteint 19 500 MW en 2017, contre 18 971 MW en 2016, soit une croissance de 2,6%. Une tendance qui devrait se poursuivre les années à venir pour répondre aux besoins en énergie électrique, notamment durant l'été. Le PDG de Sonelgaz a d'ailleurs souligné la nécessité de redoubler d'efforts de manière à éviter les coupures et les délestages. La hantise des coupures Des situations qui reviennent chaque été avec tous les désagréments qu'elles causent. Il s'agit donc d'assurer une production supplémentaire pour cette période de pointe de l'ordre de 1500 MGW, alors que le volume annuel est estimé à 1800 MGW, dont 20 à 25% servent de réserve, soit 450 MGW. D'où ce recours à ce volume supplémentaire qui nécessite d'importants investissements oscillant entre 4 et 5 milliards de dollars, selon le ministre de l'Energie et des Mines, Mustapha Guitouni, qui s'est exprimé sur cette question à maintes reprises. «Il est inconcevable de dépenser 4 à 5 milliards de dollars pour installer de nouvelles infrastructures et faire face aux besoins de la population en électricité l'espace d'un mois et demi seulement», a-t-il regretté lors d'une de ses sorties médiatiques, appelant à éviter le gaspillage de cette énergie et regrettant dans le même sillage que l'Algérie n'arrive toujours pas à régler le problème de la surconsommation d'énergie. «La question n'est pas d'apprécier ce montant d'investissement. Mais de réduire la surconsommation dans les ménages. Les centrales à gaz seulement ne pourront disposer de tout le gaz requis par cette augmentation de la production électrique à partir du gaz. Le développement des énergies renouvelables pour éviter le gaspillage du gaz ne connaît pas l'intérêt qu'il mérite», relèvera à ce sujet justement Tewfik Hasni. D'où ces chiffres qui donnent le tournis. Selon le ministre de l'Energie, en 38 ans, de 1962 à 2000, l'Algérie a produit 4000 GW, alors qu'en 17 ans, de 2000 à 2017, cette production a atteint les 13000 MW, soit trois fois plus. Cela pour dire que la production s'est accélérée suivant la tendance de la consommation qui s'avère de plus en plus difficile à contrôler malgré les campagnes de sensibilisation et les appels récurrents à limiter le gaspillage de cette énergie. Surconsommation Mais, faudrait-il justement aller vers plus d'efficacité en ciblant toutes les catégories de consommateurs, des ménages, en passant par les collectivités locales jusqu'aux opérateurs économiques, qu'il y a lieu de convaincre pour modifier le modèle de consommation. Mais aussi accélérer le développement des énergies renouvelables (ENR). «Le programme des énergies renouvelables par un mix judicieux entre solaire, thermique, photovoltaïque, gaz torchés est en mesure de satisfaire tous les besoins, même exagérés, du pays, et de satisfaire l'export. Il permet d'économiser près de 40 milliards de mètres cubes de gaz par an», soulignera encore Tewfik Hasni, pour qui «la transition énergétique ne peut être menée par une vision à court terme en étant otages des crises économiques et sociales». «Il faut responsabiliser d'autres acteurs déconnectés de la situation politique en un partenariat publique-privé», recommandera notre expert. En attendant, des actions éparpillées sont menées par secteur. Des actions éparses Pour ce qui est des communes, par exemple, une feuille de route a été mise en place pour rationaliser la consommation d'électricité pour l'éclairage public via notamment le remplacement graduel des lampes classiques, utilisées dans l'éclairage public, par des lampes LED, considérées comme moins énergétivores. Ce qui se fera initialement, selon le ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire dans le cadre d'un programme pilote qui est en cours de finalisation et qui concernera dans un premier temps 31 communes, avant d'être élargi aux différentes régions du pays. Une étude menée à ce sujet a montré que le remplacement de 60% des lampes classiques par des lampes LED permettra de réduire le coût annuel de l'éclairage public de 8,4 milliards de dinars actuellement, à 5,6 milliards de dinars. Pour en arriver là, faudrait-il aussi que les communes mettent le paquet. Il est prévu par ailleurs de développer l'utilisation de l'énergie solaire au niveau des communes, notamment en ce qui concerne l'éclairage public et l'alimentation électrique des structures publiques, comme les écoles, les mosquées et autres établissements. Aussi, un programme d'éclairage public autonome, étalé sur une durée de trois ans, a été introduit dans cette feuille de route, pour réduire la consommation d'électricité de 61 MW/an et économiser ainsi 277 millions de dinars, toujours selon le ministère de l'Intérieur, qui a adressé aux quatorze wilayas côtières une instruction appelant à l'utilisation, durant cette saison estivale, de panneaux photovoltaïques pour l'éclairage des parkings des plages, espaces balnéaires et autres espaces de détente. Mais, pour l'heure, les choses ne semblent pas avancer dans ce sens. Déjà que les parkings sont gérés de manière anarchique dans la majorité des cas. Passer au photovoltaïque dans ce cas serait utopique. Même constat pour la réalisation du programme national d'efficacité énergétique dans son volet habitat. Un programme qui devrait toucher théoriquement, tel que relayé dans les discours, 100 000 logements/an à prendre en charge à hauteur de 80% (pour les surcoûts). Or, les moyens sont loin d'être disponibles. Pour Mohamed Salah Bouzeriba, directeur général de l'Agence nationale pour la promotion et la rationalisation de l'utilisation de l'énergie (APRUE), la réussite d'un tel programme passe par l'existence d'une industrie locale à même d'assurer les matières premières et les équipements. Place donc aux projets pilotes, à l'image du programme des 600 logements dans 11 wilayas du pays toujours en cours d'évaluation, alors que son lancement remonte à près de dix ans, exactement en 2009. Pour cette année, on annonce une opération du même genre visant l'isolation thermique qui touchera 4000 logements. Mais à quel rythme ?