Les premières interventions de quelques députés de Nidaa Tounes et, à leur tête, l'ex-président du bloc parlementaire, Fadhel Omrane, laissaient entendre que le parti n'allait pas accorder sa confiance au ministre proposé à l'Intérieur, Hichem Fourati. Le député Omrane a même dû s'excuser auprès du ministre nominé, en lui disant : «Vous êtes en train de payer les pots cassés de la discorde au sein de notre parti, Nidaa Tounes, nous opposant au chef du gouvernement, qui continue à prétendre appartenir à ce parti.» Des propos traduisant la tension régnant sous l'hémicycle de l'ARP. Nidaa Tounes croyait, à ce moment-là, pouvoir empêcher le chef du gouvernement de réunir la majorité absolue (109 voix) pour le ministre nominé. Il continuait à se proclamer opposé à la nomination de Hichem Fourati. Le président du groupe parlementaire Allégeance à la patrie, Riadh Jaidane, disait, avant-hier matin dans une publication sur Facebook, que son téléphone n'avait pas arrêté de sonner la veille. «Les propos alternaient entre les menaces et les tentatives de corruption», explique le député dont le bloc est formé de 12 membres et pourrait bien s'avérer décisif pour que le ministre de l'Intérieur obtienne la majorité qualifiante. Jaidane dit ne pas croire que la Tunisie soit arrivée à ce niveau. Les mêmes pressions ont aussi été subies par les blocs parlementaires Nationaliste, Union patriotique libre, ainsi que quelques députés indépendants, connus pour leur soutien au gouvernement de Youssef Chahed. Le groupe proche de Hafedh Caïd Essebsi, le directeur exécutif de Nidaa Tounes, a multiplié les manœuvres à l'adresse de ces députés, pour les dissuader de voter la confiance au ministre nominé. Selon Echorouk News, Hafedh Caïd Essebsi aurait même menacé, dans la matinée d'avant-hier, des députés de son parti d'exclusion si jamais ils votaient la confiance au ministre. C'est dire à quel niveau la tension était montée. Rebondissements Au début de l'après-midi d'avant-hier, vers 15h, le bloc parlementaire de Nidaa Tounes a appelé à une conférence de presse, en présence du directeur exécutif du parti, Hafedh Caïd Essebsi. Le président du bloc parlementaire, Soufiane Toubal, a annoncé que le parti avait changé de position et qu'il allait accorder la confiance au ministre nominé à l'Intérieur. «Nous avons décidé de faire prévaloir l'intérêt national», a déclaré Toubal. «La direction du parti a compris que Hichem Fourati allait obtenir la confiance de l'ARP sans nos voix ; la division au sein de Nidaa Tounes pourrait alors s'avérer fatale», a déclaré un député Nidaa sous couvert de l'anonymat. «J'avais en tête de m'éclipser avant le vote pour éviter les pressions des uns et des autres», a-t-il ajouté. Lors de la conférence de presse, il a été également demandé au gouvernement de Youssef Chahed de solliciter le renouvellement de la confiance de l'ARP, au bout de 10 jours. «C'est une condition qui a été dite pour sauver la face à Hafedh Caïd Essebsi», a commenté le même député de Nidaa Tounes. Lors de l'opération du vote de confiance, 10 députés de Nidaa Tounes ont quitté la salle, 4 se sont abstenus, les députés Mongi Harbaoui et Ridha Charfeddine, les députés les plus virulents contre Youssef Chahed, n'ont pas suivi la consigne de vote en faveur du ministre nominé. Le ministre Hichem Fourati, quant à lui, est passé avec 148 voix sur les 169 députés présents. Un résultat similaire à un plébiscite. Finalement, ce revirement a renforcé le climat malsain vécu au sein du parti créé en 2012 par Béji Caïd Essebsi.