L'Assemblée des représentants du peuple a accordé, très tard dans la soirée d'avant-hier, sa confiance au gouvernement d'union nationale de Youssef Chahed. Le vote était massivement en sa faveur avec 168 voix favorables sur les 195 votants. La séance de vote de confiance au gouvernement Chahed, tenue avant-hier à l'ARP, a concrétisé l'union nationale préconisée par l'initiative du président de la République, Béji Caïd Essebsi. En effet, seuls 22 députés se sont opposés au programme du gouvernement, alors que 5 autres se sont abstenus sur les 195 présents sous la coupole de l'ARP. Pour différentes raisons, 22 députés n'étaient pas présents. L'opposition s'est limitée aux députés du Front populaire et des groupes dérivés du Congrès pour la République (CPR) de l'ex-président Moncef Marzouki. Majorité ! Fait marquant de la séance d'avant-hier, les députés de la majorité politique (Nidaa Tounes, Ennahdha, Afek Tounes, Al Massar, Al Joumhouri et des indépendants) n'ont pas défendu le programme présenté par le chef du gouvernement nominé, comme cela devrait être le cas. Ils ont émis des réserves, à l'instar des députés de Machrouaa Tounes de Mohsen Marzouk et ceux de l'Union patriotique libre (UPL) de Slim Riahi, dont les partis ne sont pas représentés au sein du gouvernement. Tous ces partis cités ont voté pour le gouvernement et sont supposés former sa ceinture politique et le défendre sur les plateaux et les tribunes des médias. Pourtant, loin de cette approche, la majorité politique a procédé à une auto-évaluation de ses œuvres durant les deux dernières années. Tout le monde a pris du recul par rapport au gouvernement et émis des réserves sur les choix de Youssef Chahed. Toutes les interventions des partis de la majorité ont versé dans le soutien conditionné au gouvernement, ce qui rappelle un peu ce qui s'est passé avec Habib Essid. «Ce n'est pas bon signe», selon le politologue Slaheddine Jourchi. «Cela veut dire qu'il y a un risque que ces partis politiques ne mettent pas la main à la pâte pour assurer une assise politique à ce gouvernement. Or, sans la relance d'une dynamique sociopolitique autour des actions gouvernementales, aucun message ne pourra passer auprès d'une population plutôt désabusée», explique-t-il. Réserves Les interventions de plusieurs députés de la majorité ont laissé apparaître de multiples réserves. Ainsi, Hatem Ferjani de Nidaa Tounes a déclaré : «Notre parti a déjà affiché son soutien au gouvernement d'union nationale. Cependant, nous avons des réserves concernant quelques noms. Certains profils ne répondent pas à nos attentes. Ils peuvent représenter un fardeau pour tout le gouvernement.» Pour sa part, Mustapha Ben Ahmed du bloc Al Horra a eu des propos mitigés : «Je me trouve coincé suite à votre discours. Notre principale réserve concernait le nombre élevé des membres de votre équipe. Cependant, je vous conseille de ne pas céder aux pressions et de continuer avec l'esprit engagé qu'on a ressenti dans votre discours d'aujourd'hui.» Le député d'Afek Tounes, Hafedh Zouari, a appelé le chef du gouvernement à le recevoir afin de lui communiquer une liste nominative des personnes corrompues. «La corruption ne se limite pas au petit bakchich, elle concerne surtout les dizaines de conteneurs qui passent sans le moindre contrôle à travers nos ports et les médicaments périmés qui malgré tout sont vendus à notre population», a-t-il insisté. Et d'attirer l'attention sur le fait que «derrière chaque homme d'affaires corrompu, il y a un cadre (voire plusieurs) soudoyé dans l'administration». Mais, comme l'a si bien dit ce député, la majorité politique n'a pas le choix. Elle doit accorder sa confiance au gouvernement de Youssef Chahed et veiller à réussir la transition socioéconomique. Dans ses réponses aux propos des députés, Youssef Chahed a promis de continuer la marche victorieuse contre le terrorisme et d'aller de l'avant dans la lutte contre la corruption. Mais il a surtout demandé aux Tunisiens de se mobiliser pour leur pays. M. Chahed a mis l'accent sur l'impératif de reprendre le travail. «Si les choses ne vont pas mieux en 2017, la Tunisie devra adopter une politique d'austérité, ce qui signifie élimination de milliers de postes d'emploi, la hausse des taxes, etc.», a-t-il prévenu. L'avenir est loin d'être rose en Tunisie.