Plus du tiers du bloc parlementaire (31 députés sur 86) a déposé sa démission du groupe du parti à l'ARP, qui deviendra officielle samedi prochain si un compromis ne se dessine pas entre-temps l Les islamistes d'Ennahdha sont aux aguets pour devenir le premier groupe à l'ARP (Parlement). Une course contre la montre est engagée au sein du groupe parlementaire de Nidaa Tounes, suite au dépôt, lundi dernier, par 31 députés de leur démission du bloc du parti au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Le règlement intérieur de l'ARP stipule que cette démission ne devient effective que cinq jours après son dépôt. Tout Nidaa Tounes travaille donc pour éviter l'irréparable. Avec 86 membres, Nidaa Tounes dispose du 1er groupe parlementaire, devant Ennahdha qui a 69 députés à l'ARP. La démission de ces 31 députés relèguerait Nidaa Tounes au 2e plan, d'où l'enjeu crucial de ce combat de coqs entre le clan du secrétaire général, Mohsen Marzouk, et celui du vice-président du parti, Hafedh Caïd Essebsi, fils du président de la République. Origines du différend Les querelles au sein de NidaaTounes ne sont pas nées de l'exercice du pouvoir. Elles étaient latentes et trouvent leurs origines dans la composition même du parti, qui est un mélange de destouriens, syndicalistes, gauchistes et indépendants. Le politologue et, néanmoins, secrétaire général du parti, Al Massar, explique que «Béji Caïd Essebsi avait besoin, lors de l'édification de ce parti, de tout cet éventail nationaliste pour porter un projet sociétal opposé à celui d'Ennahdha». L'ex-membre de l'Assemblée nationale constituante ajoute que chaque composante avait un rôle à jouer dans le processus devant mener Nidaa Tounes vers l'éclatante victoire électorale qui est la sienne en 2014. «Les syndicalistes, les gauchistes et les indépendants présentaient la façade progressiste et moderniste du parti fondé par Béji Caïd Essebsi. C'est grâce à eux que Nidaa Tounes a franchi ses premiers pas dans un environnement hostile à tout renouveau du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l'ex-parti au pouvoir», précise-t-il, avant de rebondir sur le fait que «c'est grâce à la machine des destouriens que Nidaa Tounes a gagné les élections, bien qu'ils n'étaient pas très présents dans les listes électorales». Samir Taieb conclut en disant que les destouriens, faiblement représentés au Parlement et au gouvernement, veulent dominer le parti. «Leur fer de lance est Hafedh Caïd Essebsi, qui essaie d'opposer son affiliation au fondateur du parti pour faire face à la fougue du secrétaire général, Mohsen Marzouk, et sa troupe de jeunes loups syndicalistes et gauchistes», précise l'universitaire. Même si les signataires de la motion de démission ne sont que 31, on est proche de l'équilibre des forces, comme cela a été constaté lors de l'élection du président du bloc. Mohamed Fadhel Ben Omrane a obtenu 39 voix, alors qu'Abderraouf Cherif en a eu 38. Même constat lors de la réunion à laquelle a appelé le président de la République et fondateur de Nidaa Tounes, le lundi 2 novembre. 47 députés (sur 86) ont répondu favorablement à l'appel de Béji Caïd Essebsi. Les autres se sont excusés auprès du Président. «Il est inadmissible de nous asseoir avec les personnes qui ont commandité des agressions contre nous la veille», ont-ils fait savoir à la présidence, en référence aux violences constatées à Hammamet en marge du conseil exécutif de NidaaTounes. Rapport de force Par ailleurs, lors des élections du bureau politique en mars dernier, c'est l'aile de Mohsen Marzouk qui est sortie renforcée. Même Abderraouf Khammassi, le plus fidèle des lieutenants de Hafedh Caïd Essebsi, n'a pas réussi à rejoindre le bureau politique. Il a été repêché par l'instance constitutive comme étant le représentant des Tunisiens à l'étranger. Donc, la mainmise de l'aile de Hafedh Caïd Essebsi sur les structures de Nidaa Tounes n'est pas évidente. Il y a beaucoup d'effets médiatiques, ne cessent de dire les contestataires. «Ne glorifiez pas beaucoup la réunion de Djerba. Il n'y a que les deux premières rangées qui sont composées de militants de Nidaa Tounes. Le reste est composé de badauds ramenés dans des bus», a précisé le vice-président de NidaaTounes, Faouzi Loumi. Aux dernières nouvelles, le président Beji Caïd Essebsi a proposé que les deux leaders rivaux, son fils et Mohsen Marzouk, ne se présentent pas aux prochaines échéances électorales lors du congrès constitutif du parti, annoncé pour le mois prochain. Le président de la République coupe ainsi l'herbe sous le pied de ceux qui l'accusent de soutenir son fils. La proposition freinerait également l'ascension du ténor du courant gauchiste au sein de Nidaa Tounes, quoique ce dernier ait déjà annoncé qu'il ne briguerait aucun poste dirigeant au sein du parti.