Des bandes organisées et spécialisées dans les vols et les agressions sévissent chaque été sur la l'Autovía del Mediterráneo A-7, une autoroute qui longe toute la côte méditerranéenne de l'Espagne pour relier Barcelone à Algésiras, au sud du pays. Des dizaines de cas d ́agression (parfois violentes) sont signalées lors de cette période estivale. Espagne De notre correspondant Scènes de vie quotidiennes sur l'axe autoroutier Barcelone- Alicante. Un homme assis, les mains sur la tête, le regard absent, cherche quelque chose des yeux sur l'asphalte brûlant. Cet Algérien vit un moment d'apathie, au bord d'un malaise cardiaque, le down, les tremblements, les douleurs musculaires, les crises d'angoisse… Mohamed A., 41 ans, émigré en France depuis presque une vingtaine d'années, vient de se faire agresser et délester de son argent, ses cartes de crédit, son téléphone portable et sa dignité. Son désarroi se conjugue à la première personne du singulier : je. Il sent qu'il a été incapable de sécuriser sa femme et ses trois petits enfants ainsi que ses biens. Mais qu'aurait pu faire Mohamed face à cette bande organisée et spécialisée dans les vols et les agressions, comme d'autres, qui sévissent chaque été sur la A-7 (autoroute Barcelone-Alicante) ? C'est la route qui mène au port d'Alicante, d'où des émigrés algériens venant des quatre coins de l'Europe embarquent pour l'Algérie. «Chaque jour, nous enregistrons trois à quatre plaintes de familles émigrées algériennes qui se font agresser et voler sur cet axe», s'indigne un fonctionnaire du consulat d'Algérie à Alicante. En effet, ce sont des dizaines de familles d'émigrés algériens qui subissent le diktat de plusieurs groupes d'individus souvent dangereux qui écument l'A-7. «Ils sont de nationalités différentes d'Europe de l'Est, du Maghreb ou d'Amérique latine», témoigne Saïd, une autre victime des méfaits de ces agresseurs qui ont des techniques bien rodées. Les lieux de prédilection sont les stations-service et les aires de repos. Dans certains cas rapportés, les voleurs glissent une lame de cutter dans le pneu avant droit du véhicule au moment où le conducteur est occupé à payer le carburant. Quelques kilomètres plus loin, le propriétaire du véhicule se rend compte que son pneu est crevé et s'arrête pour le changer. A ce moment-là surgissent les agresseurs pour le maltraiter et lui prendre tout ce qui a de la valeur. Personne ne voit l'action, car le conducteur sera sur le côté droit du véhicule, donc invisible pour les automobilistes qui passent. Souvent, les émigrés se font tabasser bien qu'ils soient coopératifs et donnent tous leurs biens aux voleurs. «C'est pour semer la terreur et la peur chez l'agressé afin qu'il ne porte pas plainte», explique un spécialiste de la sécurité. Ce miroir de la peur se lit chez les Algériens victimes de ces agressions et qui ont décidé d'emprunter d'autres autoroutes, même si ce nouvel itinéraire leur coûte des dizaines de kilomètres en plus et parfois même de l'argent. Pour le consulat d'Algérie à Alicante, une campagne de prévention et d'information est nécessaire afin d'avertir les usagers de l'A-7. Ce souci de prévention indiquerait aux familles d'émigrés de redoubler de vigilance, de ne pas s'arrêter dans les lieux déserts et surtout de faire très attention lors du ravitaillement du véhicule en carburant. Cela change-t-il quelque chose au fond de l'affaire ? Peut-être pas après tout. Les Algériens ne sont pas souvent prévenants ou informés. Le mieux est de les informer sur la réalité de ces agressions et ces vols qui prennent, déjà, les allures d'un phénomène de société, vénéneux et extrêmement dangereux. Mais il ne sert à rien de réduire le phénomène à sa simple dimension morale.