Une guerre juste ». Le directeur de l'hebdomadaire L'Express, Christophe Barbier, a le mérite d'aller jusqu'au bout de ses idées. Cumulard invétéré (à se demander quand prend-il le temps de se documenter), (il sévit dans plusieurs médias, Express, LCI, la 5…), sarkozyste sans complexe, il nous a habitués à des analyses fast-think, sans jamais avoir en face de lui un contradicteur. Concernant Ghaza, il fait fort. Près de 1200 victimes palestiniennes, dont 400 enfants, le monde se révulse devant l'horreur. Pas lui. Il nous enjoint même de penser autrement. « C'est par-delà l'horreur qu'il faut réfléchir. C'est au-delà des images, ou malgré leur censure, qu'il faut penser les conflits. Il n'y a pas plus aveugle qu'un militaire ni pire sourd qu'un terroriste. Le premier tire sur tout ce qui bouge, parce que cela peut être un ennemi ; le second vise aussi ce qui ne bouge pas, parce que même un civil endormi est un ennemi. » Pas très convaincant ? Dans son éditorial de cette semaine « Une guerre juste, juste une guerre » – fallait oser, il l'a fait – il félicite Israël pour son courage. « Israël agit pour nous », (les caractères gras lui appartiennent) (Nous qui ? Français, Occidentaux, pro-israéliens ? il ne précise pas). Les bombes ne suffisent pas à couvrir le chœur des hypocrites, qui attendent que Tsahal éradique le Hamas, en espérant que dégâts et bavures seront limités : pays arabes voisins ou lointains, Fatah palestinien ou grandes puissances sont tous impatients que ce sale travail soit terminé, comme ils seront soulagés et ravis qu'il soit fait. Israël a raison de mener cette guerre et, même si le Hamas n'est pas djihadiste, il le fait aussi pour notre tranquillité, ce qu'il est honteux de ne pas reconnaître. Laissons donc Christophe Barbier jouir de sa tranquillité tant que les bombes au phosphore tombent sur les hôpitaux. « Une riposte excessive ? », se demande faussement André Glucksmann, un philosophe qui a soutenu la guerre en Irak. Dans une tribune très laborieuse parue dans Le Monde, l'ancien maoïste devenu « néocon », se lance dans la sémantique pour nous expliquer le sens de « disproportionné ». Quelle serait la juste proportion qu'il lui faudrait respecter pour qu'Israël mérite la faveur des opinions ? L'armée israélienne devrait-elle ne pas user de sa suprématie technique et se borner à utiliser les mêmes armes que le Hamas, c'est-à-dire la guerre des roquettes imprécises, celle des pierres, voire à son libre gré la stratégie des attentats suicide, des bombes humaines et du ciblage délibéré des populations civiles ? Ou, mieux, conviendrait-il qu'Israël patiente sagement jusqu'à ce que le Hamas, par la grâce de l'Iran et de la Syrie, « équilibre » sa puissance de feu ? Ce n'est plus un philosophe mais un porte-parole de Tsahal. « On ne peut travailler pour la paix au Proche-Orient qu'à la condition d'échapper aux tentations de l'inconditionnalité, lesquelles hantent non seulement les fanatiques jusqu'au-boutistes, mais aussi les âmes angéliques qui fantasment une sacro-sainte ‘'proportion'' propre à équilibrer providentiellement les conflits meurtriers. Au Proche-Orient, on ne se bat pas seulement pour faire respecter une règle du jeu, mais pour l'établir. On peut à juste titre discuter librement de l'opportunité de telle ou telle initiative militaire ou diplomatique, sans toutefois supposer le problème résolu d'avance par la main invisible de la bonne conscience mondiale. Il n'est pas disproportionné de vouloir survivre », tranche-t-il. Le mot est lâché. Le combat est proportionné. Les roquettes artisanales et imprécises du Hamas (qu'il faut condamner) méritent ce déluge de feu. Les 13 victimes israéliennes (dont quelques-unes par des tirs « amis » de l'armée israélienne, qu'il faut aussi déplorer) doivent avoir pour réponse ce massacre. La logique selon Glucksmann. Libérer les Palestiniens du Hamas, telle est l'ambition de Bernard-Henry Lévy. Dans sa chronique hebdomadaire au Point, il pratique l'art de l'esquive avec un brio admirable. « N'étant pas un expert militaire, je m'abstiendrai de juger si les bombardements israéliens sur Ghaza auraient pu être mieux ciblés, moins intenses. » Et en tant qu'humain, philosophe, journaliste, romancier… ? « Aucun gouvernement au monde, aucun autre pays que cet Israël vilipendé, traîné dans la boue, diabolisé, ne tolérerait de voir des milliers d'obus tomber, pendant des années, sur ses villes : le plus remarquable dans l'affaire, le vrai sujet d'étonnement, ce n'est pas la ‘'brutalité'' d'Israël, c'est, à la lettre, sa longue retenue. Le voilà redevenu expert militaire en un paragraphe. Et la disproportion ? » « Le fait que les obus israéliens fassent, à l'inverse, tant de victimes, ne signifie pas, comme le braillaient les manifestants de ce week-end, qu'Israël se livre à un ‘'massacre'' délibéré, mais que les dirigeants de Ghaza ont choisi l'attitude inverse et exposent leurs populations : vieille tactique du ‘'bouclier humain'' qui fait que le Hamas, comme le Hezbollah il y a deux ans, installe ses centres de commandement, ses stocks d'armes, ses bunkers, dans les sous-sols d'immeubles, d'hôpitaux, d'écoles, de mosquées, efficace mais répugnant. » Le revoilà définitivement expert militaire, reprenant à son compte la propagande de Tsahal. Et pour terminer, le directeur du Point : « Le pire se profile avec la radicalisation de la guerre livrée à Israël. » Admirez la tournure de la phrase, la guerre livrée à Israël. Par qui ? Avec quelles armes ? Qui a décidé donc d'attaquer Ghaza ? Y a-t-il des informations que seul Claude Imbert, celui qui a écrit, sans être nullement inquiété, être islamophobe. « Une vaste répulsion pacifiste répond dans la rue aux vœux du Hamas. Portée, amplifiée par Al Jazeera, internet et le bouche à oreille, l'horreur des ‘'masacres'' remue comme jamais, du Maghreb à l'Indonésie, l'immense communauté islamique. En France, les quartiers sensibles bougent. Des juifs cachent leur kippa et certains, déjà, déménagent. Une foule de plus de 100 000 personnes s'exaltait, à Paris, l'autre jour, contre Israël. Dans l'ultragauche, mais aussi dans tous les cafés arabes et sur les graffitis des murs, l'antisionisme se mue en antisémitisme déclaré. Une très sale pente ! » A relever aussi les guillemets pour le mot « masacres ». Quant aux cafés arabes, l'immense communauté islamique (pas musulmane)… Rien de nouveau avec Claude Imbert, une rhétorique usée, obsolète qui sent la naphtaline d'une certaine France.