Des millions d'années durant, l'histoire géologique dans cette région aura eu gain de cause de cette transgression marine, en la réduisant à sa plus simple expression : une lagune très vite asséchée. C'est plus récemment, il y a environ 20 millions d'années, plus précisément au miocène (âge géologique), que se forma dans ce vestige aquatique une roche à la texture très fine, grisâtre ou tirant vers l'ocre. C'est alors qu'apparut le « royaume » des grés couvrant, à partir de la mer repliée, les djebels d'Assouaf dont les contrebas endurcis abritent l'actuelle ville de Dellys. Plusieurs fois millénaire, Dellys la vertueuse, vulnérabilisée à la fois par les aléas des effets anthropiques et naturels assiste impuissante au dépérissement de ses derniers vestiges archéologiques. A l'oubli de l'homme, s'ajoute une tectonique très active constituant un relief mouvant qui, loin d'être immuable, est en perpétuelle évolution. C'est dans ce contexte de contraintes naturelles et anthropiques qu'un véritable cri de détresse a été lancé dont l'écho a fait l'objet d'un récent ouvrage intitulé Dellys aux mille temps publié par les éditions du Tell à Blida. A travers cet ouvrage, Yasmina Chaïd Saoudi, préhistorienne, paléontologue des vertébrés, actuellement maître de conférences à l'Institut d'archéologie de l'université d'Alger, met en exergue l'héritage naturel et anthropique de la région. L'auteure de cette publication, riche d'illustrations d'excellente qualité, nous invite à une chevauchée spatiale et en même temps chronologique au fil de l'histoire de la ville de Dellys. Depuis l'entrée du premier homme dans cette contrée, passant par les puissances méditerranéennes de l'Antiquité, à la Tadelès (Dellys médiévale), aux temps de l'occupation, et jusqu'à la Dellys d'aujourd'hui, l'auteur, sans se perdre dans le détail, étale l'essentiel du patrimoine physique et moral des différentes époques. L'intime du quotidien dellyssien s'exhale en délices à travers une riche panoplie de l'art gastronomique, le vêtement, les contes populaires, la Casbah, la toponymie, l'ichtyonymie, proverbes… L'ouvrage de 139 pages se termine, comme l'affirme son auteur, sur une note d'optimisme, en incitant l'interlocuteur à interroger l'histoire de ce petit bout d'Algérie, car celle-ci a beaucoup de choses à dire. « …ce regard porté sur le passé me permet d'affirmer que cette ville et ses habitants, qu'ils aient été Punico-Libyques, Rusucuricains, Andalous, appartenant à Ahl el Oukoul El Kamila ou Dellyssiens tout court (……) avaient toujours quelque chose à raconter, quelque chose à enseigner », conclut-elle dans sa publication.