L'histoire a été relatée avec humour la semaine dernière par le New York Times : Le président Bush interrompt son discours pour parler au téléphone avec le Premier ministre israélien, visiblement contrarié. E. Olmert aurait « sommé » le président Bush de « modifier sur le champ » une décision que son pays s'apprête à prendre au Conseil de sécurité de l'ONU. Le président s'exécute puis reprend son discours. Ce serait ainsi que la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, aurait changé le vote américain favorable à la résolution des Nations unies en abstention. Avec l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche, il serait naïf de s'attendre à un changement de cap américain vis-à-vis de l'ami israélien. De tout temps, les visages des présidents américains ont changé, mais pas leur leur mansuétude envers Israël. La position de Barack Obama sur le conflit israélo-palestinien est restée assez ambiguë. En pleine guerre barbare contre Ghaza, il a maintenu le suspense jusqu'au bout. Les raisons du soutien indéfectible à Israël sont appuyées sur trois axes. Le premier est tactique : le puissant lobby juif Aipac, qui ne lésine pas sur les moyens pour financer les campagnes des candidats à la présidence et des sénateurs du Congrès, attend aujourd'hui les fruits de sa récolte. Le président élu est piégé comme quelqu'un qui aurait vendu son âme au diable. Le deuxième axe est d'ordre religieux : les évangélistes croient dur comme fer que la résurrection de Jésus-Christ devrait avoir lieu sur la terre d'Israël. Un grand nombre d'Américains soutiennent aveuglément l'Etat hébreu pour atteindre le pardon céleste. Le dernier axe est économique : les Etats-Unis tiennent à avoir un allié de poids dans cette partie du monde riche en hydrocarbures. Barack Obama semble ainsi prêt à endosser le rôle de « faucon » que l'Administration et le Congrès américains attendent de lui. Dans son commentaire sur le discours du candidat devant l'Aipac, Shmuel Rosner, correspondant du quotidien israélien Ha'aretz à Washington, a conclu qu'Obama « semblait aussi ferme que Clinton, aussi solidaire que Bush, aussi amical que Giuliani ». Israël est « notre plus grand allié dans la région et la seule démocratie établie », a dit Obama devant l'Aipac, assurant que « nous devons préserver notre engagement total à l'égard de la relation de défense unique avec Israël en finançant entièrement l'aide militaire et en poursuivant les travaux sur Arrow et les programmes de défense antimissile apparentés ». Il s'est opposé à un gouvernement palestinien unissant le Hamas et le Fatah et, a-t-il insisté, « nous devons continuer à isoler le Hamas » jusqu'à ce qu'il réponde aux conditions unilatérales du Quartette. Ces paroles devaient sonner mal aux oreilles de ceux qui connaissaient l'Obama d'avant l'investiture, celui qui se montrait sensible aux souffrances des Palestiniens et qui voulait faire quelque chose pour apporter plus de justice dans cette partie du monde. « En 2000, quand Obama s'est présenté, sans succès, aux élections pour un siège au Congrès, je l'ai entendu parler lors d'une campagne de collecte de fonds, accueilli par un professeur de l'université de Chicago. A cette occasion et en d'autres, Obama a critiqué sans détours la politique américaine et a demandé franchement que le conflit israélo-palestinien soit abordé de façon équitable », raconte Ali Abunimah, un militant palestinien vivant aux Etats-Unis. Il poursuit : « Un autre jour, alors qu'il arrivait du froid et qu'il enlevait son manteau, j'allais le saluer. Il me salua chaleureusement et me dit : "Désolé, je n'ai pas beaucoup parlé des droits palestiniens maintenant, mais nous sommes dans une rude course aux primaires. J'espère que quand les choses se calmeront, je pourrai être plus franc". » Ce jour n'arrivera peut-être pas avant un deuxième mandat dans lequel il aurait les coudées plus franches. Pour l'heure, quelques éléments révèlent une politique pas différente de celle de ses prédécesseurs. L'équipe Obama voit réapparaître tous les anciens de l'équipe Clinton comme Dennis Ross et Martin Indyck, qui sont à la fois des juifs américains et des démocrates. Les Etats-Unis ont tenté plusieurs politiques au Proche-Orient, mais toutes les initiatives en faveur de la paix étaient vouées à l'échec. De l'initiative de Jimmy Carter qui a consacré le rapprochement entre l'Egypte et Israël à travers l'accord de Camp David en 1978 à celle de Bill Clinton qui ne présentait aucune proposition concrète sur la construction d'un Etat palestinien en passant par les accords d'Oslo dont on ne cesse de mesurer les dégâts, toutes les initiatives prises pour cette partie du monde participaient à consolider l'Etat d'Israël. Le « processus de paix » n'était plus, après 1996, qu'une couverture au doublement des colons en Cisjordanie. Quels que soient les présidents des Etats-Unis, républicains ou démocrates, catholiques ou protestants, il n'a jamais été pris en compte les espoirs des peuples arabes et musulmans. Toutes les interventions menées dans cette région visaient leurs propres intérêts, que ce soit pour garantir leur approvisionnement en pétrole, pour gagner la guerre froide, pour affirmer leur hégémonie ou pour soutenir Israël. Les paroles de Nicolas Burns, sous-secrétaire d'Etat américain, prononcées le 11 avril 2007, sonnent aujourd'hui comme une prophétie : « Il y a dix ans, l'Europe était l'épicentre de la politique étrangère américaine. D'avril 1917, quand Woodrow Wilson envoya un million d'hommes sur le front occidental, jusqu'à l'intervention du président Clinton au Kosovo en 1999. Pendant l'essentiel du XXe siècle, l'Europe fut notre préoccupation première, vitale. (...) Désormais, tout a changé. (...) Le Proche-Orient occupe pour le président Bush, pour la secrétaire d'Etat Rice, et il occupera pour leurs successeurs la place que tenait l'Europe auprès des différentes administrations durant le XXe siècle. »