Mabrouk El Mechri, trentenaire, du talent à revendre et une grande insolence créative. La preuve ! Il est réalisateur, compositeur, chanteur et scénariste. Il vient de signer JCVD, un portrait émouvant sur Jean-Claude Van Damme. Comment l'idée de faire un film sur Jean-Claude Van Damme a-t-elle germé ? C'est une idée qui avait germé chez le producteur, en fait. Jean-Claude (Van Damme) avait donné son accord pour un film où il interpréterait son propre rôle. Mais personne n'était content du script. C'était un scénario « qui se foutait de la gueule » de Jean-Claude (Van Damme), plutôt d'essayer de le respecter un petit peu. Le producteur m'a fait lire le scénario. Sur la base de ma réaction et autres commentaires, il m'a proposé d'écrire ma version et de faire le film. Aussi, j'ai adapté le scénario. Cela a pris quatre semaines. Et tout le monde était satisfait, y compris Jean-Claude (Van Damme). Cela a l'air d'une blague belge, Jean-Claude Van Damme fait dans l'autodérision en s'exposant... Oui ! Jean-Claude (Van Damme), c'est quelqu'un qui a du recul sur lui- même. Donc il peut se permettre d'être drôle, parfois malgré lui. Là, c'était bien d'avoir sa propre version de l'autodérision, mais où les spectateurs rient en même temps que lui. Les blagues qui se font au détriment de quelqu'un, à un certain moment, ce n'est pas drôle du tout. La caricature réductrice... Oui exactement ! Est-qu'il était « aware » (conscient) de cela ? Oui ! Il était très conscient de l'image qu'il dégage. C'est quelqu'un qui sait s'abriter derrière le personnage qu'il s'est construit pour qu'on le laisse tranquille, des fois. Il sait très bien que les gens le lâcheront très vite s'il dit « aware » deux ou trois fois. Il a une manière de se protéger en utilisant le personnage qu'il a créé médiatiquement qui prête à confusion. Car, ils ne savent pas qui est le vrai Jean-Claude Van Damme. Et en même temps, cette protection lui permet d'avoir un semblant de vie normale avec sa famille, ses amis... Même si on dit que ses films ne marchent pas, Jean-Claude Van Damme, c'est quelqu'un d'extrêmement populaire encore. J'ai été avec lui de par le monde, à chaque fois, c'est la même réaction : Jean-Claude Van Damme ! Jean-Claude Van Damme ! Le film s'est vendu partout dans le monde, bien avant sa sortie. JCVD, un compromis entre le biopic et une sorte de ciné-réalité, ou encore Dans la peau de John Malkovich.... Je ne qualifie pas ce que je fais. C'est à la fois de la comédie et du drame. Je crois que le genre n'existe plus aujourd'hui. Cela est dû à la télévision et aux séries, comme Soprano, Six Feet Under ayant brisé les tabous en disant : on peut être à la fois drôle et triste, et avoir une histoire d'amour avec un happy end hilarant... Des ingrédients d'une recette qui marche... Voilà, exactement des ingrédients ! Tous les ingrédients qui sont disponibles pour créer de l'émotion dans une salle doivent être utilisés. Après, ranger un film dans une catégorie, ce n'est pas forcément les films d'aujourd'hui, je trouve. C'est aussi, l'univers impitoyable de Hollywood... Le système l'a cassé, et lui aussi y a participé. C'est le premier à prendre ses responsabilités là-dessus. Il a assumé avoir fait des « conneries ». Les femmes et la drogue. Un engrenage qui lui échappe. Il a regretté aussi rapidement qu'il est tombé dedans. Ce qui incroyable, chez-lui, c'est qu'il s'en remet. C'est un chat qui a épuise ses sept vies, en fait. C'est quelqu'un de très tenace. Il a une carapace, mais fondue par une fragilité... Le plan serré sur les yeux de Jean-Claude Van Damme au début du film est éloquent et terrible... Pour des gens comme Jean-Claude (Van Damme) qui sont timides, parfois la célébrité est bénéfique. Parce qu'il y a tellement de personnes entre vous et les vraies gens. Des body-guards, des avocats... Finalement, vous avez la paix. On ose pas vous approcher, parce que vous êtes une star. Eh bien, ça l'arrange lui. Plus on est exposé, plus on peut se permettre d'être la personne qu'on est. Les Américains disent « in secure ». Jean-Claude (Van Damme) a vraiment ce truc ! Techniquement, JCVD est un ballet et « balayage » incessant entre flash-backs et présent. C'est aussi un film de point de vue... Parce que c'est un film portant sur la célébrité. La célébrité, c'est une histoire de point de vue. Si par exemple, moi je suis célèbre et que j'ai des lunettes et si j'oublie mes lunettes et que quelqu'un me fait « coucou », on va dire qu'il se la raconte. Et si je suis un être lambda, j'ai oublié mes lunettes. Le film se découpe comme cela parce que je voulais qu'on ait le point de vue de se qui se passe à l'extérieur de la poste (Jean-Claude Van Damme y commet un braquage et prise d'otages). Forcément, qu'on est sous un autre angle, on ne voit pas la même chose et on ne tire pas les mêmes conclusions. Et c'est finalement ce malentendu-là qui fait que des fois on se retrouve à la une de la page « faits divers », alors qu'on est une star. L'information « people » va plus vite que celle de la réalité. Et puis, vos référents et références dans JCVD. Des réalisateurs comme Sidney Lumet (Un après-midi de chien) et Lewis Allen (Je dois tuer)... Moi, je fais des films que j'ai envie de voir en tant que spectateur. J'ai la chance de tenir une caméra. Mais je suis comme tout le monde parmi le public. On va forcément vers les films qu'on aime bien. Moi, j'adore le cinéma de Sidney Lumet, Mike Nichols ou encore Norman Jewison. Enfin, toute cette « garde » des années 1970 que j'ai prise en passion. Parce qu'il y avait quelque chose qui plaisait dans le grain, l'image, la manière dont les acteurs étaient dirigés. Donc, il s'agit de plonger ce film et ceux que j'ai envie de faire dans des univers qui me plaisent. Pour moi, le film de prise d'otages, c'est le panthéon, Un après-midi de chien de Sidney Lumet avec Al Pacino. Justement la B. O., de très bonne facture, est très 1970 et très rythm'n'blues, soul... Merci ! J'essaie d'éviter d'utiliser des moyens qui n'ont pas encore fait leurs preuves dans le temps. Je ne vais pas mettre de la techno. Déjà, ce n'est pas ma culture. On ne sait pas dans 10 ans comment cette musique sera perçue. Alors qu'on sait déjà que le big band, la section cuivre, drum'n'bass et la bande-son qu'on a utilisé est quelque chose qui est une espèce de pérennité. Vous êtes un directeur d'acteurs très éclectiques : Samy Nacéri, Jalil Lespert, Vanessa Paradis, Michael Madsen, Jean-Claude Van Damme... Il n'y a pas de règles. Chaque acteur a ses propres besoins. Moi, je comprends les acteurs. C'est un instinct ! Cela fait longtemps que je travaille avec des acteurs qui font ce métier par passion et non par ego. Et qui ont vraiment envie de faire partie d'une histoire. Le sel du métier, c'est de savoir leur parler. Consacrer à chacun un moment, un espace d'expression chargé d'amitié fraternelle, de respect mutuel et de sens cohérent... Et puis Zineddine Soualem... Très grand acteur, Zineddine Soualem. On a fait de nombreux courts-métrages ensemble. Sur Virgil, mon premier film, il devait déjà y jouer, mais il n'a pas eu le temps pour venir avec nous sur le plateau. Et là ( dans JCVD), je voulais lui confier un rôle où on ne l'a jamais déjà vu. Celui d'interpréter un « méchant », par opposition au comique. Et puis il a une palette de rôles impressionnante. Comme Karim Belkhadra, qui est un acteur incroyable, habitué aux rôles de méchants, il joue un « character » hilarant. Cela vous intéresserait de venir tourner en Algérie, au Maghreb ? Le bon sujet, le bon film, le scénario se passant en Algérie, Maroc ou Tunisie : oui ! Mais moi, j'ai besoin de l'histoire. C'est elle qui m'intéresse. Une comédie musicale, tout...Je suis très éclectique en tant que spectateur, encore plus en tant que réalisateur. Alors mabrouk ! Ah oui merci ! Touché par la grâce et la baraka ! (rires) Biographie Mabrouk El Mechri a réalisé Virgil, une œuvre portant sur l'intimité d'un boxeur. Il dirige ensuite Jean-Claude Van Damme dans JCVD. Depuis 1998, Il a la caméra rivée au poing. Ses trois courts métrages Mounir et Anita avec Samy Naceri, Génération Cutter avec Zinedine Soualem, Concours de circonstances avec Léa Drucker, sont remarqués par Gaumont qui lui propose de produire son premier film : Virgil, sorti en 2005. Il y met en scène un boxeur en perte de vitesse, qui lutte autant sur le ring que dans sa vie privée. Pour incarner ses personnages en quête d'amour, El Mechri s'entoure de grosses pointures — Philippe Nahon et Jean-Pierre Cassel — mais également de jeunes révélations, Léa Drucker et Jalil Lespert. Premier film, premier succès d'estime, le réalisateur se met immédiatement à l'écriture d'un nouveau scénario…. Mais, c'est finalement le projet JCVD qui vient à lui. Mabrouk El Mechri y voit l'occasion idéale de faire de son idole de jeunesse le héros d'une œuvre atypique, mêlant comédie et polar dans la droite ligne des films américains des 70's. Par ailleurs, Vanessa Paradis donne la réplique à Michael Madsen dans Sage femme, le troisième long métrage de Mabrouk El Mechri dont le tournage s'est déroulé en septembre 2008 à New York (USA) Filmographie Acteur Gomez VS Tavarès (2007), de Gilles Paquet-Brenner Réalisateur Sage femme (Prochainement) JCVD (2008) Virgil (2005) Concours de circonstances (2003) Generation Cutter (2000) Mounir et Anita (1998) Compositeur Mounir et Anita (1998), de Mabrouk El Mechri Scénariste Diamants sur ordonnance (Prochainement), de Christophe Campos JCVD (2008), de Mabrouk El Mechri 5 à 7 (2008), de Audrey Dana Virgil (2005), de Mabrouk El Mechri Concours de circonstances (2003), de Mabrouk El Mechri Generation Cutter (2000), de Mabrouk El Mechri Mounir et Anita (1998), de Mabrouk El Mechri Interprète (chansons du film) Sage femme (Prochainement), de Mabrouk El Mechri JCVD (2008), de Mabrouk El Mechri