Les écoles privées valent-elles mieux que les établissements publics ? Force est de constater, à l'écoute des perceptions des parents et des enseignants que nous avons interrogés, que les deux systèmes ont leurs avantages et leurs inconvénients. Les constats suivants ne concernent pas – heureusement, dirons-nous – toutes les écoles privées activant en Algérie, mais ils donnent une idée générale sur leurs manquements et leurs qualités. Tops : Sécurité et cantine Le principal atout des établissements scolaires privés réside dans leur programme de demi- pension, le transport scolaire et la sécurité qu'ils offrent aux enfants. Pour bon nombre de familles, et notamment celles où la maman travaille, ces écoles représentent une aubaine. «J'ai opté pour le privé afin d'éviter le stress. Les horaires des écoles publiques ne m'arrangent pas, je n'ai pas la possibilité de faire la navette, de récupérer mes enfants à 11 heures, les accompagner à 13 heures puis aller les chercher à 14 heures. Je ne peux pas les laisser dehors sans surveillance. L'école privée m'offre la tranquillité d'esprit, cela n'a pas de prix», nous explique une parente d'élève. A l'instar d'autres mamans, elle fait aussi part de ses craintes de la discipline relâchée et des mauvaises fréquentations dans les écoles publiques. Disponibilité des enseignants Les grèves successives des enseignants ayant éreinté l'école publique, bon nombre de parents ont fait le choix du privé, permettant à leurs enfants de suivre le programme scolaire en toute sérénité. «Après quelques années dans le public, et bien que je sois satisfaite de l'enseignement qui y était dispensé, j'ai placé mon fils dans un établissement privé. Une année durant, il n'avait pas de prof de maths. Les grèves successives ont fini par avoir raison de ma patience», nous dit une mère de famille. Pour bon nombre de parents, les enseignants du système privé ne sont pas forcément meilleurs que ceux du public. Tous ont été formés à la même école. «Nous avons déjà organisé quelques cycles de formation. De plus, le ministère nous accompagne en matière de formation. Nous ne sommes pas des écoles libres (comme en Europe). Le ministère veille au grain et au bon déroulement des choses. Nos enseignants suivent les mêmes formations que ceux du public», souligne Salim Aït Ameur, président de l'Anepa. La différence, c'est qu'au privé, les doléances des parents sont entendues et les directeurs sont moins tolérants envers les écarts de comportements, au grand dam des profs. «Couvant leurs enfants, ils ne voient pas que nous agissons pour le bien de ces derniers. Et que certains comportements ne peuvent être tolérés en classe. Au lieu d'agir pour le bien de leurs enfants, les écoles préfèrent sanctionner le prof afin de ne pas perdre un client», dit une enseignante à la retraite ayant juré de ne plus remettre les pieds dans une école privée. Confort et non surcharge des classes «Notre plus grande force réside dans l'amélioration des conditions d'accueil et la prise en charge des élèves», estime Salim Aït Ameur, président de l'Anepa. La moyenne serait de 20 élèves par classes dans les écoles privées. Les établissements les plus réputés souffrent néanmoins de la pression de la demande, allant au-delà de leurs capacités d'accueil. Au total, il y aurait quelque 300 écoles privées dans lesquelles près de 40 000 élèves sont scolarisés.
Flops / Programmes surchargés En plus des programmes scolaires établis par le ministère de l'Education nationale et auxquels elles sont obligées de se soumettre, bon nombre d'écoles privées dispensent un second programme, presque identique, mais en langue française. L'objectif est de permettre aux élèves de maîtriser les matières scientifiques aussi bien en arabe qu'en français. Résultat : les élèves ont des emplois du temps surchargés et cela va à l'encontre des bases pédagogiques. Il ne faut cependant pas généraliser. «Pour ma part, j'estime que le double programme est anti-pédagogique. Nous optons pour le bilinguisme pour offrir plus de chances aux élèves dans leurs études universitaires. Le fait est que l'élève algérien fait tout son cursus en arabe pour basculer en français à l'université, ce qui cause des difficultés à suivre. Pour moi, le double programme favorise la lassitude», estime Salim Aït Ameur. Marchandisation du savoir Les parents se plaignent notamment du fait que les frais d'inscription sont sans cesse revus à la hausse, qu'ils sont souvent contraints de payer les mois d'été et d'exercer du chantage dans les cas où les parents décident de retirer leur enfant. «Les tarifs changent d'une école privée à une autre. Le problème, nous dit-on, c'est qu'il est souvent très difficile de juger le rapport qualité-prix». Pour Salim Aït Ameur, les tarifs des écoles étaient très accessibles au début, car elles sont tenues par d'anciens enseignants qui n'avaient aucune idée de la gestion et du commerce. «Après quelques redressements fiscaux liés à l'ignorance de la gestion, et bien que nous ayons toujours refusé les registres du commerce, nous sommes obligés de nous y tenir, les tarifs ont été revus à la hausse. Compte tenu des charges, ils restent néanmoins bien en dessous des tarifs réels», plaide-t-il. La commercialisation du savoir peut donner lieu à des dérapages, comme la distribution de notes de complaisance faisant miroiter aux parents le mirage que leurs sacrifices ont porté leurs fruits. «Personnellement et au sein de l'Anepa nous n'avons pas cet esprit», dit encore le président de l'Association des écoles privées. “Il ne faut pas insulter l'intelligence des parents. Qui peut accepter une fausse évaluation de son enfant ? Mon fils est scolarisé au sein de mon école et je ne voudrais pas d'une évaluation qui ne serait pas conforme à son niveau”. Pour lui, les écoles privées sont, d'abord et avant tout, des structures à vocation pédagogique. Les critiques émaneraient, insiste-t-il, des cercles qui n'ont jamais accepté les écoles privées dans l'environnement algérien. Structures non adaptées Lorsque Manil a été transféré de l'école privée à l'établissement public (à cause d'une augmentation des tarifs à 36 000 DA/ mois, explique sa maman), il a été grandement impressionné par la grande cour et le drapeau trônant au milieu. Trois ans durant, il avait de l'école l'image d'une grande maison à deux étages, privée de soleil. Aujourd'hui encore, la majorité des écoles privées dispensent leurs leçons dans des villas non adaptées pour l'épanouissement des enfants. Salim Aït Ameur, président de l'Anepa, explique qu' au début, lorsque le ministère a voulu régulariser les écoles privées, qui activaient au noir, en mettant en place un cadre juridique, «il y avait une certaine souplesse dans le cahier des charges». «La priorité était de réglementer l'activité. Aujourd'hui, il existe une réflexion pour mettre en place des structures qui répondent aux normes. Mais il faut noter que la majorité des écoles est basée à Alger, ainsi que dans les grandes villes algériennes, il y un gros problème de foncier». Et de poursuivre : «Nous remarquons qu'il y a de plus en plus d'investissements dans de grandes écoles permettant l'épanouissement des élèves.»