Le Pain nu de Mohamed Choukri fait partie de ces livres qui se lisent d'une seule traite. Et ce n'est pas uniquement la trame qui nous y prédispose, mais encore le style tout dépouillé qui en fait un livre aussi léger qu'un polar. On doit la présentation, aussi bien que la traduction, au célèbre Tahar Ben Jelloun. « Dérive d'un adolescent dans le monde secret de la misère et de la délinquance, où violence et prostitution sont le lot quotidien des exclus : par delà le vertige, la révolte et l'érotisme portent Mohamed Choukri à une lucidité souveraine. » En transposant le texte de l'arabe au français, T. Ben Jelloun y a mis un peu de son âme, que dis-je, de son génie et y a laissé l'empreinte de sa « griffe ». Quoi qu'il en soit, lui étant proche par l'esprit, la pensée et la sensibilité, T. B. Jelloun a réussi la gageure de traduire sans peine, ni trahir, comme cela est de coutume, son concitoyen Mohamed Choukri. Pour cela, il faut rendre hommage à l'auteur de La nuit sacrée pour l'esprit de fidélité à l'œuvre originale. Le Pain nu est l'œuvre autobiographique de Mohamed Choukri. Elle met à nu le monde où l'enfance malheureuse subit brimades, vexations et injustices de la part de l'adulte, surtout des pères qui, parfois, se transforment en bêtes immondes, haineuses, parce que, en tant que géniteurs, ils croient que tout leur est permis, même le droit d'ôter la vie à leur progéniture. Grâce à ce livre courageux, Mohamed Choukri a transgressé avec pugnacité les tabous dont s'entourait et s'entoure la société arabe. Cette mise à nu des plaies sociales (famine, kif, prostitution) est aussi une dénonciation des tabous, des coutumes. Voilà, le rideau qui se déchire pour délivrer une plume qui refuse la compromission, l'hypocrisie et l'injustice. Un livre bouleversant comme on en découvre rarement aujourd'hui.