Selon les promoteurs d'un rapport, «pour la première fois en France, une volonté politique forte de lutter efficacement contre la haine, le racisme et l'antisémitisme sur internet a été affirmée». Pour lutter contre le cyber racisme, il faut des propositions radicales. C'est en substance ce qui ressort d'un rapport récemment déposé sur le bureau du Premier ministre par l'écrivain et enseignant Karim Amellal, la députée Laetitia Avia et le vice-président du Conseil représentatif des institutions juives de France, Gil Taïeb. Les rapporteurs y constatent que «les discours de haine prospèrent en ligne dans une relative impunité». Ils estiment que «cela tient d'abord aux faiblesses du dispositif réglementaire actuel, aggravées par la très rapide évolution technologique et structurelle du monde digital, mais aussi, il faut le dire, par une certaine indifférence des pouvoirs publics, jusque-là, face à ce phénomène. Adossée à une démarche aussi inclusive que possible (75 entretiens réalisés avec tous les acteurs concernés, en France ou en Europe, consultation du public en ligne), cette réflexion vise, en se nourrissant de nombreux travaux antérieurs, à répondre à ce problème par des solutions opérationnelles, concrètes, immédiatement applicables, parfaitement conformes à la protection de la liberté d'expression qui constitue l'un des piliers de notre Etat de droit». L'idée est que les fournisseurs numériques et les réseaux sociaux seront considérés comme responsables de laisser naviguer au gré de la Toile mondiale des messages qui tombent sous le coup de la loi. Vingt propositions sont faites, dont celle qui consiste à «obliger les grandes plateformes numériques à retirer les contenus racistes sous 24 heures après leur signalement». Il s'agirait aussi de multiplier par 100, «soit à 37,5 millions d'euros maximum, le montant des amendes prévues en cas de manquement par les réseaux sociaux et les moteurs de recherche à leurs obligations de retrait ou de déréférencement de contenus». Les rapporteurs souhaitent la création d'une «troisième catégorie d'entreprises du numérique, dénommée ‘‘accélérateur de contenus'', qui regrouperait pour l'essentiel les réseaux sociaux et les moteurs de recherche. Cette catégorie serait soumise à des obligations plus contraignantes que celles appliquées aux éditeurs (qui publient directement des contenus) et aux hébergeurs (qui servent de support à la publication des contenus des internautes)». Etablir une autorité de régulation Sur le plan judiciaire, les rapporteurs veulent innover par la mise en place de « chambres pénales spécialisées pour traiter des infractions racistes ou antisémites». L'objet est de «réprimer plus rapidement et durement les propos racistes et antisémites, notamment par le recours aux ordonnances pénales et des amendes plus élevées». Parmi les suggestions fortes, le rapport souhaite l'instauration d'«une autorité de régulation spécialisée dans le cyber racisme, rattachée au Premier ministre, ou, à défaut, de renforcer les pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)». «Nous préconisons la mise en œuvre réglementaire d'une procédure de signalement uniformisée, clairement identifiable par un logo standardisé. Indépendamment des réseaux sociaux et autres blogs, l'expression du racisme et de l'antisémitisme est aussi le fait de sites dont la raison d'être principale est précisément la diffusion de contenus haineux, souvent dans les formulations les plus extrêmes. Ces sites ayant organisé leur impunité juridique, il est préconisé d'en interdire l'accès depuis le territoire français en intervenant au niveau ‘‘réseau'', en s'inspirant des dispositions existantes pour le blocage des sites de jeux en ligne illégaux». Enfin, il faudrait «diffuser via les réseaux sociaux des campagnes de contre-discours face aux discours de haine». La présentation du rapport paraît un peu loin de la réalité sordide du web sans frontières. En un élan presque angélique, cela n'empêche pas d'y croire et d'apporter une note de volontarisme : «La lutte contre le racisme et l'antisémitisme est un combat de long terme qui se gagnera certes sur le terrain réglementaire mais surtout sur celui des convictions et de l'éducation de nos concitoyens. De multiples initiatives dans ce sens ont vu le jour au niveau de la société civile et des acteurs institutionnels. Il importe de soutenir toutes ces initiatives dans le cadre d'une stratégie globale de prévention à construire avec l'ensemble de ces acteurs.»