Après vingt minutes de retard, alors que tout le monde attendait le lever de rideau, une voix s'élève du public. C'est le préambule du spectacle. Une dame, sac en main, se met à crier : « En France, on respecte le temps ; ici en Algérie, vous avez le temps pour tout. Vous faites la chaîne pour aller au marché, à la poste... » Un vieux simple d'esprit, sorti du néant, Kadri Essaghir, campant le rôle de Azziouz, met un terme à cette crise d'hystérie. D'un pas assuré, Saïd Hilmi fait son entrée sur scène sous des salves d'applaudissements. D'emblée, les larmes aux yeux, il ne cache pas sa joie de se produire. S'approchant de ses amis, à l'image de l'actrice Nouria ou encore de Sidi-Saïd, secrétaire général de l'UGTA, il leur lance tout de go : « Que je vous aime ! Pourquoi nous ne nous voyons pas assez ? On devrait se voir plus souvent. Créons d'autres espaces pour nous retrouver... mais que c'est fou que je vous aime ! » Saïd Hilmi a emprunté la voie du théâtre expérimental pour venir conter en l'espace d'une heure les aléas de la société et de l'artiste algériens. Un artiste marginalisé par la société et par le Pouvoir. S'exprimant tantôt en arabe tantôt en amazigh, le comédien se met dans la peau d'un personnage multiple. Avec des mots crus et pathétiques à la fois, il met en scène l'histoire d'un jeune artiste qui n'arrive pas à monter sa pièce à cause des lenteurs bureaucratiques. Plusieurs autres thèmes sont abordés, dont l'immigration, la femme, la guerre de Libération. Des instants émouvants ont ponctué cette rencontre conviviale. A un certain moment, Saïd Hilmi s'approche de la comédienne Nouria et la somme de regarder en haut. « Regarde, lui dit-il, Kazdarli nous observe. » Sur le même ton sensible, il salue de la main Larbi Ben M'hidi, Didouche Mourad, Ali La Pointe, Rouiched, l'Apprenti, Mustapha Kateb... Un dialogue s'ensuivra avec ces défuntes personnes. Poursuivant son délire, le comédien s'excuse de ne pouvoir continuer son monologue, car une femme l'interpelle de l'Au-Delà : sa mère. Guetta ouarmi est une pièce hilarante qui a procuré à plus d'un une bouffée d'oxygène grâce à la brillante prestation de Saïd Hilmi, Salima Labidi et Kadri Seghir.