Il est à peine 9 h et déjà, une centaine de femmes attendent, un jeton à la main, leur tour. Il y a aussi des hommes mais on peut les compter sur les doigts d'une seule main. Tous ces clients sont là, car ils ont un besoin urgent d'argent. Plutôt que de l'emprunter à des proches, ils préfèrent avoir recours à une banque nationale. «Je suis là pour mettre au clou mes bijoux en or, nous dit une quinquagénaire. Je dois faire face à une grande dépense. La BDL donne 250 DA par gramme d'or, avec un taux d'intérêts de 10%. J'ai fait mes comptes ; je devrais ressortir avec 15 000 DA. Comme je travaille, je devrais pouvoir récupérer mes bijoux dans les deux mois qui suivent !» Pour beaucoup de gens sans revenus, le prêt sur gages représente une planche de salut, surtout lors de certaines occasions, telles que l'Aïd, le Ramadhan, la rentrée scolaire… «C'est discret, et on est en totale confiance, nous révèle une jeune fille. De nos jours, il n'est pas toujours facile de demander une aide financière à son entourage. Et puis, on est souvent harcelé par cette personne, pour peu qu'on tarde un peu à rembourser. Avec le PSG, plus de soucis de ce genre !» Quant à ce sexagénaire, il nous révèle que n'ayant pas les moyens de régler l'opération chirurgicale qu'il subira bientôt, il vient mettre au clou yar'hane les bijoux de son épouse. A noter que d'autres agences de prêts sur gages de la BDL sont implantées dans d'autres villes de notre pays, comme Oran, Constantine et Annaba. Ces agences, dont celle des Anasser, connaissent une grande affluence entre 8h30 et 15h30. Cette forme de crédit est ouverte à tous les particuliers. Il suffit de déposer en gages, dans l'une des agences PSG, des bijoux ou tout autre objet en or (même l'or cassé). En contrepartie, le client reçoit immédiatement un prêt en espèces pour une durée de 6 à 36 mois maximum. Ce crédit peut être renouvelé à l'échéance fixée initialement, moyennant le paiement des intérêts décomptés sur la période courue. La possibilité est offerte au client de rembourser son prêt par anticipation ou par tranches, en versant des acomptes productifs d'intérêts dans un «livret acomptes», à ouvrir dans l'une de ces agences. Nous avons appris aussi qu'au-delà des délais fixés, les clients qui ne se manifestent pas après convocation peuvent voir leurs bijoux vendus aux enchères publiques. Cette pratique de mettre au clou ses bijoux n'est pas née d'hier. Certains se souviennent d'avoir vu leur grand-mère et même arrière-grand-mère y avoir recours lorsqu'elles étaient à court d'argent. «Dans les années 1940, nos arrières-grands-mères mettaient en gages pas seulement leurs bijoux, mais tout objet ayant une valeur, comme les tapis, les ustensiles en bronze ou les vêtements de fête», nous explique une sexagénaire rencontrée juste à proximité de la BDL ; et sur toutes les ruelles menant à la place Emir Abdelkader, un autre négoce y a lieu : celui des «delalate» ou si vous préférez, les vendeuses ambulantes de bijoux en or. Ça brille de partout : bagues, chevalières, gourmettes, chaînes, bracelets, boucles d'oreilles, broches… une véritable caverne d'Ali Baba. Dès qu'une femme passe par là, les «delalate» l'interpellent : «Hé ya m'ra ! Avez-vous quelques chose à vendre ?» Et d'ajouter : «Si vous avez de l'or cassé, je suis prête à vous le racheter à 800 DA le gramme». Vous agrippant par l'épaule, elles insistent pour vous montrer leur trésor. «Regardez, c'est certifié pur or, 18 carats… Si vous n'avez pas confiance, allons chez un bijoutier ! Ça vient de France et d'Italie», s'écrient-elles. Si certains bijoux portent un poinçon, ce n'est pas le cas pour d'autres et l'on est en droit de s'interroger sur l'origine de ce marché parallèle. «Travaillant» en groupe, ces delalate (on en trouve aussi à Oued Kniss – Ruisseau – et à l'entrée de la rue Bab Azzoun) ne semblent nullement inquiétées par les services de l'ordre ! Quant aux clients, ils sont nombreux à trouver «chaussure à leur pied» estimant que ces bijoux sont vendus jusqu'à 2000 DA moins cher qu'en vitrine. Les delalate, elles, affirment qu'elles ne prélèvent qu'un petit pourcentage sur chaque vente, les bijoux appartenant, selon leurs dires, aux trabendistes qui, chaque semaine, reviennent de l'étranger avec des sacs pleins de parures. «Ils s'enrichissent sur nos dos, et lorsque la police fait des saisies, nous devons tout rembourser !», confie l'une d'entre elles !