Distante de 7 km de la daïra de M'daourouch, la commune de Ragouba où vivent plus de 3 000 âmes, fait partie de ces régions de Souk Ahras où l'on ne peut s'empêcher d'user de superlatifs pour décrire le dénuement et la misère dans lesquels vivent ses habitants. Elle est l'une des communes les moins loties en opportunités de création de richesses et d'emploi. C'est aussi l'une des communes les plus touchées par la crise du logement. La plaie des gourbis y suppure au grand jour et les attributions de logements ruraux se font attendre et sont souvent accompagnées de contestations, voire d'échauffourées entre bénéficiaires et postulants lésés. Ses routes et chemins sinueux sont des plus difficiles à emprunter aussi bien en hiver qu'en été. La récente embellie financière et les projets d'envergure qui ont touché plusieurs parties de la wilaya n'ont jamais tenu compte de Ragouba, à en juger de l'état déplorable dans lequel se trouvent ses chemins communaux et ses pistes. Arrivés, un matin d'hiver, au chef-lieu de la commune par la route de M'daourouch, nous ne ferons, des heures durant, que confirmer les échos rapportés antérieurement par des citoyens quant aux problèmes dans lesquels patauge la population. La foule imperturbable de jeunes oisifs, les gestes lents des vieillards, accroupis ou assis à même le sol, le gris des façades des constructions semi-finies ou précaires qui composent l'essentiel de la cité et les voitures d'une époque lointaine qui circulent encore dans cette région, donnent l'impression qu'il s'agit plutôt d'une image extraite d'un livre d'histoire illustré. Ragouba a connu des troubles lors des dernières élections locales. Les urnes avaient été même brûlées et des hostilités entre partisans de la reconduction de l'actuel P/APC et ses rivaux avaient failli dégénérer en bataille rangée. La distanciation entre les deux camps est encore perceptible à travers les propos recueillis auprès des citoyens et les déclarations du P/APC. L'eau, les routes et le logement rural Les neufs hameaux que nous avons eu le temps de visiter souffrent d'enclavement, de perturbations dans la livraison du gaz butane, du manque d'eau, du chômage et de plusieurs autres maux que les projets échaudés par les responsables n'arrivent toujours pas à endiguer. A Aïn Messoussa, Argoub Antar, Chir Boudib et autres mechtas, les citoyens n'ont pas lésiné sur les mots pour exprimer leur mécontentement. Tous ont refusé que leurs propos soient rapportés sous le sceau de l'anonymat. « Nous n'avons pas à dissimuler notre identité sous un quelconque prétexte. N'ont peur que ceux qui ont quelque chose à se reprocher », a déclaré d'emblée Mohamed Zeraïria, représentant du premier trio que nous avons rencontré à l'entée de la commune. Ce septuagénaire que le travail de la terre et l'air vivifiant de cette région vierge ont su conserver se dit décidé à aller de l'avant jusqu'à ce que soient satisfaites les revendications des habitants du hameau où il habite. Et à son ami, Abdallah Kadri, de renchérir sans se départir des griefs répertoriés dans une correspondance adressée aux différents responsables, ainsi qu'aux organes de la presse écrite représentés à Souk Ahras : « Si les moyens de l'Etat étaient insuffisants, la privation dans laquelle nous vivons aurait été compréhensible. Nous manquons de tout, malgré les potentialités de la région et les enveloppes budgétaires, allouées dans le cadre du développement des zones rurales, dont Ragouba, et qui se sont avérées sans résultats probants ». Arrivés à Ouled Si Moussa, l'agglomération la plus importante de Ragouba, d'autres citoyens, encore plus nombreux, viendront à notre rencontre. « Je vis dans cette tanière avec 14 autres personnes depuis des décennies. Je suis obligé de parcourir des kilomètres pour ramener l'eau chez moi, et la piste que vous voyez n'est même pas carrossable. C'est le provisoire qui dure chez nous », a déclaré, dépité, un père de famille de cette importante tribu. Les défaillances existantes dans le réseau d'AEP et l'éloignement des sources d'eau sont d'autres contraintes évoquées par Rebiai Ghennami et Tahar Maâmria. Ils ont, à maintes reprises, interpellé les responsables à tous les niveau sans jamais réussir à attirer leur attention. Même décor et mêmes doléances aux mechtas de Boudis, Ras El Kef, Safel Dréaâ, El Guennara, Aïn Bousbaâ et Kanguet Laâmri. Des critiques virulentes allant des irrégularités dans le recrutement des jeunes dans le cadre du filet social jusqu'à l'attribution des logements ruraux à des personnes à l'abri du besoin, sinon résidant dans d'autres communes, ont été lancées à l'adresse du P/APC.