Amine Kouider est arrivé à la musique par le biais de ses parents qui aimaient beaucoup cette discipline. Son père jouait du chaâbi en amateur. Sa mère était mordue de musique orientale. Amine a donc baigné dans cet amour de la musique avec des parents qui voulaient donner à leurs enfants une éducation musicale. «Mon père, confie-t-il, nous disait : "Apprenez la musique et après, quand vous serez grands, vous en ferez ce que vous voudrez." Il était persuadé que c'était quelque chose de positif.» Le père demande à un de ses amis, le chanteur chaâbi Abdelkader Chercham, d'inscrire son fils au Conservatoire d'Alger pour faire du violon. A l'âge de sept ans, Amine emprunte le chemin du conservatoire pour apprendre le solfège et le violon. Au début, il n'aimait pas la musique. Comme tous les enfants de son âge, sa préoccupation majeure était de s'amuser. Petit à petit, le petit garçon prend goût à son nouvel instrument. En effet, dès qu'il a commencé à jouer quelques mélodies, à pouvoir faire deux ou trois airs connus, cela l'a encouragé à percer davantage. Il a travaillé comme n'importe quel gamin, ne voyant pas le débouché de cette aventure. A l'âge de 12 ans, il y a eu un déclic ; il a vraiment commencé à aimer cette musique. Il commence donc à avoir une éducation musicale qui lui a permis d'entamer la seconde période avec beaucoup d'amour pour la musique. Il commence à réfléchir sérieusement pour devenir musicien. Il accélère dès lors son rythme de travail. Il reste fidèle à des valeurs essentielles : le sérieux, le travail et la rigueur. Ce sont des éléments qu'il a appris au Conservatoire d'Alger. «Parce que, à cette époque-là et Dieu merci pour nous, nous avons eu d'excellents professeurs et une très bonne école d'enseignants.» Dès 16 ans, Amine vouait la plupart de son temps à la musique en parallèle à ses études. Il avoue avoir eu beaucoup de facilité dans ses études grâce à la musique, et ce, contrairement à ce que l'on peut croire. La tête travaille toujours en permanence pour un enfant. A l'âge de 17 ans, alors qu'il est en seconde, il décroche son premier prix de solfège. En première, il obtient le premier prix de violon et en terminale, il est honoré du premier prix de musique de chambre. Une fois le bac en poche, en 1986, allait s'ouvrir une nouvelle phase pour lui et d'où la lancinante question : qu'allait-il choisir comme filière ? Comme il aimait beaucoup l'informatique, il s'inscrivit naturellement et spontanément à l'université de Bab Ezzouar en tronc commun. Entre temps, il apprend qu'une nouvelle filière musicologie est créée à l'Ecole normale de Kouba. Sans hésitation, et ayant surtout trouvé un compromis entre la musique et les études, il s'inscrit dans cette école qui demandait au préalable des connaissances musicales. L'Ecole Normale de Kouba était le point départ dans le monde professionnel. Il faisait de la musique du matin au soir. Il a eu durant quatre ans une formation très complexe, mais ô combien enrichissante ! Ses professeurs lui ont transmis la subtilité du monde musical. Quand il était dans l'orchestre du conservatoire, dirigé à l'époque par Salim Abdelwaheb, il avait éprouvé le besoin de communiquer avec d'autres personnes. Il opte pour la musique de chambre où il trouve justement quatre à cinq personnes minimum avec lesquelles jouer. Il se rend compte que le métier d'homme de théâtre est un métier à part entière, difficile et très lourd. Il fallait choisir. Il n'était pas question pour lui de laisser tomber la musique. C'était, selon lui, juste une expérience qui lui a permis de se considérer dans cette volonté de trouver une nouvelle voie d'expression : la direction d'orchestre. Pour Kouider, un chef d'orchestre, c'est aussi quelque part, un acteur qui n'a pas la parole. Il s'exprime avec des gestes et des mimiques. «Un bon chef d'orchestre doit être un bon pédagogue.» Un Globe-trotter de la musique En 1990, Amine Kouider s'envole vers l'Europe avec une bourse octroyée par le gouvernement français pour se perfectionner en choisissant la direction d'orchestre. Formé au Conservatoire de Marseille, puis à ceux de Paris et de Copenhague, le violoniste-chef fait ses premières armes en devenant l'assistant de Valérie Gergiev, puis dirigea quelques grandes phalanges européennes comme l'Orchestre du Kirov à Saint-Pétersbourg, l'Orchestre de l'Opéra de Bucarest ou encore la philharmonie de Monte-Carlo. L'exil lui a permis de trouver ce qu'il n'a pas eu dans son pays : une classe de direction d'orchestre. «Beaucoup de gens pensent qu'un musicien peut prendre la baguette et diriger un orchestre. C'est tout un art, toute une école et des techniques à acquérir.» De 1988 à 1993, il s'est formé comme chef d'orchestre tout en faisant, bien entendu, des allées et venues entre Alger et l'étranger. Il a obtenu plusieurs prix au Conservatoire de Paris. En 1993, quand il a terminé sa formation de chef d'orchestre, il a dû beaucoup travailler son instrument. Un chef d'orchestre, confie-t-il, doit aborder le travail du piano, car il représente toutes les sonorités de l'orchestre. L'artiste s'essaye à la flûte et à la clarinette. Il a même fait un chant d'opéra pendant un an au Conservatoire de Marseille. Le travail du chef d'orchestre se divise en trois grandes parties : analyse des partitions, la technique et le travail d'expérience. En 1992, en tant que chef d'orchestre confirmé, le ministère de la Culture le sollicite pour être directeur artistique de l'Orchestre symphonique national. Des musiciens sont alors regroupés autour de l'orchestre, mais au bout d'une année commençaient à émerger des difficultés «algéro-algériennes». Son but était de créer un vrai orchestre professionnel et non pas diriger de temps en temps quelques concerts. Il démissionne, «parce que je trouve que je ne suis pas de ceux qui combattent un système. Je trouve que c'est une cause perdue. Par contre, je pense qu'il faut construire des systèmes parallèles qui permettraient à d'autres Algériens d'exister d'une manière efficace». Il démissionne de l'Orchestre symphonique national au bout d'une année d'existence parce que le projet artistique n'était pas respecté comme le souhaitaient Amine Kouider et ses musiciens. Ainsi, en 1993, une fois sa formation terminée, il regagne Alger, mais au vu de la situation difficile que traversait le pays, il était impossible de faire de l'art. «Je me suis retrouvé abandonné seul à mon sort, sans patrie pouvant m'accueillir en tant que chef d'orchestre.» Comme il ne pouvait pas former un orchestre en Algérie, il le fait en France, c'est l'Orchestre philharmonique international de Paris. Avec des amis, il a créé une association et tous ensemble ont commencé à travailler sérieusement. De là, une grande aventure a démarré. Il a appris les rouages du métier de chef d'orchestre. «On essayait de donner une autre image de l'Algérie à travers des concerts donnés à l'Unesco.» Sur cette période de cinq ans où il ne pouvait pas rentrer en Algérie, il devint directeur musical et directeur d'un orchestre. En 1999, alors que l'association est en pleine ascension, l'Orchestre philharmonique de Paris est invité par le Laboratoire pharmaceutique (LPA) pour une soirée de prestige au Palais de la culture. Entre temps, Amine Kouider est appelé par le ministère de l'Education français pour former un autre orchestre : l'Orchestre international de Paris. Ce dernier animera notamment des concerts pour les étudiants. Dans le cadre du millénaire, Chérif Rahmani invite l'orchestre et la chorale philharmoniques pour un concert à la salle Ibn Khaldoun où l'accueil était des plus chaleureux. Création d'une société privée En 2001, l'artiste revient à Alger avec l'idée de rouvrir l'Opéra d'Alger pour un spectacle de Don Giovanni de Mozart, avec décor et costumes d'époque. «C'est magnifique ! Après 35 ans, l'Algérie a renoué avec l'histoire de l'opéra.» En 2002, en accord avec le directeur du Théâtre national d'Alger de l'époque (TNA), les musiciens investissent le théâtre. Le département opéra est alors ouvert. L'orchestre continue de faire son travail dans le cadre du TNA. Sept opéras ont été montés entre 2001 et 2004, dont entre autres Mme Butherfly de Pucinni, ou encore Cosi Fan Tutte de Mozart. Au cours de l'Année de l'Algérie en France, l'Orchestre philharmonique d'Alger a représenté l'Algérie dans des salles prestigieuses où douze concerts ont été donnés un peu partout en Hexagone. Après 2003, c'est l'hécatombe. «Dès qu'il y a quelque chose qui fonctionne en Algérie, on essaye de le casser. Après le renouvellement de la nouvelle direction du TNA, on a été limogés sous un coup de crayon.» Après la fermeture du département de l'opéra d'Alger, l'orchestre se retrouve sans aucune structure administrative et financière. «Je n'arrive pas à comprendre le pourquoi de la chose. Peut-être parce qu'on a pu faire un travail remarquable en donnant des concerts éducatifs ?», s'interroge le musicien. La première année, l'orchestre était SDF. Il réussit quand même à donner un concert pour la police nationale. Les musiciens élisent domicile pendant un mois chez eux, juste pour les répétitions. Le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil les a beaucoup aidés en leur permettant d'organiser, notamment, plusieurs concerts éducatifs au siège Sonatrach à Hydra. Le maestro avoue que cette escale au siège de Sonatrach a permis à l'orchestre de développer le répertoire musical algérien avec l'introduction du tar, de la derbouka et de la zorna. Par la suite, l'orchestre élit domicile pendant de longs mois au Palais de la culture. Comme aucune structure ne voulait accueillir ce performant et professionnel orchestre, «on a fait une demande pour devenir une association. Ce qui nous a été refusé. Je ne comprends pas ce refus. Nous sommes un orchestre de professionnels et non pas d'amateurs. Je suis fier de mes musiciens qui ont fait preuve de volonté et de sagesse.» Déterminé à exister et à faire montre de ses preuves, en juillet 2004, l'orchestre a été constitué en société. Il est à noter que c'est la première fois en Algérie qu'un orchestre philharmonique d'Alger est tout simplement privé. Celui-ci ne vit que de sponsors. Toute l' équipe est heureuse d'avoir passé ce cap difficile. Amine Kouider tient à préciser qu'il a des activités à l'extérieur du pays et que le travail qu'il fait ici est supplémentaire. Il est toujours directeur de l'Orchestre philharmonique de Paris. Amine Kouider demeure persuadé qu'il œuvre pour l'existence d'une volonté politique musicale qui, hélas, n'existe pas en Algérie. A la question de savoir quel regard porte-t-il sur la musique classique algérienne? Il répond que le système algérien est totalement en panne et qu'il est fonctionnel à 20% de son rendement. Amine Kouider, ce musicien hors pair, qui fait la fierté de notre pays, compte bien donner une place de choix à l'Orchestre philharmonique d'Alger. Son planning atteste de la r igueur et du souci de l'artiste d'instaurer une politique musicale. Parcours Amine Kouider est né en 1967 à Alger. Sous les recommandations de ses parents, il emprunte, à l'âge de sept ans, le chemin du conservatoire d'Alger. Son instrument de prédilection est le violon classique. Il en sort avec les diplômes 1er prix de violon, de musique de chambre de solfège, ainsi que le grand prix d'honneur de violon de la ville d'Alger. Il poursuit ses études musicales de violon et de direction d'orchestre au conservatoire de Marseille puis au conservatoire de Paris, où il obtient les diplômes en violon et en direction d'orchestre. Il étudie également au Conservatoire royal de Copenhague au Danemark dans la classe de Michel Tabachnik. Il se perfectionne ensuite avec des maîtres prestigieux tels que Moesin et Valéry Gergiev dont il devient l'assistant. Il effectue plusieurs stages, notamment à l'Opéra de Paris, à l'Orchestre de la RAI de Rome, à l'Orchestre de la Tonhale de Zurich, à l'Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg, à l'Orchestre philharmonique de Rotterdam et au New York Philharmonic Orchestra. Amine Kouider a dirigé en concert l'Orchestre de l'Opéra de Marseille, en concert d'abonnement sur l'invitation de Marseille Concert, l'Orchestre d'Etat de Saint-Pétersbourg dans le cadre de la saison symphonique, l'Orchestre du Festival de Rotterdam, l'orchestre de l'Opéra du National de Bucarest et l'Orchestre philharmonique de Monté-Carlo sur invitation de son directeur administratif, l'Orchestre symphonique du Caire. Il est invité également à diriger l'Orchestre symphonique de Durban (Afrique du Sud). Il a été également invité à diriger dans des émissions de France 2, animées par Frédéric Mitterrand et Eve Ruggieri, France 3, TV 5, et CNN. Outre sa carrière internationale, Amine Kouider est directeur musical du chœur et de l'Orchestre philharmonique International et de l'Orchestre international du Crous de Paris avec lesquels il donne de nombreux concerts à Paris, en France et à l'étranger Amine Kouider a été nommé Artiste pour la paix par l'Unesco. Actuellement, il est directeur de l'Orchestre philharmonique d'Alger et de Paris.