Méconnus par le public, ces sites témoins de l'histoire d'une ville au passé plusieurs fois millénaire, sombrent dans l'anonymat s'ils ne sont pas menacés de disparition. C'est le cas des dolmens de Salluste situés par les historiens auprès de l'emplacement des anciens jardins de Constantine, dans la localité de Békira, à quelques kilomètres du chef-lieu de wilaya. Selon les spécialistes, ces vestiges, dont on a perdu les repères, auraient été démolis ou ensevelis après l'extension urbanistique tentaculaire d'une bourgade qui compte aujourd'hui plus de 20 000 habitants. Par crainte de voir arrêter le chantier, nombreuses sont les entreprises de construction qui font fi des lois exigeant la déclaration obligatoire de toute découverte archéologique, surtout que tout ce qui est en sous-sol demeure une propriété de l'Etat. Le même sort semble être réservé au tombeau de Praecillius, un homme connu pour être un grand bijoutier cirtéen, découvert par les Français dans le site dit El Hofra situé sur toute l'étendue entre le quartier de Kouhil Lakhdar (ex-Djenane Ezzitoune) et le fameux aqueduc romain et qui renfermait à l'époque de nombreux vestiges, dont des stèles d'une grande valeur archéologique. Après les pillages, le lieu ne fera plus l'objet de recherches sérieuses. Hormis les fragments antiques et inscriptions retrouvés au début du siècle dernier dans l'actuel square Ahmed Bey (ex-Djenane Ezzaoualia) et autres objets antiques appartenant à l'Etat et déposés au musée national Cirta de Constantine, nombreux sont les vestiges qu'on ignore même s'ils existent toujours. On citera, entre autres, la mosaïque de Penthésilée découverte à Ouled Agla et déposée à la préfecture de Constantine ainsi que les dolmens et cromlechs de Ras El Aïn et de Djebel Ksaïbi, dans la commune d'Ouled Rahmoun, et ceux du lieudit Djebel Mazala dans la commune d'El Khroub situés respectivement à 35 et 30 km de Constantine, une région qu compte, selon les spécialistes, une multitude de dolmens dans un rayon de 30 km à la ronde. Des sites ayant subi une nette dégradation nécessitent une restauration pour le moins urgente comme c'est le cas pour le Pont romain situé en contrebas de la passerelle Mellah (ex-Perregaux) reliant l'avenue de Roumanie à la rue Larbi Ben M'hidi, et les inscriptions des martyrs de la chrétienté Saint Jacques et Saint Marien, torturés par les Romains et jetés dans les lieux sis à proximité de la cité Benzouid Achour, et dont une plaque avec l'écriture dégradée retient toujours leur mémoire non loin du fameux Pont du Diable. L'importance de ces sites réside dans le fait qu'ils peuvent être exploités comme lieux de tourisme et de détente. La région de l'aqueduc romain qui renferme dans son sous-sol une véritable nécropole numide en est une parfaite illustration. Seul le célèbre mausolée numide appelé Soumaâ, situé dans la commune d'El Khroub semble susciter un intérêt particulier de la part des autorités pour la simple raison qu'il aurait abrité le tombeau du roi Massinissa, qui a régné sur la Numidie avec pour capitale Cirta au IIe siècle avant Jésus-Christ, une hypothèse non encore confirmée jusqu'à nos jours, bien que des objets et un mobilier royal furent découverts sur place lors des fouilles effectués par les Français en 1915 et récupérés ensuite par le musée national Cirta de Constantine. Laissé à l'abandon et aux pillages durant des décennies, le site fait l'objet d'un projet de réhabilitation à travers la construction d'un village numide avec pour auxiliaires un musée sur la Numidie, une administration et une conservation, un centre de recherches, une bibliothèque, un théâtre en plein air et des espaces de loisirs et de détente. Le projet, fort ambitieux, bute toujours contre un litige avec les citoyens expropriés, toujours en instance de règlement. Le sol de l'antique Cirta regorge de vestiges d'une importance historique. En l'absence d'une politique de revalorisation soutenue par les pouvoirs publics à travers la dotation en moyens conséquents des circonscriptions archéologiques, rares sont les sites qui pourront résister encore à l'usure du temps et surtout aux prédateurs humains, alors que la nécessité de sauver, de sauvegarder et de protéger un patrimoine culturel intarissable pour les générations futures s'avère impérieuse.