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Le Liban, des écritures (III et fin)
Publié dans El Watan le 09 - 06 - 2005

Elle est éditée dans plusieurs langues dont le français chez Actes Sud. Hanane vit et travaille à Londres depuis longtemps. Elle est aujourd'hui le chef de file de toute une génération d'écrivains femmes, qui n'a cessé de suivre la société libanaise à la loupe dans tous ses soubresauts et ses flottements, sans toutefois tomber dans le simplisme qui a touché une grande partie de la littérature arabe dont le discours politique est devenu la trame dominante. Hanane Cheikh a su préserver la littérarité de ses textes sans les dissocier de leur terroir qui leur donne vie et sève. Après Le cheval du diable, Misk al ghazal, L'histoire de Zahra, Je balaie le soleil des toits des maisons, La poste de Beyrouth, C'est Londres mon chéri – dans lequel elle met en exergue les problèmes de l'exil, des traditions, du mensonge et de l'homosexualité chez les jeunes arabes, deux femmes au bord de la mer – qui, à son tour, relate un problème crucial de l'heure : un dialogue non politisé entre une Libanaise musulmane du Sud et une Libanaise chrétienne du Nord dont le seul fil qui les unie est l'aventure et la fascination de la mer qui a ouvert en elles une blessure béante de la mémoire. Et son dernier roman Une histoire longue à raconter, qui fait aujourd'hui beaucoup de bruit à Beyrouth, un bruit qui se confond avec l'agression caractérisée que rien de littéraire ne justifie et qui met en exergue la vie personnelle de l'écrivain. Une critique sclérosée qui n'oublie jamais ses anciens réflexes de faire à chaque fois quelques clins d'œils sur la véracité du récit et sur le «désir» de Hanane Cheikh de «plaire» à l'Occident ?
Je crois qu'avec ce roman, Hanane Cheikh installe les premiers jalons (avec Souheil Idriss et certainement d'autres) d'une littérature qui se débarrasse courageusement et d'une manière définitive des mensonges du puritain et des faussetés du sacré.
Il y a d'abord la couverture du livre qui attire l'attention du lecteur et qui met la trame romanesque sur les rails de l'autobiographie et des mémoires : «C'est l'histoire de Kamla, la mère de la romancière, qui sera mariée de force alors qu'elle rêvait encore de bonbons et bracelets colorés de cire. Depuis cet événement, Kamla n'a pas arrêté de se mouvoir entre les vagues de la vie qui, tantôt, la propulsent très haut jusqu'à toucher le sommet du bonheur et, tantôt, la descendent dans les creux à la limite de l'enfer de la douleur. Ce qui donne à son monde narrative une dimension réaliste et sensationnelle.» (Une histoire longue à raconter, couverture du roman).
Donc, il s'agit bien d'une vraie vie racontée dans les détails et c'est ce qui gêne les détracteurs de l'amour et du vrai qui se sont érigés en gardiens du temple de l'honneur.
C'est Kamla (La parfaite), mère, qui se fie à sa fille Hanane écrivain de renommée, vivant à Londres, et lui raconte, avant de mourir, les périples de sa vie douloureuse et celle de sa famille. Kamla, comme toutes les petites filles de Nabatié, (le Sud libanais) grandit dans la pauvreté et la folie d'un père qui ne sait faire autre chose que se remarier sans se soucier des enfants qu'il met au monde. Kamla et Kamel son frère essayent de raisonner leur père, qui vivait avec sa deuxième femme, de prendre soin de leur mère répudiée et pauvre, mais il finit toujours par trouver les moyens de se désengager. Sans ressource, la mère de Kamla quitte Nabatié pour Beyrouth chez ses demi-frères. A l'âge de douze ans, on arrache de sa bouche une phrase qui va sceller tout son avenir définitivement. On l'appela de la cour où elle jouait avec les enfants de son âge, le cheikh lui dit : «Répète après moi : je te délègue à ma place.» La petite fille répéta machinalement la phrase destructrice avant de sortir aller jouer avec ses amies. Kamla apprend, chez une gentille couturière, les premiers gestes pour un travail libérateur. Elle rencontre son premier et dernier amour Mohammed qui se préparait pour une carrière militaire des plus brillantes. Elle va l'adorer, puisque c'est grâce à lui qu'elle découvre l'impact de la poésie et la magie du cinéma. Un jour, Mohammed, ahuri par ce qu'il avait entendu sur elle, la quitte. Elle lui demanda pourquoi ? Il lui répondit tout simplement qu'elle lui avait menti en lui déclarant qu'elle allait se marier avec lui alors qu'elle était fiancée au mari de sa défunte sœur. Kamla saura tout de suite que le cheikh l'avait dupée en lui demandant de lui léguer le pouvoir de décider à sa place. Avec la complicité de ses parents, elle se maria de force et aura sa première fille Fatima, sans même se rendre compte. Sans toutefois se détacher de Mohammed avec lequel elle garda un lien très charnel et amoureux. Un jour, elle prit la décision de faire un enfant avec Mohammed dont l'amour ne cessait de l'émerveiller. Cette union amoureuse donna naissance de sa deuxième fille Hanane, dont elle empreinte le nom d'un film. «Ce ne sont pas les nausées qui m'ont interdit de me laisser aller dans l'intimité de Mohammed, mais ma peur que l'enfant à naître lui ressemble davantage… Je l'informe de ma peur du scandale, parce que la ressemblance de l'enfant serait une nouvelle accusation qui donnera toutes les raisons du monde à mon frère de m'accabler, lui qui ne cessait de me traiter de légère. Ce qui était juste un doute pour lui deviendra certainement une vérité (Une histoire p.105-106).» Broyée par cette passion, Kamla finit par divorcer du mari de sa défunte sœur et rejoint Mohammed en laissant ses deux filles, Fatima et Hanane, avec un père très pris par son commerce avant de déclarer faillite et mourir. Mais Mohammed mourra aussi dans un accident banal de circulation. Kamla reste figée sur l'homme de sa vie, avant de découvrir que Mohammed avait un cahier journal dans lequel il relatait ses petites histoires qui montrent qu'elle n'était pas la seule dans son aventure amoureuse. La pauvreté, les guerres, les angoisses et les maladies déciment un à un plusieurs membres de sa famille : ses sœurs, sa mère, son premier mari et son père qui lui a refusé de l'aide dans les moments de grand besoin. Ses enfants des deux maris grandissent et finissent par se dispatcher dans le monde avec la guerre civile libanaise (1975). Même la plus gâtée, Hanane, se mariera et deviendra une écrivaine très importante. Elle s'installera à Londres. Jusqu'au jour où toutes les deux (la mère et la fille) retournent vers la terre d'enfance et de mémoire. Affaiblie et ravagée par un cancer fatal, Kamla revoie le défilement de sa vie de sa tendre enfance jusqu'au seuil de sa mort.
Ce roman n'est pas seulement l'histoire d'une femme ou d'une famille, mais c'est aussi l'histoire du Liban depuis les années 1930 jusqu'à nos jours. Toutes ces périodes de vie racontées sont traversées par les grands bouleversements qui ont secoué la société libanaise moderne : La Seconde Guerre mondiale, la révolution de 1958, et la guerre civile qui contraindra la quasi-totalité de la famille d'aller trouver refuge à Londres ou aux Etats-Unis.
Une Histoire longue à raconter est un roman très populaire par sa construction. Il ressemble, dans sa structure finale et son langage simple, aux Mille et Une Nuits. Deux personnes, deux femmes, qui s'écoutent jusqu'à la mort : une mère dans la tourmente de l'ignorance et les injustices, sous le poids d'une vérité enfouie et cachée, avec plein d'interrogations et d'amertume et une fille éprise par un désir de savoir avant une mort certaine de sa mère qui effacera toutes les vérités occultées. Kamla a défendu bec et ongles son premier amour jusqu'à commettre ce qu'elle ne peut nommer. C'est elle qui façonne sa propre histoire par écriture interposée. Et pour accentuer son réalisme, Hanane Cheikh travaille sur un registre libanais du terroir. Tous les titres ou presque, des cinquante et un chapitres, sont écrits dans un dialectal libanais très visible et très chargé. Un roman très courageux qui fera certainement date et fera couler beaucoup d'encre, si ce n'est déjà fait. Peut-être que le plus dur reste à venir pour l'écrivain parce que Une Histoire longue à raconter est un roman qui nomme la blessure et dit ouvertement l'indicible, quitte à heurter les grandes sensibilités qui se plaisent à ronronner dans un confort d'hypocrisie qui ne cesse de devenir un pouvoir médiocre au détriment de la vie et de l'écriture.
Merci Hanane Cheikh, tu nous as donné la possibilité de regarder notre fragilité humaine en face, en la dépouillant de nos cauchemars et de nos mensonges les plus enfouis.


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