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Christine Angot-hanan el cheikh, musc de femme
La vie autrement dite
Publié dans El Watan le 02 - 03 - 2006

Ne reste-t-il aux femmes que la provocation pour se faire entendre et lire ? En jetant sur le marché du livre français son Inceste, Christine Angot, en colère, a récolté ce qu'elle croyait ne pas avoir semé : une curiosité perverse à propos de la chose qu'elle osait nommer dès le titre de son récit comme pour appâter les goûteurs de vérités croustillantes, crues à point, fondant sous la dent des ragots, y compris sur le plateau d'un Bernard Pivot, à qui, pourtant, on aurait donné un bon dieu de lettres sans confession.
Cela se passait pourtant en France. Difficile d'avoir une discussion sérieuse sur les corps et les femmes. A l'affût, la curiosité perverse qui dévoie l'œuvre dans une société dite civilisée. L'anathème en plus, quand la femme est arabe. Elle s'appelle Hanan El Cheikh. Un homme du Golfe entre dans une librairie à Londres et demande « le » livre de Hanan El Cheikh. Lequel ? demande le libraire. Celui où il y a des histoires d'amour entre femmes, répond l'acheteur gourmand. Depuis qu'elle a publié Femmes de sable et de myrrhe, Hanan El Cheikh n'a cessé de voir la rumeur s'enfler et se propager, comme dans le cauchemar vécu par Christine Angot, avec en prime, une mise à l'index comme au bon vieux temps de l'inquisition. Difficile de se faire lire et entendre, quand on ne cherche pas la provocation. Musc al ghazal. Musc de gazelle est le titre original du récit de Hanan El Cheikh qui a paru pour la première fois en 1988 à Beyrouth chez Dâr Al Adab. Ciblant un destinataire français, la traduction va à l'essentiel en annonçant un programme attendu : des femmes, une sensualité parfumée et un soupçon d'éphémère qui rend possible une fois encore le fantasme oriental. C'est exactement ce à quoi veut échapper l'écrivaine libanaise qui préfère à la myrrhe, le musc de gazelle, ce parfum extrêmement cher, précieusement lové dans une poche, sous le ventre de l'animal mâle. Crever la carte postale insipide en bradant dès les premières lignes « les tentes, les chameaux, la lune et les étoiles toutes proches, les oasis, les mirages, la soif et les graines de cardamome. » Plonger dans les profondeurs d'un labyrinthe interdit aux hommes, interdisant aux femmes de remonter à la surface, gardées par un minotaure invisible qui fixe quatre images. Quatre consciences de femmes en guise de représentation à huis clos dans un pays du Golfe. Soha, Tamar, Susan, Nour. Quatre femmes dans le désert qui est aussi une ville. Là où elles vivent, dans le lieu de leur concentration, ce n'est ni tout à fait le désert ni tout à fait la ville. Une ville qui lutte contre l'avancée du désert, et des femmes qui se concentrent sur leur intérieur bétonné contre le mâle extérieur. Moins de cercles que chez Dante, mais un encerclement qui ressemble à un enfer sans purgatoire. Dans l'univers très fermé des femmes, ni jugement ni condamnation. Chacune est libre de faire ce qu'elle veut. Tamar fait la grève de la faim et arrache à son frère l'autorisation d'ouvrir un salon de coiffure. Oisives, Susan, l'Américaine, et Nour, la grande bourgeoise courent après l'amour impossible. Tout cela tourne à vide, et c'est Soha, celle qui ouvre et clôt le livre, qui se charge de nous faire sentir le vide dans un intérieur que l'on croyait plein. Fraîchement débarquée de Beyrouth avec un enfant et un mari venu dans un des pays de l'or noir avec un bon contrat de travail en poche, la Libanaise est bien décidée à occuper ses journées. Soha veut travailler, sortir. Ne rien perdre de ses habitudes d'un autre pays, d'un autre âge. Embauchée dans un magasin, Soha passe les trois quarts de sa journée cachée dans une grande caisse en carton. Un verre dessiné sur l'emballage. « Attention fragile ». Soha a peur de l'inspecteur du travail. Soha transpire. L'homme a-t-il l'odorat développé ? Sentira-t-il le parfum de femme lové dans le ventre du carton ? Soha a peur. Elle quitte le magasin pour aller faire du bénévolat dans une association de femmes. Les portes s'ouvrent avec fracas. Un commando d'hommes venus vérifier qu'il n'y avait que des femmes. Le même commando contre le salon de Tamar, les mêmes hommes à la piscine, armés de bâtons, frappant sur toutes les tables pour disperser les baigneuses qu'ils ne sauraient voir. Dans le pays de l'or noir, les choses ne se passent pas comme Soha l'aurait voulu. Impression d'une vie qui va à contre-courant. Sensation bizarre et pénible. Escalader des vallées et dévaler des montagnes. Piégée, cernée, Soha tourne en rond. Acculée, il ne lui reste plus qu'à rester dans le seul lieu prescrit, celui où les femmes se concentrent sur elles-mêmes. Lieu de concentration et vide. Soha s'ennuie. Ira-t-elle chez Myriam ? Oum Keyrouz ? Tahani ? Dalal ? Myriam ? Partout le vide de conversations dévidées au rythme du temps qui passe pour rien, dans des maisons surchargées d'objets chargés de saturer l'existence. C'est avec cette saturation de vide que Hanan El Cheikh fait son livre. Véritable tour de force. Tableaux de femme arabe à variation multiple qui se mire dans elle-même. Quand le lieu de vie est vide, il ne reste plus à la densité référentielle qu'à plonger dans le ventre des femmes, dans le secret de leur âme lovée comme le musc de gazelle au fond de la bête, chère, précieuse et brûlante. Alors, voilà ! Que les femmes interdites de tout sauf d'elles-mêmes se livrent entre elles à des expériences que les mères elles-mêmes ne réprouvent pas, parce que la morale elle-même ne traque que la culpabilité avec l'homme, c'est une question secondaire et superbement intégrée dans un récit où je n'entends que le tourment de la fragmentation de l'être qui cherche à se rassembler, à se durcir, à s'unifier. En vain. Sauf à quitter le lieu de la concentration et retourner à Beyrouth dans l'avion qui ramène Soha chez elle à la fin de Femmes de sable et de myrrhe. Enfin, Hanan El Cheikh est arrivée. Grâce à elle, je vois que les femmes n'ont pas ce don extraordinaire qui leur permettrait proprement de se créer un univers à elles partout où elles se trouvent. Dans la destruction du cliché, je sens le musc al ghazal que le titre français a escamoté. Il faut parfois provoquer pour être lue et entendue.

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