Les sourires deviennent plus crispés, parce que le passage des réformes est délicat pour les prochaines décennies, si l'on veut raisonnablement être partie prenante dans les rapports internationaux et ne plus les subir, sauf bien entendu, si l'ONU est utilisée à son insu, et qu'elle n'est sollicitée que pour entériner des situations de fait. Des conflits récents l'ont prouvé. C'est pourquoi, on ne compte plus les batailles à venir autour de ce projet, et s'il sera mené à bout à la satisfaction du plus grand nombre. Pour le moment, les projets se multiplient, et les premiers partis sont parfois en position plutôt difficile. Dans ce contexte, apprend-on, les ministres des Affaires étrangères du G4 (Allemagne, Brésil, Inde et Japon) ont eu une réunion dimanche au siège des Nations unies à New York avec une délégation de l'Union africaine pour parvenir à un accord sur un projet d'élargissement du Conseil de sécurité. Joschka Fischer, Celso Amorim, Natwar Singh et Nobutaka Machimura ont eu un déjeuner de travail à la mission diplomatique de l'Inde avec une délégation de l'UA conduite par le chef de la diplomatie du Nigeria, Olu Adeniji. Les discussions ont porté sur les différences entre les projets d'élargissement du Conseil présentés par les deux groupes. Le G4 a présenté un projet de résolution prévoyant un élargissement du Conseil de sécurité de 15 à 25 membres, avec 6 nouveaux sièges permanents sans droit de veto, dont 2 pour l'Afrique, et 4 non permanents. Mercredi dernier, des pays africains avaient présenté leur propre projet de Conseil de sécurité à 26 membres, avec 6 nouveaux sièges permanents ayant chacun un droit de veto, dont 2 pour l'Afrique, et 5 sièges non-permanents, dont 2 également pour l'Afrique. Le projet ne désigne pas les destinataires des éventuels nouveaux sièges au conseil, mais l'idée est que les 6 nouveaux permanents seraient le G4 et 2 pays africains à désigner. Lors de leur sommet au début de ce mois à Syrte (Libye), les dirigeants africains ont opté pour un élargissement du conseil à 26 membres, avec 6 nouveaux sièges permanents dotés du droit de veto dont 2 pour l'Afrique. Actuellement, le Conseil compte 15 membres, dont 5 permanents dotés du droit de veto (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie). Les 10 non permanents sont élus pour deux ans et non immédiatement rééligibles, par groupe géographique. L'expansion du Conseil fait partie d'un vaste projet de modernisation de l'ONU, à l'initiative du secrétaire général, Kofi Annan. Mais M. Adeniji a indiqué cette semaine que l'UA était prête à discuter de la question du droit de veto. Le ministre indien a déclaré que les deux parties avaient eu une «réunion utile, constructive et cordiale» et cherchaient à faire en sorte que leurs «différences non seulement se réduisent, mais disparaissent». M. Amorim a annoncé la création prochaine d'un groupe de suivi rassemblant des représentants du G4 et de l'UA «afin de parvenir à un résultat acceptable par tous» qui sera examiné par leurs ministres des Affaires étrangères autour du 25 juillet à Genève. «C'était notre première rencontre. Nous avons fait autant de progrès qu'il était possible aujourd'hui», a estimé de son côté le chef de la diplomatie du Nigeria. Les chefs de la diplomatie du G4 ont également rendu une visite protocolaire au secrétaire général des Nations unies Kofi Annan. Pour que le projet du G4 soit adopté, il doit être approuvé par les deux tiers de l'Assemblée générale de l'ONU, soit 128 voix sur 191. Le soutien du bloc africain qui compte 54 membres est vital pour le passage du texte. Mais l'énumération des propositions ne s'arrête pas là, car le groupe «Unis pour le consensus», animé par des rivaux régionaux du G4 (Italie, Pakistan, Mexique et Argentine), a fait circuler un troisième projet de résolution, radicalement différent. Il consiste en l'élargissement du Conseil à 25 membres mais sans nouveau siège permanent. Dans ce schéma, les pays élus aux sièges non permanents pour deux ans seraient immédiatement rééligibles. Munir Akram, ambassadeur du Pakistan, qui s'oppose à la candidature de l'Inde, a attaqué avec virulence le projet du G4. «Nous n'allons pas conférer des privilèges spéciaux à six Etats et nous résoudre à n'être que des membres de seconde classe de cette organisation», a-t-il lancé. Son collègue chinois, Wang Guangya, dont le pays est contre la candidature du Japon, a également exprimé de fortes réserves. Abordant la position de l'Afrique, le représentant algérien auprès des Nations unies a souligné que celle-ci «s'articule autour de la mise en place d'un Conseil de sécurité de 26 membres où notre continent disposerait de deux sièges permanents avec les mêmes prérogatives et privilèges que les membres permanents actuels, y compris le droit de veto et de 5 sièges non permanents». M. Baâli a souligné à cet égard que «l'Union africaine décidera le moment venu (…) des modalités d'attribution des sièges qui lui reviennent». S'agissant de la question du droit de veto, le représentant algérien a relevé que «l'Afrique considère que tant que les membres permanents actuels disposeront du droit de veto, il serait injuste, déraisonnable et inacceptable que les nouveaux membres permanents en soient privés. Cela laisse très peu de place à un compromis avec le G4». Qu'est-ce qu'il en sera alors jusqu'au mois de septembre ?