Le Président actuel de l'Algérie démocratique et populaire nous invite à un jeu de paroles et de mélanges des temps qui montrent bien la difficulté d'accepter et de vivre le présent. Le renvoi de l'histoire à un futur d'historiens est un paradoxe sur lequel on pourrait envisager un accord si nous avions la garantie – Mais par qui ? Et comment ? – que ce tour de passe-passe entre le passé au futur et la disparition du présent puisse permettre ce que chacune et chacun ne cesse de souhaiter à ce pays : la fin d'un malheur national, pour autant que ce qui s'est passé, à travers les divisions civiles, militaires, financières, politiques, économiques, religieuses, culturelles, ethniques qui on eut lieu et qui sont les conséquences d'une histoire politique récente de l'Algérie, a été une mise en cause radicale de ce que fut la naissance d'une Algérie indépendante et libre, réconciliée avec son histoire et surtout avec et pour son avenir. Puisse que nous sommes en un moment de rentrée scolaire et que le Président actuel de l'Algérie indépendante nous invite à lire l'histoire des années récentes, à travers un texte qui se présente et se donne comme ouvrant un nouvel avenir par rapport aux années dites «noires» – ce dont tout le monde parle en termes dits «naïfs» tels que «Pourquoi c'est produit ce qui s'est produit ? Et qu'est-ce qui s'est produit ?» – nous pourrions avant que les «historiens-futurs-du-passé» ne s'emparent de cette histoire, «notre histoire» – si cela existe ! -, proposer aux citoyennes et citoyens d'aujourd'hui cette réflexion : «Qu'est-ce qui a fait que l'Algérie promue à une indépendance qui la réconcilierait avec son histoire propre et l'histoire étrangère – on pourrait dire l'histoire coloniale, elle-même – ait versé dans tant de violences”, de haines”, de meurtres et d'assassinats”, mots qui, aujourd'hui, font partie du vocabulaire, non pas simplement des journalistes algériennes et algériens, mais du vocabulaire du monde politique actuel ?» En d'autres termes, qu'est-ce qui a fait que des Algériennes – très peu – mais des Algériens ont pu accomplir des actes tels que ces mots du vocabulaire politique les disent «indignes», «inhumains», «barbares», «haineux» ? Est-ce simplement une question de cours ! Pour notre part, au-delà de ce qui n'aurait pu être qu'une plaisanterie, comme dit Kundéra, – et qui n'en est pas une hélas ! – la question serait celle-ci : qu'est ce qui peut transformer ce qui fut un mal absolu, un profond malheur, en un renouveau et un bien ? Car, et bien évidemment, comme le sait, aujourd'hui, le Président actuel de l'Algérie indépendante, les Algériennes et les Algériens ne peuvent pas vivre, exister, travailler, aimer, rester dans un pays enfermé par et dans une politique qui ajouterait du meurtre au meurtre, de l'assassinat à de l'assassinat, même si ce type de politique existe un peu partout dans le monde et pas simplement en Algérie. La question d'une réconciliation «historique» des Algériennes et des Algériens entre elles et entre eux est une question primordiale, vitale, qui ne peut être remise à l'inspection, correction, reconstruction d'histoires futures. Question actuelle sous-jacente à la question posée de «la réconciliation nationale» et de «la concorde civile» qui ne peut être renvoyée à plus tard, sans risques de confrontations qui ont déjà eu lieu ; elle est vitale pour mettre un terme à une guerre qui dure et qui ressemble à une double guerre d'Algérie dont seul les Algériennes, les Algériens, et une politique sont les protagonistes, comme s'il y avait une impossibilité à sortir d'un malheur déjà connu et déjà meurtrier, déjà vécu ; comme si une politique avait fait revivre à ce pays ces propres violences – disons le mot – traumatiques, impossibilités de naissance autre que «meurtrières» pour soi-même et en soi-même ; et, bien évidemment, cette réconciliation historique interne et aussi intime réclame une réconciliation externe et tout aussi intime avec l'ancienne puissance coloniale, puisque le référendum de juillet 1962, auquel le Président actuel de l'Algérie se réfère dans son texte, a eu lieu en accord avec la France, à l'époque, et que les Algériennes et les Algériens d'aujourd'hui sont autant des citoyens historiques de l'Algérie, que de la France, que du monde historique en général, ouvert à tout ce qui est vital dans l'humanité et non pas meurtrier dans l'humanité. Or, ce qui est humain dans l'humanité commence par la reconnaissance de ce qui est meurtrier en nous, pour que, dans un deuxième temps, une réconciliation puisse exister de soi à soi, de soi à l'autre, sans cette «haine», «barbarie» de soi à soi, et de soi vis-à-vis de ce qui n'est pas soi et qui est de l'autre ; il serait donc essentiel et nécessaire à l'Algérie de se réconcilier, sur le plan dit «national», avec cette part étrangère qui la compose, l'anime et lui fait vivre son propre malheur lorsque cette part étrangère non reconnue, non acceptée se trouve aussi refusée par une instance politique qui, aujourd'hui, et à l'inverse de ce qui s'est produit, devrait en accepter la nécessité, en comprendre, à travers les malheurs et au-delà d'eux, l'opportunité, pour que du politique libéré des affres des condamnations et des bourreaux, de la civilité existent, de «la réconciliation nationale» et de «la concorde civile» puissent exister. Et peut-être que le Président actuel de l'Algérie démocratique et populaire, Abdelaziz Bouteflika, devrait-il donner la parole de l'histoire qui se fait aux citoyennes et citoyens d'aujourd'hui éprises, épris de justice et de vérité, plutôt que de «laisser l'histoire aux historiens» après que celles-ci et ceux-ci, citoyennes et citoyens, épris de justice et de vérité, aient à leur tour disparu dans la violence et l'insalubrité d'une politique dont chacune et chacun souhaitent désormais sortir…