L'annonce de l'accord intervenu samedi soir entre le chef du gouvernement et les délégués des archs sur la mise en œuvre de la plateforme d'El Kseur a suscité plus d'espoir que de scepticisme dans les rues de Kabylie. Même si l'issue de cette démarche demeure encore aléatoire aux yeux de nombreux citoyens, le caractère constructif de cette initiative est conforme aux attentes de la majorité de la population. S'il y a un grief à opposer aux représentants du mouvement citoyen, c'est au contraire d'avoir longtemps attendu pour participer à un processus de règlement de la crise, laissant la situation se détériorer très dangereusement dans une région qui s'est retrouvée en proie à l'anarchie et l'insécurité. « Il était temps de penser à construire et à relancer la vie économique et sociale », estime-t-on. L'accord des délégués des archs de s'associer à un « mécanisme conjoint de la mise en œuvre de la plateforme d'El Kseur » consacre l'évolution politique positive d'un mouvement de contestation qui avait au départ exclu toute prise de contact avec un pouvoir qualifié de « maffieux et assassin ». « En politique, il est toujours possible d'arracher des acquis à travers le dialogue et la négociation », rappellent des voix qui soulignent que la crispation sur des positions figées n'a mené à rien pendant les deux premières années de la crise. Le caractère scellé et non négociable des positions antérieures des archs avait condamné le mouvement à un sur-place qui s'est répercuté négativement sur la vie de tous les jours dans la région. « L'on est sûr qu'il y aura du concret dans la suite des événements, même si les archs ne doivent pas tabler sur un règlement à 100% des revendications », ajoute-t-on au sein des observateurs de la scène locale. Le chef du gouvernement a bien souligné que les décisions qui seront prises dans le cadre des prochaines rencontres se feront dans le respect des lois de la république. Les négociations s'annoncent rudes à partir du 25 janvier, date où il est prévu la mise sur pied de la structure mixte gouvernement-archs. L'opinion publique locale crédite majoritairement les protagonistes du dialogue d'une réelle volonté de faire dépasser la crise à une région où la lassitude a pris le pas sur la mobilisation. Peu de crédit est en revanche accordé aux parties qui dénoncent les derniers développements intervenus depuis vendredi dernier. Les acteurs du mouvement, qui s'inscrivent en faux par rapport à l'action menée par Abrika, évoquent des arguments qui ne renvoient pas à des considérations objectives, établies sur le terrain. « La consultation de la base citoyenne et le respect des principes directeurs du mouvement et de son caractère horizontal », raisons soulevées par les contestataires, sont en fait des principes qui n'ont pas été scrupuleusement observés depuis le début de la crise, et rares ont été les actions qui ont été soumises à la « base citoyenne ». Celle-ci attend en définitive le règlement effectif de la crise et le retour à la vie normale, après avoir entendu à l'occasion de chaque « boycott » ou « action d'envergure » l'annonce de la chute imminente du régime. « On veut simplement aller au travail, sortir en ville sans avoir peur ; quant aux revendications politiques, il faut aller les négocier », lâche-t-on aujourd'hui. « La confrontation a épuisé la région sans faire bouger le pouvoir », ajoute-t-on. Pour souligner l'importance de la démarche politique de « détente et du compromis » sur celle de la rupture et du « jusqu'au-boutisme », l'on observe que c'est au moment où le mouvement mobilise le moins qu'il est susceptible d'engranger des acquis. La guerre de leadership qui secoue le mouvement citoyen n'intéresse pas le citoyen, trouvant normal qu'il y ait lutte au sommet de l'organisation. S'agissant des premières décisions attendues, et en commençant par celles qui touchent à la vie quotidienne des citoyens, la tenue de véritables élections locales se fait se sentir de jour en jour. Une véritable déliquescence frappe les assemblées communales installées dans les conditions confuses d'octobre 2002. Les candidats aux élections qui s'étaient présentés à cette période, dans le refus général de participer au scrutin, font aujourd'hui preuve d'une incompétence criarde. Les administrateurs installés dans les communes où il n'y a pas eu de vote donnent plus l'impression de subir leur mission que de gérer réellement la collectivité.