“Je ne suis pas pessimiste car, depuis 5 mois, le dialogue est maintenu. J'ai entendu dire que les archs préparaient un document de travail, ce qui rend légitime notre attente. Certes, on est impatients, mais on préfère perdre encore des jours, l'essentiel étant de laisser le temps nécessaire aux frères des archs pour élaborer leur document. On est disposés à prendre en compte la plate-forme d'El-Kseur et tous les problèmes posés, car, pour nous, la résolution de la crise de Kabylie n'a rien d'électoraliste.” Encore une fois, le chef de l'Exécutif, Ahmed Ouyahia, ne dissimule pas son optimisme pour trouver une issue à la crise qui secoue la Kabylie depuis maintenant près de trois années. Depuis son fameux appel aux archs devant le Parlement en mai dernier, Ahmed Ouyahia n'a jamais raté l'occasion, quand celle-ci venait à se présenter, pour multiplier ses appels de pied aux délégués des archs dans l'espoir, bien entendu, de les amener à la table de dialogue. Si l'on ne peut valablement douter, du moins dans l'absolu, de la sincérité de la démarche du nouvel homme fort de l'Exécutif, il n'en demeure pas moins que le “geste” devant accompagner “le discours”, seul à même de lever l'écueil de la méfiance, tarde à se concrétiser. Hormis la décision de libération de certains délégués, en juin dernier, et dont la célérité a été perçue par de nombreux observateurs comme une volonté de Bouteflika de coller l'échec du dialogue au Chef du gouvernement qu'il venait de dégommer quelques semaines plutôt, en l'occurrence Benflis, et l'engagement de Bouteflika à “un dialogue sur la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur, à condition qu'elle ne porte pas atteinte à l'unité nationale”, le Chef du gouvernement s'est contenté de simples professions de foi et de propos encenseurs à l'égard des délégués qu'il se plaît à qualifier de “frères”. À ce jour, et l'accord est unanime, rien de nature à créer un climat propice à un dialogue serein n'a été entrepris. Les préalables posés par les délégués des archs n'ont pas connu de suite. Et les délégués n'omettent pas de le rappeler : “On demande d'abord un engagement de l'Etat pour la prise en charge des incidences”, fait observer Belaïd Abrika. Même son de cloche du côté des délégués de la Coordination intercommunale de la wilaya de Béjaïa (CICB). “Entre le discours et les faits, il y a un grand fossé. On attend toujours l'arrêt des poursuites judiciaires, l'arrêt des harcèlements contre la presse et la satisfaction des préalables que nous avons posés”, soutient un délégué de la CICB. C'est dire qu'au sein des délégués, en dépit des griefs qui peuvent être retenus à leur égard, la méfiance est toujours de rigueur. Lorsque Ouyahia déclare à qui veut bien l'entendre que “la résolution de la crise n'a rien d'électoraliste”, les derniers développements sur la scène politique trahissent ses intentions. Nombreux, en effet, sont les délégués qui relèvent la gestion pour le moins musclée de certaines contestations, à l'image de la grève des enseignants ou encore de la pression sur la presse et plus récemment encore l'assassinat d'un citoyen à Corso. Une attitude qui témoigne de la nature totalitaire du régime. De là à croire que le Chef du gouvernement est disposé à mettre en œuvre la plate-forme d'El-Kseur et dont on ne cessera jamais de répéter qu'elle renvoie dans sa substance à un changement de régime, c'est un pas que le mouvement, même dans ses moments de fluctuation, se refuse à franchir. Il est vrai que certains délégués sont tentés, histoire sans doute de se ménager une porte de sortie, par l'offre de Ouyahia mais, une bonne partie a toutes les peines du monde à croire à la sincérité des autorités. Il est pour le mieux curieux, pour ne citer que cet exemple, que Ouyahia affiche sa disponibilité quand, en parallèle, il couvre de louanges le ministre de l'Intérieur que la Kabylie, et ce n'est pas exagéré, ne porte pas dans le cœur. À cela s'ajoutent les manœuvres clandestines qu'entreprennent les autorités à travers certains émissaires. C'est dire que le dialogue ne se présente pas sous de meilleurs hospices. Echec recommencé ? Ça en a tout l'air… K. K.