Depuis des années, le commun des mortels habitant à Annaba vit avec regret la situation désastreuse de la totalité des cimetières musulmans. Il ne peut imaginer un seul instant que ceux en charge du dossier de leur entretien pourraient aussi s'intéresser aux deux autres cimetières chrétien et juif de religion monothéiste aussi. Comment entretenir et réhabiliter ces deux cimetières ? C'est à ce casse-tête que s'est attaquée Annaba. Chacune des onze autres communes de la wilaya en ont un sur leur territoire respectif. Les responsables de la commune chef-lieu de wilaya se sont engagés, il y a quelques mois, dans divers travaux de réhabilitation, dont la réalisation d'une nouvelle enceinte au cimetière chrétien des Crêtes. Ce qui représente financièrement un grand enjeu hors de portée de la bourse des collectivités locales. Soumise à des contraintes financières générées par des réductions drastiques des recettes fiscales et des subventions étatiques, la commune de Annaba n'arrive plus à assumer l'entretien des cimetières. Des difficultés d'identification du propriétaire des surfaces ont rendu cette mission bien aléatoire. Tout récemment, au siège de la commune et de certaines directions de l'exécutif de la wilaya, des voix se sont élevées. Elles ont dénoncé la situation des cimetières chrétien et juif. Selon eux, cette situation prêtent à l'inquiétude de par les multiples agressions commises par le temps et par les hommes. Des élus de la commune ont estimé que l'entretien des cimetières chrétien et juif, qu'on ne peut détruire ni reconstruire, exige d'importantes enveloppes financières annuelles. Situé au beau milieu de la ville, le cimetière chrétien a fait de tout temps l'objet de pillage et de profanation. Pratiquement toutes les épitaphes, urnes, plaques de marbre et plaques citant des passages de De profundis grégorien ont disparu. Dans ce cimetière, passé au révélateur, un siècle et demi d'histoire pourrait dévoiler les rêves insensés des chrétiens français d'Algérie pour tenter de dévaluer la conscience nationale des algériens. Toutes ces tombes sur lesquelles des noms de familles sont inscrits révèlent une époque de passion, d'énergie, de sacrifice et d'illusion. La messe définitive ayant été dite dans les syncrétismes de la chrétienté depuis 1962 a succédé l'abandon total du cimetière. Il y a quelques années, à la recherche d'une assistance pour son entretien, la commune avait tenté une approche auprès des autorités consulaires françaises à Annaba. Une tacite fin de non-recevoir avait ponctué sa démarche. Les différentes visites au cimetière chrétien et les bonnes dispositions des représentants diplomatiques, qui s'étaient succédé à l'ambassade de France à Alger, n'étaient rien d'autre que du bouillon pour... La même situation est constatée au cimetière juif. Enfoui au beau milieu d'une des plus grandes cités de la commune de Annaba Oued Eddeheb, ce cimetière ne tardera pas à disparaître. Comme pour le cimetière français, ceux qui y reposent étaient tous des juifs de nationalité française. Les projets de réhabilitation de ces cimetières étaient disponibles. Tout autant que leurs homologues de Annaba, les onze autres communes de la wilaya affirment avoir du pain sur la planche, mais se disent financièrement démunies. Conséquences : objets de toutes les dégradations et absence d'entretiens réguliers et efficients, les tombes sont, pour la plupart, à moitié détruites. Au cimetière chrétien, des caveaux tombent en ruine. Seuls ceux implantés à proximité du logement du gardien, en bordure de l'allée centrale ou à proximité de l'enceinte extérieure, sont plus ou moins en bon état. Et même si, pour éviter les dépravations de certains maraudeurs, une enceinte longue de plus de 200 m a été récemment réalisée, de nombreuses tombes devraient se transformer en poussière. La situation est identique pour le cimetière juif implanté sur un contrefort de la cité Oued Eddeheb. De quelque cinq hectares, cette parcelle de terre est entourée d'une muraille en pierre de taille de 2 m de hauteur. C'est à la commune de Annaba que l'on doit la surélévation et le badigeonnage de cette muraille. Elle donne à ce cimetière juif, dont les tombes sont englouties sous de hautes herbes, une certaine austérité. Malgré leurs lézardes, les cimetières chrétien et juif de Annaba ressemblent à des sentinelles de la mémoire d'un temps révolu. Ils défient l'indifférence des hommes d'aujourd'hui. Pourtant, dossier bien ficelé en main, un jeune Algérien avait tenté de créer il y a quelques mois, une entreprise d'entretien des cimetières chrétiens et juifs. Bien qu'ayant eu l'aval du Vatican pour le financement de son projet, ce dossier a été bloqué quelque part dans une des institutions du gouvernement algérien.