Photo : Sahel De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Un mort est un mort, comme on dit, il n'a plus de nationalité, et le respect dû aux morts est universel. Toutes les religions, toutes les cultures, s'accordent à reconnaître à la mort ce caractère sacré qu'on retrouve à travers les rituels et les cérémonies. Les cimetières sont l'expression de cette sacralisation, ils sont là pour donner une sépulture aux disparus mais aussi pour rappeler aux vivants leur dernière demeure. Ces lieux sont, hélas, parfois abandonnés, mal entretenus, détruits en partie et même profanés. Dépôts d'ordures, sachets et bouteilles en plastique qui traînent un peu partout, cannettes de bière et autres objets de toutes sortes, sachets, donnent de ces sites une image qui n'est pas pour ainsi dire digne des vivants. L'état actuel de nos cimetières, qu'ils soient musulmans, chrétiens ou juifs ne reflète pas le caractère sacré et le respect que nous sommes censés accorder à ces lieux. La triste situation dans laquelle se trouvent les six cimetières que compte Annaba, quatre musulmans, un chrétien et un autre juif, montre le peu d'attention que nous accordons à nos morts malgré nos fréquentes visites en ces lieux à l'occasion des fêtes religieuses. En effet, le cimetière «Zaghouane», saturé et situé en plein centre-ville, est devenu au fil des jours un véritable dépotoir où l'on jette tout ce dont on n'a plus besoin. La petite clôture d'enceinte est dans un piteux état, les tombes presque collées les unes aux autres ne laissent aucun passage et les lieux sont envahis par une végétation qui s'est étendue jusqu'à fissurer les plaques tombales. Le soir, à la faveur de la nuit, des beuveries y sont organisées. On consomme son alcool et on laisse sur place les bouteilles et les cannettes qui s'accumulent. Le cimetière «Bouhdid» n'est pas mieux loti. On y trouve les mêmes ordures, un mur d'enceinte qui menace ruine et de petits passages piétonniers qui se faufilent entre les tombes. Celles-ci sont disposées n'importe comment et dans tous les sens alors qu'elles devraient être orientées vers La Mecque. Saturé, ce cimetière ne peut plus accueillir de morts et l'APC ne délivre plus de permis d'inhumer. L'autre cimetière, «Sidi Harb», fait lui aussi pitié à voir : même situation, mêmes dépôts d'ordures, pas de passages entre les tombes, dispositions anarchiques, clôture inexistante par endroits et saturation totale. Le nouveau cimetière de «Bouguentas», ouvert il y a une quinzaine d'années, est presque inaccessible : les allées ne sont pas goudronnées et on est obligé de transporter sur le dos le défunt pour se faufiler sur un sentier abrupt avant de pouvoir le déposer près de la tombe et l'y enterrer. Les habitants dissuadés par ce «parcours» préfèrent enterrer leurs morts dans les anciennes tombes de leurs proches dans les autres cimetières avec une autorisation délivrée par les services de la commune. «Tous nos cimetières sont saturés, nous déclare M. Benasaïd Abdallah Nabil, président de l'APC de Annaba. Il n'y a pas assez de cimetières pour une population qui avoisine les 300 000 habitants. Nous sommes à la recherche d'un nouveau site en collaboration avec la direction de l'urbanisme et nous allons en construire un autre selon les normes avec une clôture assez haute, des passages et des allées avec des emplacements prévus pour les tombes. Nous allons en finir avec cette anarchie qui caractérise nos cimetières.» A la question sur le triste état des cimetières dont l'entretien est du ressort de l'APC, M. Bensaïd nous confie que l'exécutif a décidé de créer une régie communale qui s'occupera uniquement de l'entretien de ces lieux et que des fonds lui seront affectés afin que celle-ci puisse s'acquitter de cette tâche dans les meilleures conditions possibles. «En attendant, nous déclare-t-il, 300 employés de la commune de Annaba sont affectés chaque week-end aux travaux d'entretien dans les six cimetières, musulmans, chrétien et juif. Nous ne faisons pas de distinction et nous veillons à ce que le travail soit le même pour tous. Désherbage, chaulage, travaux de réparation de clôtures, entretien des passages, enlèvement et ramassage d'ordures, nos équipes font tout. Mais il faut avouer que nous n'avons pas les moyens de les entretenir comme il se doit. Nous avons demandé une aide de 6 milliards de cts à la wilaya sur le fonds commun des collectivités locales [FCCL] et nous avons obtenu cette somme. Elle sera consacrée aux travaux de réparation de tous les murs d'enceinte. Pour ce qui est des cimetières chrétien et juif, nous travaillons en collaboration avec les services du consulat général de France. Ils nous apportent une aide précieuse en procédant avec l'accord de l'APC à des travaux d'entretien. Nous nous entendons bien sur ce sujet et nous espérons continuer sur la même voie.» M. William Bunel, consul général de France à Annaba, que nous avons rencontré pour évoquer avec lui la question des cimetières français (chrétien et juif) nous dira qu'il a en charge toute la circonscription de l'Est avec ses 14 wilayas qui s'étendent de Biskra à Sétif en passant par Jijel, El Tarf et El Kala. «Nous sommes conscients, dit-il, que les APC qui sont responsables de l'entretien de ces lieux sont dépourvues de moyens, elles font ce qu'elles peuvent. L'état général des cimetières dans la wilaya de Annaba est médiocre, tous les cimetières, musulmans, chrétiens ou juif. Nous apportons notre aide et nous finançons des travaux à travers une association [‘'In Memoriam'‘] qui s'occupe des sépultures en Algérie. Cependant, nous tenons à signaler que le cimetière chrétien de Souk Ahras est très bien entretenu, un gardien y est installé et veille à tout. On a l'impression que les Français l'ont quitté hier. Pour le cimetière d'Annaba qui abrite près de 5 000 sépultures, le mur d'enceinte tombe en ruine et peut s'effondrer à certains endroits surtout du côté de la cité Beni M'Haffer sous la pression de la végétation. Sur les 14 hectares affectés au cimetière, nous avons cédé la moitié inoccupée au profit de l'APC qui prendra en charge la réfection du mur.» M. Joël Renou, consul adjoint, chef de chancellerie, nous apprendra que, pour faciliter l'entretien des cimetières, il a été procédé au regroupement des cimetières avec l'accord des proches des défunts après autorisation du ministère algérien de l'Intérieur. «Nous avons établi un plan d'action qui s'est étalé sur 5 ans, nous déclare-t-il, et nous avons regroupé 40 cimetières. Nous avons dépensé, entre 2004 et 2008, la somme de 585 000 euros dont 60% sont allés à cette opération. Le plan prévu pour 2009 /2012 touchera 48 autres cimetières dont le regroupement ou l'entretien est prévu.»