La Kabylie est-elle engagée dans une guerre sans fin contre le terrorisme ? Elle est devenue le fief privilégié des émirs, des groupes de kidnappeurs et de gangs à mi-chemin entre les groupes islamistes et la mafia. Le décor des dispositifs de sécurité est encore replanté pour cette année, dans le même schéma que les années précédentes, sans garantie d'une victoire décisive sur les groupes terroristes. La population assiste hagarde à des mouvements de troupes rappelant un pays en guerre plus qu'une démocratie en marche. Les citoyens ont appris à vivre sous un maillage sécuritaire en continuel renforcement, se prêtant à des contrôles de plus en plus serrés sur les routes. Les jeunes sont descendus des bus pour être fouillés comme durant les années 1995 et 1996. Le champ d'investigation est élargi au maximum, cherchant le terroriste parmi la foule, et les armes dans les véhicules les plus anodins. Alerte maximale et état d'urgence paroxystique dans une région qui ne croit plus à l'accalmie durable. La pression militaire ne retombe pas dans les maquis, d'où sortent miraculeusement, au lendemain des pilonnages, des groupuscules qui commettent un rapt ou une attaque. Les succès militaires remportés contre les groupes terroristes sont invariablement contrebalancés par des attentats meurtriers, par lesquels la base du GSPC signe sa présence et maintient la région sous son diktat. Un face-à-face infernal qu'aucune politique de réconciliation nationale n'a pu lever. Devenue le quartier général d'Al Qaïda Maghreb, la Kabylie n'est pas près de sortir de l'ornière. Dans la même après-midi d'hier, deux terroristes ont été abattus dans les maquis de Mizrana, à une trentaine de kilomètres au nord de Tizi Ouzou, au moment où un militaire échappait à un attentat près de Draâ Ben Khedda, à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya. Le maquis terroriste n'est pas laminé en dépit des bombardements massifs et répétés dans les forêts de la région. A Mizrana, l'accrochage a eu lieu entre une unité de l'ANP et un groupe d'une dizaine d'éléments puissamment armés. Le groupe terroriste qui a tendu un guet-apens à un officier de l'ANP à Draâ Ben Khedda était doté d'armes automatiques. 8 terroristes ont été abattus depuis le début de l'année. Au moins 5 kalachnikovs ont été récupérées, en plus d'armes de poing et autres grenades, ce qui renseigne sur le niveau d'armement du maquis islamiste. Depuis le « pic » terroriste atteint au début du mois d'août 2008, lors de l'attentat kamikaze contre le siège des renseignements généraux à Tizi Ouzou, ayant fait une vingtaine de blessés, une offensive des services de sécurité avait permis de démanteler six réseaux de soutien et d'éliminer de nombreux terroristes. Des succès obtenus à la suite d'un travail de renseignement soutenu, montrant que l'appareil sécuritaire pouvait fonctionner d'une façon optimale et obtenir d'aussi bons résultats que les services de sécurité étrangers. D'aucuns ont cru à une thèse optimiste d'une situation maîtrisée. Le retour au calme ne pouvait être que trompeur, selon un scénario éprouvé depuis une quinzaine d'années. Le maquis terroriste se ressource, « lève » des fonds et reconstitue ses propres réseaux pendant que la population croit à une paix retrouvée et les gouvernants annoncent le dernier quart d'heure des terroristes. L'attentat kamikaze de la semaine dernière contre le siège de la garde communale à Tadmaït, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Tizi Ouzou, faisant deux morts, a remis en cause le scénario selon lequel le maquis du GSPC était vidé de l'intérieur. Les troupes de Droukdel pouvaient encore frapper. Elles ont voulu montrer qu'elles ne manquaient ni de kamikazes ni d'explosifs. L'émir maghrébin d'Al Qaïda, grand argentier devant l'Eternel grâce aux rançons amassées en Kabylie, a choisi de répondre par le feu aux appels à la repentance lancés par son prédécesseur. Ponctuée par les appels des repentis, qui sont de véritables coups d'épée dans l'eau, la lutte antiterroriste peine à retrouver ses marques. Gravement déséquilibré par la démobilisation des patriotes à l'occasion des dispositifs de paix et de réconciliation décrétés par l'Etat, l'appareil sécuritaire n'a pas réussi à lever la chape terroriste sur la population et le pays. Annoncée en juillet 2008 par le ministre de l'Intérieur lors de la visite du président de la République à Bouira, l'unité de lutte contre les kidnappings ne s'est pas encore signalée sur le terrain. Les rapts continuent de frapper les milieux économiques avec une régularité infernale. Plusieurs milliards rentrent chaque mois dans les caisses du GSPC et sans doute dans les poches des terroristes et des émirs. Le 37e kidnapping a eu lieu il y a une quinzaine de jours à Aït Toudert, à une quarantaine de kilomètres au sud de Tizi Ouzou. Cette localité enclavée et déshéritée est en train de rattraper Maâtkas dans les sinistres statistiques des enlèvements. La détresse des opérateurs économiques reste insondable, ne trouvant aucune protection particulière auprès des autorités, comptant uniquement sur de nouvelles mesures de prudence personnelle. Quand ils sont rattrapés par la machine à kidnapper du GSPC, seule la solidarité familiale et villageoise agit pour les faire sortir du maquis, moyennant une forte rançon. Les unités spéciales annoncées par les autorités restent des formules médiatiques réitérées tous les six mois avec la même inefficacité. Des annonces aussi immatérielles et sans rapport avec le vécu des gens qu'une certaine échéance électorale prévue pour le mois prochain.