Un étudiant de l'université M'hamed Bouguerra de Boumerdès trouve que cette cette ville est «paradoxale». «C'est une ville qui s'est forgée une réputation de carrefour d'intellectuels, mais en réalité elle n'a rien de tel. Ni théâtre, ni cinéma, ni une bibliothèque à la hauteur de cette réputation… Bref, rien qui fasse d'elle une ville d'un tel renom. J'ai parfois envie de voir un film, mais je me rends vite à l'évidence que je n'ai que la télévision pour ça. Et encore faut-il l'avoir toujours parce qu'à la résidence universitaire le désert est encore plus aride», tranche-t-il. En effet, mis à part les quelques activités qu'organise la direction de la culture de la wilaya, il n'y a presque rien de culturel à Boumerdès. Les associations culturelles, dont le nombre «dépasse la centaine» mais «asphyxiées par le manque de subventions ou marginalisées» sont atteintes d'une léthargie qui ne trouve d'explication que dans les «desseins des pouvoirs publics à les réduire au silence». «Elles ont été 4 à avoir reçu l'aide de la direction de la culture l'année dernière. Elles ont bénéficié de 100 000 DA chacune», dit le directeur de la culture de la wilaya, Bekki Benameur. «Ce sont des associations qui activent énormément parmi une trentaine d'autres. Mais il faut savoir que, depuis le séisme de mai 2003, tous les efforts sont concentrés sur la reconstruction des infrastructures détruites», ajoute-t-il. «Si une association organisait trois manifestations par mois, il n'y aurait pas cette 'disette”», commente un confrère. Le chapitre infrastructures s'avère être le talon d'Achile du secteur de la culture à Boumerdès. Des espaces désespérément vides Du complexe culturel de Dellys à la salle Afrique des Issers, la quasi totalité des établissements culturels de la wilaya est paralysée. Les raisons vont de la nature de la propriété, qui est parfois sujette à des litiges aux problèmes de dégradation. La plupart des infrastructures exploitables n'appartiennent pas à la direction de la culture, nous explique-t-on. Il y a eu, en outre, les dégâts occasionnés par le tremblement de terre. Le théâtre de Bordj Menaïel par exemple a été complètement détruit et la salle des Issers fortement endommagée. La maison de la culture Rachid Mimouni a elle aussi nécessité des travaux de réhabilitation. La salle de cinéma El Maoudj de Bordj Menaïel a été restituée à ses propriétaires en vertu d'une décision d'une commission qui a statué sur le litige. A Dellys, une salle a été affectée aux services de la Protection civile. La salle Afrique des Issers est utilisée par un groupe de l'Unja qui y a installé une bibliothèque. «Là au moins, on a fait quelque chose», commentent certains. Ce qui n'est pas de l'avis du P/APC qui refuse à «ce groupe de jeunes le droit de disposer d'un aussi grand espace pour les besoins d'une petite salle de lecture». Car la salle de cinéma et de spectacles des Issers contient 800 places. Elle a été totalement restaurée en 1997 puis réhabilitée l'année dernière suite aux dégradations que lui a causées le séisme. La salle de Khemis El Khechna, d'une capacité d'accueil de 270 places, tout comme celle de Boudouaou qui n'est pas elle aussi fonctionnelle. A Thenia, la salle a été restaurée puis fermée pour toute activité pour cause de litige. Au chef-lieu de wilaya, seuls les locaux de la maison de la culture peuvent se targuer d'offrir quelques services aux citoyens. Et pour les «grandes occasions», on se rabat sur la salle des conférences de l'université M'hamed Bouguerra. «Cela ne représente rien, vu l'importance de la ville de Boumerdès et de la wilaya en général. Notre ville peut jouer un très grand rôle sur le plan artistique. Elle peut même prétendre partager avec la capitale certaines activités importantes, car elle est tout près d'Alger. Il est temps pour que les autorités se penchent sur ce problème», nous a déclaré un enseignant de l'université M'hamed Bouguerra. En guise de bibliothèque, nous avons une salle de lecture de 40m2 à la cité des 800 Logements. Restent les centres culturels que gèrent en général les APC pour offrir quelques espaces vivants dans ce désert culturel. Mais vu les moyens limités des communes, ils ne se manifestent généralement que timidement se limitant à un apport modeste consistant en des cours de base pour les jeunes en musique, informatique, couture. Mais ce vide a quelque peu été comblé par les diverses activités qu'a abritées Boumerdès ces derniers mois. D'aucuns diront que l'instauration d'une activité aussi importante que le colloque national annuel sur la vie et l'œuvre de Rachid Mimouni depuis l'année dernière a été le prélude à une redynamisation de la vie culturelle dans la wilaya. Timidement ! Le directeur de la culture, qui reconnaît qu'il reste encore un long chemin à parcourir pour mettre Boumerdès sur orbite, énumère à ce titre quelques manifestations que ses services ont organisées ces derniers mois. «Il y a eu le mois du Patrimoine culturel qui a coïncidé avec les festivités de commémoration du Printemps berbère, une semaine culturelle du Sahara occidental ; nous avons rendu hommage à Mustapha Skendrani et célébré le 250e anniversaire de Mozart. A cela s'ajoute la commémoration de Yennayer, faite à Naciria. Sans parler des ateliers de dessin et de théâtre pour enfants à la maison de la culture», résume M. Bekki. «Sur sa lancée, la direction de la culture organisera quasi régulièrement des activités culturelles diverses dans les quatre coins de la wilaya», ajoute-t-il. Sans un calendrier culturel riche et régulier, une ville ne vit que de ses malheurs. Point de distraction et point d'échappatoire face à la routine, à la monotonie, à l'angoisse. Ceux qui ont vécu dans des villes qui vibrent au rythme des activités diverses ne le diront jamais assez : les arts adoucissent les mœurs et permettent une explosion des capacités.