Le nouveau régime au pouvoir à Antananarivo s'est défendu, hier, d'avoir commis un « coup d'Etat », face à la multiplication des condamnations internationales, l'Union africaine (UA) ayant, pour sa part, décidé de suspendre Madagascar de l'organisation. Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA « a décidé de suspendre Madagascar de participation aux institutions et organes de l'Union », a déclaré à la presse, à Addis-Abeba, le président du CPS, l'ambassadeur burkinabé, Bruno Nongoma Zidouemba, qui présidait la réunion du Conseil. « Ce qui s'est passé à Madagascar est un changement anticonstitutionnel de gouvernement » et « peut être interprété comme un coup d'Etat », a ajouté le diplomate, en évoquant le remplacement à la tête du pays de Marc Ravalomanana par Andry Rajoelina. « Si un retour à l'ordre constitutionnel n'intervient pas très rapidement, nous étudierons la possibilité de prendre des sanctions contre les autorités de Madagascar », a-t-il averti. Le prochain sommet des chefs d'Etat de l'UA est prévu en juillet à Madagascar. Mais selon le directeur du département Paix et sécurité de l'UA, Jeffrey Mugumyia, si les dirigeants du pays « ne se plient pas à cette décision (de retour à l'ordre constitutionnel), cela affectera l'hébergement du sommet ». Malgré cette nouvelle condamnation venant après celles, jeudi, de l'Union européenne, de la Communauté économique des Etats d'Afrique australe (SADC) et des Etats-Unis, le gouvernement de M. Rajoelina, fortement menacé d'isolement, cherchait vendredi à ne pas dramatiser la situation. « Nous ne pensons pas que c'est un coup d'Etat. C'est l'expression directe de la démocratie, quand la démocratie représentative ne s'exprime pas à travers les institutions », a déclaré, à Antananarivo, le Premier ministre de transition, Monja Roindefo. « Peut-être que la vision de l'Union européenne est un peu brouillée, on est prêt à s'expliquer. Après cela, nous allons leur demander de reconsidérer leur position », a-t-il poursuivi. Dans un premier temps, ces condamnations « ne nous embêtent pas outre mesure », a affirmé le Premier ministre, ajoutant : « S'ils n'ont pas bien compris le processus, ils ont le droit de réagir. S'ils maintiennent leur position après notre plaidoirie, là ce sera embêtant. » La veille encore, le nouveau pouvoir affichait sa confiance dans sa reconnaissance immédiate par la communauté internationale, préalable au maintien de l'aide, vitale pour l'un des pays les plus pauvres de la planète. « La question n'est plus la reconnaissance, mais la façon dont nous allons diriger la transition », avait déclaré Andry Rajoelina en raccompagnant le nouvel ambassadeur de France à Madagascar, Jean-Marc Châtaigner. Jusqu'à présent, la France —ancienne puissance coloniale et premier bailleur bilatéral d'Antananarivo — a jugé que les 24 mois de transition prévus par M. Rajoelina étaient « trop longs », mais a décidé de maintenir sa coopération. La Haute Cour constitutionnelle de Madagascar a officiellement entériné, mercredi, l'accession au pouvoir de M. Rajoelina. Auparavant, elle avait validé l'ordonnance par laquelle le président Ravalomanana, lâché par l'armée et menacé d'arrestation, avait démissionné en transférant les pleins pouvoirs à un directoire militaire. L'armée, qui avait apporté un soutien de facto à M. Rajoelina, a refusé ce directoire et transmis les pleins pouvoirs au chef de l'opposition, vainqueur d'un bras de de fer de trois mois avec le chef de l'Etat au cours duquel une centaine de personnes ont été tuées dans le pays.