Depuis hier, la nouvelle stratégie américaine en Afghanistan, que l'on disait en gestation, a pris des contours plus précis, puisqu'il s'agit cette fois et rien de moins pour l'armée américaine de se retirer de ce pays qu'elle avait envahi en novembre 2001, juste après les attentats du 11 septembre. Le président américain l'a dit de la manière la plus claire. « Nous ne pouvons pas penser que la seule approche militaire en Afghanistan sera en mesure de résoudre nos problèmes », a-t-il déclaré. « Donc nous visons une stratégie globale. Et il y aura une stratégie de retrait. Il faut avoir à l'esprit que ce ne sera pas une dérive perpétuelle », a-t-il ajouté. Voila donc une perspective qui va dans le sens de demandes de plus en plus pressantes et surtout pour endiguer le flots de mauvaises nouvelles ainsi que les pires prévisions, comme le fait d'aller vers une défaite militaire. Effectivement, même le décalage horaire n'arrange pas les Américains, puisqu'ils se réveillent sur de mauvaises nouvelles sur leur guerre en Afghanistan, ce qui vient s'ajouter aux chiffres de la crise économique et du chômage. Ce qui donne des idées à de nombreux responsables de ce pays, toutes convergeant sur un point, en finir avec cette guerre, tout en évacuant l'hypothèse d'une victoire militaire ou encore comment finir cette guerre que l'on dit perdue presque unanimement dans les rangs de la coalition qui soutient l'armée américaine dans cette guerre qui a donné l'illusion d'être de courte durée avec la chute rapide du régime des talibans en 2001. De ce point de vue, les suggestions ne manquent pas et, là aussi, le point de convergence est la négociation avec ce même régime des talibans. « Seuls les modérés seront intégrés » à un cycle de négociation devenu une forte probabilité depuis que le président américain Barack Obama a mis fin aux certitudes de son prédécesseur, en n'excluant pas une solution négociée. Et c'est ce qu'il vient de décider, mettant fin aux nombreuses incertitudes, jusque et y compris dans les relations avec le Pakistan Cela constitue presque une stratégie intégrant une sortie de crise, le tout allant dans le sens de bien des recommandations. Comme celles de parlementaires américains démocrates et républicains qui ont demandé à Barack Obama de « reconsidérer » la nouvelle stratégie en Afghanistan, qui comprend l'envoi de soldats supplémentaires. « Nous vous prions de reconsidérer une telle escalade militaire », ont écrit les parlementaires affirmant que l'envoi de nouvelles troupes pourrait être « contre-productive ». Le républicain Ron Paul, l'un des initiateurs de la lettre au président, a précisé que « notre but dans cette lettre est d'encourager à la prudence, car nous espérons que la nouvelle administration va s'engager plus dans la voie diplomatique et va travailler avec d'autres moyens que la confrontation militaire ». Décidément bien inspiré, Ron Paul en rajoutera, mais sans être excessif, que l'Afghanistan était une « aventure inutile ». M. Paul s'était opposé à la guerre en Irak en 2003 et s'oppose également à la présence américaine en Afghanistan. « Nous ne devrions pas être en Afghanistan. Il semble que nous n'avons rien appris ». Même sentiment au sein des alliés, lassés de compter leurs morts et il y en a de plus en plus. Et surtout lassés de constater que les talibans organisent aussi des attaques sur les autoroutes qui relient Kaboul au reste du pays. Environ 65% du pays sont sous l'influence des talibans. Et de ce point de vue, Obama s'y est montré extrêmement sensible, surtout par rapport à leur refus de poursuivre, sinon d'augmenter, leur engagement en Afghanistan. Extremely risky Depuis 2005, la violence a augmenté de 550%. Selon l'ONU, la moitié du pays est classé « extremely risky ». En 2008, l'Afghanistan a détrôné l'Irak : plus de morts, plus de violence. Au point que le très sérieux Newsweek n'hésite plus à considérer que l'Afghanistan pourrait être « le Vietnam d'Obama ». Le message se veut très fort, mais il se base sur le fait désormais admis que la mouvance talibane tient les deux tiers du pays ainsi que plusieurs routes d'accès à la capitale. Et plus clairement encore, que après sept ans, rien ne va plus en Afghanistan, que ce soit sur le plan militaire, politique, économique ou humanitaire. Ramener la paix et la stabilité en Afghanistan sera bien plus difficile qu'en Irak. Telle est la conclusion de Richard Holbrooke, celui qui avait mis fin à la guerre en Bosnie à travers les accords de Dayton de 1995, et depuis peu émissaire de la nouvelle administration américaine pour le Pakistan et l'Afghanistan. Au mois d'octobre précédent, soit juste avant le changement à la Maison-Blanche, le chef de l'armée britannique en Afghanistan, le général Mark Carleton-Smith, a dit ce que tout le monde pense tout bas : « Nous n'allons pas gagner cette guerre. » Ce que pensent également les Canadiens persuadés de l'impossibilité d'une victoire strictement militaire. Plus que cela, et alors que la président Obama et des cercles influents de la vie politique en Afghanistan penchent pour une solution négociée, un rapport d'étape sur l'engagement en Afghanistan se montre résolument pessimiste sur la possibilité d'un tel choix, puisque souligne t-il, « rien ne permet encore d'espérer une réconciliation rapide et franche » entre les parties impliquées en Afghanistan. Les rebelles n'ont aucun intérêt à abandonner les combats, selon les experts canadiens, ajoutant que le gouvernement afghan ne peut ouvrir la porte à des négociations avec les talibans et les autres insurgés, puisqu'il se trouve en position de faiblesse. Partir Et comme s'il fallait à tout prix un élément d'appréciation, on se plaît à relever que le gouvernement afghan est à court de passeports, parce que trop d'Afghans fuient le pays. Un sauve-qui-peut qui en dit long sur le pessimisme de la population. Au début de cette année pourtant, le président afghan Hamid Karzai déclarait que son gouvernement prônerait la réconciliation avec les talibans non liés à Al Qaïda afin de stabiliser le pays et stopper l'insurrection. « Les élections à venir en Afghanistan représenteront une chance appréciable de donner un nouvel élan au calendrier de la réconciliation », a-t-il dit en évoquant le scrutin présidentiel de l'été prochain. Le président afghan, qui achève son mandat, est accusé de diriger un gouvernement rongé par la corruption, une corruption qui dépasse « le seuil culturellement acceptable », selon un haut responsable américain, encore qu'il faille dire ce qu'est ce « seuil culturellement acceptable », supposer qu'il y en ait un. Mais cela vaut en quelque sorte condamnation à l'approche de la présidentielle qui devrait se tenir le 20 août prochain. Même le secrétaire général de l'OTAN a épousé l'air du temps. « La réconciliation, ce n'est pas notre travail ni notre responsabilité. Il est évident que dans tout conflit, à un certain point, il y a une solution politique qui passe par la réconciliation, mais c'est un domaine réservé au gouvernement et au président afghans », a-t-il dit. Voilà donc un autre appui à une sortie de crise qui fait de plus en plus consensus, sauf en ce qui concerne l'autre partie, c'est-à-dire les talibans qui pourraient ne pas se sentir concernés, soit opposer une fin de non recevoir. Ce qui contraindrait alors les Américains et leurs alliés à revoir leurs plans. Et dire qu'il y en a parmi eux qui fixent déjà une échéance, la communiquant même à leurs opinions publiques. Une manière de décréter la fin de la guerre... unilatéralement. Que deviendra alors l'Afghanistan ? Obama se garde de le faire.