Cet Etat de droit se fonde ainsi sur une telle loi fondamentale ou constitution destinée à l'origine, essentiellement à limiter le pouvoir discrétionnaire de la personnalité du roi, et de celle du chef en général, par la suite, afin de mieux responsabiliser le citoyen libre. Ce citoyen libre, donc responsable, ne sera plus le sujet assisté permanent et manipulable à merci, ne déplaise à ses rois et chefs. Car il prend de plus en plus conscience de ses droits émanant de la légitimité liée à la souveraineté nationale qui lui appartient en tant que peuple et qu'il exerce directement par la voie du référendum ou par l'intermédiaire de ses représentants. Le premier de ces droits lui permet de s'autodéterminer librement, à tout instant, afin de prendre en charge son propre destin et contribuer aux destinées de son peuple et de l'humanité, d'une façon cohérente et volontaire. Censé réduire les abus de pouvoir qu'il convient de criminaliser le cas échéant, sur la base irremplaçable du droit à la vérité et à la justice équitable, en défense de la citoyenneté, l'Etat de droit, à l'aspiration duquel notre peuple a consenti tous les sacrifices d'une longue guerre de résistance libératrice et continue de résister, a été tout simplement empêché d'émerger. Car, dès la naissance de l'Etat algérien, en 1962, des intérêts et ambitions égoïstes se sont imposés par la violence, la ruse, l'habillage mensonger et l'amalgame, causant ainsi la tare congénitale et héréditaire d'ordre éthique politique, aux conséquences tragiques et ruineuses que nous ne cessons de vivre, de rejeter et de prévenir au niveau de la causalité. La mission constitutionnelle qui consiste à garantir le respect, mutuel et environnemental, par les bénéfiques rapports interhumains, entre gouvernants et gouvernés, est consacrée dans les dispositions de la loi fondamentale. Ces dispositions sont normalement négociées entre les représentants des diverses sensibilités politiques, anthropologiques, philosophiques, culturelles, sociales, sans exclusive. Après des débats publics convaincants, cette loi sera adoptée ou rejetée par la quasi-totalité de la population, démocratiquement, dans la transparence et en adéquation avec l'éthique, la bonne éducation et les valeurs universelles de l'humanité en perpétuelle transformation. Il est donc logique de s'attendre à ce que cette transformation aboutisse normalement soit à une évolution, soit au contraire à une involution ; car qui n'avance pas recul. C'est cette involution dans la pratique de la démocratie que nous constatons malheureusement dans notre pays à travers la paradoxale persistance du statu quo du régime politique. En effet, ce régime politique ne travaille que pour assurer la pérennité du système de pouvoir en place et jouir des diverses prébendes associées, grâce à sa maîtrise de la technique du «changement dans la continuité», de «l'alternance clanique», des «coups d'Etat scientifiques», des «redressements» et «normalisations» forcés, aussi antidémocratiques qu'anti-éthiques. En contradiction flagrante avec la diversité des capacités humaines et matérielles du pays, cette paradoxale stagnation ou involution est une réalité qui se laisse constater dans la vie politico-militaire algérienne, notamment malgré les apparences. En effet, le même système politico-militaire qui s'est imposé par la violence, en 1962, au nom de l'intérêt national, continue d'exercer les pouvoirs de l'Etat, autoritairement, dans la contradiction, la non-transparence, l'impunité et avec la même mentalité antidémocratique de la ruse et de la manipulation tous azimuts. Ce système a certes réalisé des mues claniques, durant plus de quatre décennies, mais au prix, hélas, d'inadmissibles luttes par populations interposées. Ces mues se sont réalisées au bonheur des intérêts des multinationales et de leurs relais, nouveaux riches et puissants, mais aussi au détriment des libertés démocratiques citoyennes arbitrairement disqualifiées, sous le couvert d'une «démocratie spécifique» et «populaire», après l'échec désastreux d'un «socialisme spécifique», digne d'une «République des camarades». Ce système n'a donc d'autre souci dominant que sa propre pérennisation, grâce à l'agrément qu'il accorde à un pluralisme de façade constitué d'associations et d'institutions clientélistes, clonées avec les mêmes tares congénitales suscitées que renferme le moule de la même pensée unique. Cette même mentalité avait prévalu, nous nous en souvenons, sous la menace de la peur que révélaient les cris de la population, «sept années de guerre, ça suffit», lors du coup d'Etat de 1962 et suite à la rédaction de la première Constitution algérienne en 1963, par la commission de ce même parti politique à facettes multiples s'adaptant au clan ou à l'homme fort du moment, malgré l'opposition lucide de quelques célèbres initiateurs de la grandiose Révolution de novembre 1954. Nous pouvons affirmer, judicieusement, que cette mentalité tarée a fatalement prévalu, tout au long des trois amendements introduits successivement en 1976, 1989 et 1996. Elle bénéficie, chaque fois, de la bénédiction, non seulement de la présidence de la République, mais aussi de celle de ses institutions satellites, évidemment, sans compter l'appui décisif de la propagande clientéliste officielle, du truquage préélectoral, de la fraude massive dans tous les scrutins, et sans oublier le fonds de commerce de l'amalgame et de l'habillage politicien. Ce qui justifie le fait que toutes ces tares originelles se retrouvent dans la mentalité des responsables de la majorité des associations agréées et institutions de déontologie et autres élites soumises. C'est dire que la majorité de ces dernières est en train de scier la branche sur laquelle elles sont assises, tant elles sont coupées de la masse populaire de la base désabusée dénombrée dans l'abstention massive par son renoncement dissident au droit de vote politique idéologique. Ces tares originelles de l'exclusivisme sont habillées par le double amalgame suivant : Premièrement, l'amalgame autour de l'unicité. Il s'agit de l'amalgame réalisé fallacieusement entre, d'une part, l'unicité politique légitime du Front de libération nationale, exigée par la logique stratégie de guerre de Abane Ramdane qui a tenu à fusionner au sein de ce seul Front, les différentes sensibilités politiques ou culturelles nationalistes existantes, et, d'autre part, l'unicité politique illégitime que s'est octroyée arbitrairement, la sensibilité armée dominatrice, dès la libération de la patrie, en 1962. Cette illégitime unicité, qui lui octroie le monopole de l'exercice de la politique, sera remise en question par la sanglante révolte populaire d'octobre 1988. En effet, cette révolte historique a entraîné, à travers «l'agrément» de plusieurs autres «partis uniques» et la «reconnaissance» des rares partis activant dans la clandestinité, la perte apparente de ce monopole exercé par le parti unique, dit du FLN. Deuxièmement, l'amalgame autour du sigle FLN. Amalgame déloyal et immoral que ce Parti politique né en 1962 entretient encore impunément, en s'attribuant l'exclusivité du nom originel du Front de libération nationale de 1954, lequel est en réalité un patrimoine collectif indivis et une fibre du cœur de chaque citoyenne et de chaque citoyen patriote au-delà de la couleur politique et de la condition culturelle ou sociale de chacun. A cet habillage intellectuellement malhonnête, s'ajoute l'antidémocratique quadrillage de la population par le truchement des organisations de masse, des fameuses familles révolutionnaires, d'institutions et d'associations, toutes alléchées par les privilèges matériels que procure, entre autres, la discutable «invention» du système au pouvoir de l'Etat, c'est-à-dire l'immorale «attestation communale». A la Constitution de 1963, ont succédé trois autres, par révision, suite à des coups d'Etat ou à des changements de tactique politique de la pensée unique. Tout au long de ses 44 années de pouvoir, un arsenal juridique a été promulgué, avec l'esprit de permettre à l'Administration de l'Etat de jouer le rôle ambigu et récusable de juge et partie, au détriment de la citoyenneté souveraine exposée à la répression officielle. Ce pouvoir ne renferme pas la volonté politique, affichée cependant dans le titre RADP et dans les discours officiels, de promouvoir la dynamique démocratique à l'aide de mécanismes légaux efficients en faveur de la responsabilisation des citoyens et de leurs représentants élus. De cet arsenal juridique obsolète, citons par exemple, l'ordonnance du 6 mars 1997, portant loi organique sur le régime électoral, dont les articles 88 et suivants stipulent que les trois juges de chaque circonscription électorale, chargés d'arbitrer la compétition électorale ou référendaire, sont nommés par le ministre de tutelle, le ministre de la Justice. Or ce dernier participe, à la fois, en tant que concurrent dans la compétition et comme employeur gérant la carrière professionnelle de ces juges ; d'où la probabilité du risque de décrédibiliser les résultats dans une telle situation, sauf la probité indiscutable de la majorité des magistrats. La désignation ou bien l'élection autonome de ces juges par leurs pairs, par exemple, aura été plus crédible car plus neutre, donc éthique. La crédibilité des résultats du vote au suffrage universel est également altérée par la loi sur «l'état d'urgence» en vigueur, autant que par la «politique du tout sécuritaire» ou celle «de la carotte ou le bâton» ou enfin celle de «la restauration de l'autorité de l'Etat» alors qu'ici, il devrait plutôt s'agir de la «restauration de souveraineté citoyenne» bafouée autant par la «mafia politico-financière» que par la «couche des affairo-bureaucrates». Il n'est donc pas étonnant que la mentalité du clan fondateur de l'association mère, à caractère politique, imposée en 1962 comme parti unique de couverture, ayant pris en charge l'élaboration et l'adoption de la 1re Constitution de 1963, puisse guider aujourd'hui, en 2006, la reconduction de l'initiative quant au «projet» de révision de la Constitution 1996 en vigueur. Ce qui révèle, simplement et impunément, la transmission de la même tare de l'exclusivisme propre à la pensée unique sous-tendue, nécessairement, par les privilèges liés à la rente et au pouvoir discrétionnaire auto attribué abusivement à tout arriviste au poste de chef ou de président. Je dois reconnaître que ce régime a réussi, indépendamment de toute constitution nationale, à pérenniser le système de pouvoir en place durant 44 années, c'est-à-dire durant la vie active d'une personne. Mais cette réussite a fait que la majorité de l'élite, des forces vives et des citoyens de notre pays, a vécu le genre de vie qui lui a été officiellement imposé au lieu de celui qu'elle aurait construit librement. Car l'autoritaire, «c'est à prendre ou à laisser», officiel a réussi, en définitive, à marginaliser cette majorité, à la détourner du bien général qu'elle aime et à l'écœurer d'elle-même. Devant ces constats vécus par la majorité d'entre nous en fonction des époques et des circonstances, certes, dominées par ce qu'on appelle «la tragédie nationale», nous devons faire une pause de raison et de réflexion collective afin d'en tirer les leçons et de nous poser la question cruciale suivante : est-il plus raisonnable dans ces conditions de se limiter à une 4e révision de routine d'une constitution tarée congénitalement car portée par la mentalité destructrice de la pensée unique, plutôt que de la changer radicalement par le truchement d'une saine Constituante ? En mon âme et conscience, j'estime qu'il est opportun et bénéfique pour la nation, la démocratie et l'Etat de droit, que le système de pouvoir en place ait enfin la sincère volonté politique de créer les conditions favorables à l'émergence d'une nouvelle Constituante, dont la mentalité saine et désintéressée garantira la véritable alternance pluraliste démocratique. Cette alternance est la seule solution politique maintes fois supplantée, hélas, par des fuites en avant grosses de tous les dangers ; elle demeure la seule capable de sceller la rupture radicale et de stimuler démocratiquement le patriotisme économique, scientifique, culturel et éthique de l'Algérien. La simple ouverture légalisée du libre accès aux médias audiovisuels et à la presse donnera la parole pour arracher la vérité, par devoir de pédagogie, de lucidité et de solidarité. La libre expression citoyenne des opinions politiques contraires, de l'argumentation contradictoire, de l'esprit cartésien et de l'intelligence critique, est salutaire pour la citoyenne et le citoyen jaloux de leur droit à une information libre, variée et objective afin d'arrêter leur choix en connaissance de cause. Il est donc temps que le système de pouvoir de l'Etat se ressaisisse et renonce aux fausses solutions de replâtrage pour engager enfin un réel dialogue franc et transparent, dans le calme et la sérénité, sans exclusive ni précipitation, à l'échelle nationale ou même internationale dans ce monde globalisé. Il est donc opportun de réunir les représentants, élus ou désignés par leurs pairs et appartenant à toutes les sortes de différences mutuelles qui font la richesse anthropologique et philosophique de notre peuple, afin qu'ils s'organisent en Assemblée constituante nationale souveraine indépendante et représentative. Cette formule est la plus répandue et la plus conforme aux normes et aux principes démocratiques universels. L'apport technique des experts en droit constitutionnel et en sciences humaines valorisera l'élaboration juridique, sociale et politique d'une telle constitution nationale, laquelle consacrera définitivement la souveraineté du peuple sur son Etat qui se mettra à son service sur son territoire enfin libéré. C'est la meilleure méthode qui permet à chaque citoyen de se retrouver dans cette constitution nationale du peuple, d'espérer et de s'épanouir par le travail honnête revalorisé à sa juste valeur, dans sa propre patrie et dans le cadre de nouvelles lois modernes constitutionnelles. C'est, subséquemment, la meilleure procédure qui permet au peuple de contrer la néo-colonisation et le «trabendo» ou marché noir parasitant toutes les disciplines. Ainsi, le peuple pourra mieux garantir la paix durable et la réconciliation, par la prévention active de la violence d'où qu'elle vienne, c'est-à-dire toute récidive éventuelle de «la tragédie nationale» que des apprentis sorciers tentent de greffer, d'une manière injuste, aventurière et incompatible, au terrorisme international. Ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ? L'auteur est Docteur