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«El harga est devenue une filière de trafic humain»
Publié dans El Watan le 28 - 04 - 2007

Il ne se passe pas un jour sans que la presse ne fasse état de harraga ayant pris le large dans l'espoir de rejoindre l'autre rive. Quelle lecture faites-vous de ce nouveau mode migratoire ?
C'est, en effet, un sujet d'une brûlante actualité qui est en train de prendre des proportions dramatiques. La question qui s'impose d'emblée c'est : qu'est-ce qui fait courir ces jeunes ? Parce que avant de partir, il y a une décision qui se forme. Comment se forme-t-elle ? Pourquoi les jeunes arrivent-ils à songer à partir un jour ? Le constat que nous avons fait, exploratoire, c'est qu'il n'y a pas que les jeunes issus des classes défavorisées qui tentent de partir. Aujourd'hui, ce fléau touche l'ensemble des catégories de jeunes, avec, il est vrai, des proportions plus ou moins importantes parmi ceux issus des classes défavorisées.
Vous voulez dire que cela touche aussi ceux issus des classes moyennes, voire aisées ?
Tout à fait. Nous entendons régulièrement des témoignages sur tel ou tel jeune qui «ne manquait de rien». C'est l'expression qui revient.
Un jeune qui avait un travail, qui tenait parfois la boutique du papa ou un commerce, et qui, pourtant, est parti. Cela paraît inimaginable.
Des observations et surtout les entretiens que nous avons eus par-ci, par-là, avec des jeunes qui ne sont pas partis, mais qui ont cette idée de partir, il ressort que ces jeunes veulent raccourcir le temps par l'émigration. Ils ne veulent pas seulement trouver un emploi, avoir un véhicule et améliorer leur condition de vie, ils veulent plus que cela. Lorsqu'ils voient dans leur pays des fortunes amassées dans un laps de temps très court, ils s'interrogent sur le moyen le plus rapide pour eux de faire comme les autres, c'est-à-dire accumuler de la richesse à leur tour. Ce n'est pas uniquement la recherche d'un travail qui les anime, mais la fuite de ce qu'ils appellent la «malvie». Ils vivent par procuration, à travers la télévision, en substituant le rêve à la vie réelle, et à un certain moment, ils veulent réaliser ce rêve.
Ils ne veulent plus rester au stade
du fantasme…
Absolument. Ils veulent le réaliser et aller au bout de ce fantasme. Comment ? Eh bien, en partant chercher cette forme de vie, cette forme de dynamisme en quelque sorte parce qu'ils se considèrent comme étant inertes, ils n'évoluent pas, ils n'apprennent rien, ils restent les mêmes, surtout lorsqu'ils se projettent dans l'avenir.
Ne seraient-ils pas à la recherche d'un «style de vie» ?
Ils cherchent effectivement un nouveau mode de vie. Ils ne cherchent pas nécessairement à avoir un boulot. Ils cherchent quoi en fin de compte ? Ils cherchent une autre forme de vie. Une autre forme de culture, d'autres formes de liberté. D'autres formes d'accomplissement parce que nos jeunes sont pleins d'énergie et de dynamisme, ils ont plein de créativité, mais tout leur paraît lié à un système. Et pour qu'ils puissent s'accomplir, il faut que le système le leur permette. Ils voient en face d'eux certaines catégories évoluer et s'accomplir, et eux non.
Lorsqu'on regarde les référents traditionnels de l'école, c'était l'ingénieur, c'était le médecin, c'était l'universitaire. Aujourd'hui, allez poser la question à nos jeunes, ils vous diront les études ne paient plus.
Quelles sont les nouvelles références de ces jeunes ? Ce sont les businessmen.
Ce n'est pas dans le sens classique du terme, c'est-à-dire le créateur de richesses mais c'est celui qui s'est débrouillé dans le système, à l'intérieur du système, en manipulant le système, avec à l'appui, un capital relations, des gens puissants qui lui ont permis d'accéder à la richesse dans un laps de temps très court, en somme, des spéculateurs. Mais eux, ils ne disposent pas de ce capital.
L'on constate que les pays de destination ont souvent des politiques migratoires répressives, couplées à un discours sécuritaire intransigeant. Comment analysez-vous l'impact de ces dispositifs hermétiques ?
Lorsqu'il n'y a pas de politique migratoire, tout devient aléatoire. Et c'est cette situation précisément qui fait courir nos jeunes. En Italie, en Espagne et en France, le discours officiel exclut toute régularisation, sous la pression de la communauté européenne, mais d'un autre côté, on constate que, sous le diktat de leur patronat surtout, pour réduire la pression sur les salaires, ou sous la pression de certains secteurs qui sont désertés par la main-d'œuvre nationale, à quoi il faut ajouter le facteur du vieillissement de la population, et parfois aussi, par la volonté de profiter d'une main-d'œuvre formée, qualifiée et bon marché, parce que parmi ces jeunes, il y a aussi des universitaires, il y a des gens qui partent avec des formations…
Ce que Sarkozy appelle «l'immigration
choisie»…
Voilà, et avec un moindre investissement. Ainsi, au même moment où l'Europe incite les Etats émetteurs de main-d'œuvre à freiner l'émigration vers les Etats européens, l'Espagne déclare avoir un besoin de 4 millions d'immigrants, l'Italie en régularise de temps à autre 200 à 300 000, la France fait la même chose.
Des régularisations par à-coups, avec l'aide du secteur associatif. Face à cela, est-ce que le traitement sécuritaire de l'émigration dans les pays du Sud suffit ? Il ne suffit pas. Parce que ces déclarations de régularisation et ces effets d'annonces sont incitatifs et donnent à chaque fois un nouveau souffle à l'immigration clandestine.
On évoque de plus en plus le cas de jeunes filles, des «harragate», qui ont tenté elles aussi l'aventure. Comment interprétez-vous ce phénomène ?
Les filles font elles aussi partie de ces jeunes. Je suis enseignant et j'ai dans l'amphi plus de 70% de filles. Si les chiffres dont je dispose sont exacts, en Algérie, il y a sept filles en âge de se marier pour un homme. Ça vous donne une idée sur la disproportion de la composante démographique de la population jeune algérienne.
Ce qui explique que les universités soient pleines de filles. Il y a ainsi un effort considérable de fait pour la liberté de la femme. Les femmes travaillent de plus en plus, elles sont appelées à occuper des postes et à rêver d'une vie meilleure. Ça nous paraît bizarre qu'une fille pense à l'émigration, cela parce qu'il y a la tradition qui pèse encore de son poids.
Mais comme dans tous les domaines, il y a des pionnières dans celui-là aussi.
Il semblerait qu'il y ait un «business» qui s'est greffé sur le phénomène des harraga. Comment décrypteriez-vous ce «business» ?
Dans le phénomène de «el harga», il y a eu des éclaireurs. Les premiers départs sont passés inaperçus. C'est le petit cercle de jeunes qui informaient sur leurs copains qui sont partis. Après, cela a pris de l'ampleur si bien que la «harga» est devenue pratiquement une entreprise.
Une entreprise qui nécessite des moyens, des ressources humaines et des capitaux. Et qui nécessite aussi une organisation et une rationalisation. Avant de partir, les jeunes prennent le temps de s'informer sur le type de moteur qu'il faut acheter, quel type de barque, quel est le point de départ sur les côtes algériennes le plus proche… Ils se renseignent aussi sur les guides qui connaissent la mer, de quels outils de navigation disposent-ils, ont-ils une idée sur le dépannage des moteurs et ainsi de suite. La connaissance de la météo se fait par Internet, donc ils utilisent aussi les moyens les plus modernes pour se préparer.
Peut-on parler de «trafic humain» dans la mesure où il existe des filières entières pour organiser ces flux migratoires ?
Pour l'instant, on parle des petites embarcations et même là, il y a un trafic humain parce que, moi, je considère qu'il y a trafic humain à partir du moment où il y a tolérance d'emploi de main-d'œuvre non déclarée.
Donc, les capitalistes, les entreprises, les fermiers, etc., qui abusent de cette main-d'œuvre, sont déjà des trafiquants de la force humaine. Ils encouragent les jeunes à prendre la mer et le danger de mort qui l'accompagne.
Maintenant, on entend effectivement de plus en plus parler de gens qui investissent carrément dans l'immigration clandestine. On a ainsi entendu parler de chalutiers, de sardiniers qui travaillent avec des chalutiers et des sardiniers espagnols. Avec l'aide de ces pêcheurs espagnols, de faux marins pêcheurs sont débarqués sur l'autre rive.
Il s'agit de filières organisées. Certainement, ces réseaux n'activent pas que dans le milieu des pêcheurs. Ces réseaux ont des ramifications jusque dans l'administration des pays de destination, avec la complicité des personnels de sécurité qui aident ainsi ces faux marins à transiter par leur territoire et faire même leurs papiers. C'est carrément des réseaux mafieux. Face à cela, allez dissuader nos jeunes de partir.
Vous suggériez que c'est cette jeunesse et sa vigueur qui irriguent le corps du «capitalisme blanc». Cette formidable énergie est censée donc être un avantage dans la vie d'un pays, d'une nation. Or, chez nous, on parle de plus en plus de nihilisme juvénile. Nous avons le sentiment que nos jeunes sont ballottés entre «el harga», l'émeute et le maquis.
Finalement, est-ce que ce capital jeunesse n'est pas une «malédiction» ?
Moi, je ne suis pas du tout fataliste. Mais force est de constater qu'il n'y a pas une réelle volonté politique pour traiter le «mal-vivre» de nos jeunes. A titre d'exemple, il n'y a qu'à voir les dispositifs d'emploi qui sont créés.
Tous ces dispositifs nécessitent des garanties ; garanties que nos jeunes n'ont pas.
Y aurait-il une rupture entre la jeunesse et les élites politiques ?
Il y a effectivement une rupture avec les élites politiques. Est-ce qu'il y a par exemple un parti politique aujourd'hui qui soit capable de rassembler autour de lui la jeunesse ? Et est-ce que les jeunes aujourd'hui s'intéressent à la chose politique ? Ça aussi c'est très important. Qui aide ces jeunes à prendre conscience de leur condition ? Cette rupture est dangereuse, si bien que nos jeunes ne se considèrent pas comme appartenant à un Etat, à une société. Ils n'ont plus confiance en aucun discours politique, quel qu'il soit.
Nos jeunes s'intéressent plus aux élections en France parce qu'en France, on parle de l'immigration, on parle d'eux, en tant qu'immigrants potentiels. Ils guettent les partis politiques qui sont pour la régularisation. Même ceux qui ne sont pas encore partis se projettent déjà comme des candidats au départ. Ils se projettent déjà dans la vie en France.
Qu'en est-il de l'apport de la recherche pour mieux comprendre nos
harraga ? Le CRASC n'envisage-t-il pas quelque chose dans
ce sens ?
Il y a une équipe au sein du CRASC qui va s'atteler à l'animation d'un laboratoire de recherche dans ce sens. En même temps, nous allons tenter d'impliquer les Européens dans cette tâche, car qui dit immigration, dit un départ et une arrivée. Nous souhaitons vivement qu'ils s'impliquent dans ce projet qui sera initié d'ici janvier 2008.
Nous souhaitons aussi que l'Europe fasse suffisamment de pression sur ses Etats membres pour dessiner une politique claire vis-à-vis de l'immigration. Il faut que les Etats européens cessent de donner des faux espoirs à nos jeunes en les appâtant par des régularisations aléatoires. Dans l'étape actuelle du développement du capitalisme, je préfère une politique des quotas, je préfère une politique d'immigration sélective que l'absence de toute politique qui mène nos jeunes au drame et endeuille nos familles, et qui provoque une saignée dans le corps de l'Algérie.


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