Etiez-vous destiné à faire ce que vous faites actuellement ? J'ai préparé, à mes propres frais, cinq diplômes postuniversitaires en France et aux Etats-Unis d' Amérique car je pensais que la recherche était ma destinée et l'enseignement universitaire ma vocation. La diplomatie algérienne d' abord et maintenant l'Organisation des Nations unies m' ont offert la chance unique de faire de la recherche d' une autre manière tout en bénéficiant de l'apport de la pratique diplomatique et de l'expérience intergouvernementale. Ma rencontre avec la diplomatie algérienne s'est faite de manière fortuite et cela a été un coup de foudre instantané. Je dois ce coup de foudre à des hommes qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes pour cette institution prestigieuse et pour lesquels la diplomatie était plus qu'un simple métier, mais un combat permanent au service d'une Algérie radieuse et rayonnante au sein du concert des grandes nations de ce monde. Quelles sont les différentes étapes franchies avant d'occuper le poste de secrétaire exécutif ? J' ai eu l' insigne honneur de servir la diplomatie algérienne à la centrale et en poste, en particulier à New York à la mission permanente d' Algérie auprès de l' Organisation des Nations unies. En tant que représentant de mon pays, j' ai eu le privilège de vivre tous les moments forts de la diplomatie multilatérale pour le développement durable et j ai été à ce titre le rapporteur général du comité préparatoire du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro. J' ai également été vice-président du Comité de négociation de la Convention sur les changements climatiques et aussi de celui sur la lutte contre la désertification. J'ai eu aussi l'insigne honneur de servir dans le cabinet de trois ministres des Affaires étrangères et j'ai été également conseiller en matière d'environnement auprès du chef du gouvernement. Ce passage à la Primature, au demeurant de courte durée, m'a conduit aux Nations unies. En tant que fonctionnaire international, j'ai occupé les fonctions de sous-directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l' Environnement et directeur au titre du PNUE du Fonds mondial sur l' Environnement. A ce titre, j'ai pu développer un portefeuille comprenant plus de 600 projets d' une valeur de plus d' un milliard de dollars executés dans 150 pays. J'ai présidé à la mise sur pied d'une équipe multidisciplinaire comprenant plus de 120 fonctionnaires de 53 nationalités différentes. Cette réalisation marquante pour une organisation comme le PNUE conçue comme organisation normative et non pas opérationnelle et de surcroît localisée à Naïrobi, dans un pays en voie de développement, a valu la reconnaissance du Secrétaire général des Nations unies qui a bien voulu m'honorer en m' octroyant le prix des Nations unies du meilleur gestionnaire. L'une des grandes satisfactions de ma carrière onusienne est de voir des mythes et des préjugés nourris à l'encontre de mon pays et de son élite s'effriter au contact des collègues appartenant à des pays hautement industrialisés que j'ai eu à diriger. Depuis janvier 2006, j'ai eu l'insigne honneur d'être désigné comme sous-secrétaire général des Nations unies en charge de l' une des trois conventions de Rio. Ce parcours atypique dans les rouages onusiens, je le dois d'abord et avant tout à la grande école de la diplomatie algérienne. Qu'est-ce que la diversité biologique ? La diversité biologique est le résultat de millions d'années d'évolution de la vie sur Terre. Elle représente l'ensemble des formes de vie sur Terre. Les écosystèmes fournissent les besoins essentiels de la vie, protègent des catastrophes naturelles, des maladies et représentent l'assise même de la culture humaine. La biodiversité c'est tout simplement tout ce qui fait la vie sur Terre. Malheureusement, cette vie sur Terre est menacée. En effet, la perte de la diversité biologique a atteint des degrés inégalés, érodant les capacités des écosystèmes à continuer à fournir les biens et services indispensables à la vie sur Terre. Jamais, depuis son apparition sur Terre, l'homme n' a détruit sa base de vie comme durant les cinquante dernières années. Une étude scientifique réalisée par 1395 experts appartenant à 95 pays dénommée l' Etude des écosystèmes du Millénaire a démontré que les deux tiers des écosystèmes de notre planète sont dans un état avancé de détérioration. Les pressions exercées du fait des activités humaines sur les fonctions naturelles de la planète ont atteint un tel degré que les capacités des écosystèmes à répondre aux besoins des générations futures sont désormais sérieusement, et peut-être irréversiblement, compromises. Chaque heure, trois espèces, résultat de plusieurs milliers d'années d évolution, s'éteignent. Chaque jour, 150 espèces subissent le même sort. Chaque année, près de 50 000 espèces disparaissent. Ces espèces font partie de la toile de la vie et ont un rôle essentiel à jouer dans le fonctionnement des écosystèmes. Depuis la nuit des temps, l'homme a utilisé plus de 7000 espèces de plantes pour satisfaire ses besoins. Aujourd'hui, 150 plantes seulement sont utilisées et la majorité d'entre nous utilise 12 espèces seulement. Jusqu' à un passé récent, la couverture forestière de la planète représentait 47% de sa surface terrestre. Aujourd'hui, cet écosystème essentiel a disparu totalement dans 25 pays et à concurrence de 90% dans 27 autres pays. Chaque année, plus de 13 millions d' hectares de forêts disparaissent. Or, les forêts tropicales abritent 80% de la biodiversité de la planète. Le réchauffement climatique a déjà été identifié comme une cause majeure de la perte de la biodiversité de la planète. Ces statistiques macabres ont fait dire à certains experts que nous sommes à la veille de la sixième extinction globale des espèces, peut-être la plus grave mais certainement la première à être provoquée du fait de l'homme. Que vous inspirent les changements climatiques ? Le 17 avril dernier, le Conseil de sécurité des Nations unies a tenu une séance présidée par le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni sur la question des changements climatiques. C'était la première fois de son histoire que le Conseil de sécurité consacrait ses débats à une question environnementale. En 2004, le prix Nobel de la paix a été octroyé pour la première fois de son histoire à une environnementaliste, le professeur Wangari Maathai. C'est que la question de l' environnement a atteint un tel degré de gravité qu' elle relève désormais des questions de paix et de sécurité internationales. La question des changements climatiques n'est pas seulement une question énergétique ou technique, c'est aussi une question environnementale avec une dimension sécuritaire évidente. Le Royaume-Uni est un pays insulaire membre du groupe des 8 pays les plus riches. L'élévation du niveau de la mer du fait de la fonte des neiges met en péril l'existence de plusieurs petits pays insulaires et la plus grande armée du monde restera impuissante face au déferlement de cette nouvelle menace. Le Président de Tuvalu a demandé l'asile des 10 000 citoyens de son pays en tant que refugiés des changements climatiques. Ils seront plus de cent millions en Afrique seulement à appartenir à cette catégorie d' ici la fin du siècle. Le développement durable est la nouvelle appellation de la paix et la dégradation de l'environnement la nouvelle menace sur la paix et la sécurité de notre planète. Que doit faire la communauté internationale pour endiguer ce phénomène ? Les Etats doivent respecter leurs engagements contractuels consacrés dans les accords multilatéraux sur l'environnement et en particulier les Conventions dites de Rio. Les autorités locales se doivent de s' engager dans la traduction de ces engagements dans la réalité du vécu collectif des nations. Le secteur privé doit apprendre que le futur durable du marché national et international de demain devra être respectueux de l' environnement. Le business vert c'est le business de demain. L'éducation du public et surtout de la jeunesse est essentielle dans cette bataille. La Terre est malade et nous n'en sommes pas conscients. Chaque citoyen de notre planète se doit de repenser sa relation avec la nature et ses services. C'est un combat de tous, à tous les niveaux et de tous les instants. Lorsqu' il s'agit de la protection de la vie sur Terre, nul ne peut se permettre le luxe d'adopter une attitude d' observateur. On doit tous s'engager dans cette bataille pour la vie sur Terre qui est l' objectif même de la Convention sur la diversité biologique.