Tamazight di Lakul ! », « Tamazight di l'APN ! », « Assa azzeka tamazight tella tella »… Ces slogans qui ont bercé notre jeunesse et cristallisé notre combat pour l'identité nationale des années durant, sonnent aujourd'hui comme des barbarismes dans un contexte où le reniement, l'amnésie et la cupidité tiennent lieu de repères. Le fait est que 29 ans après, le printemps n'est pas forcément plus beau pour cette langue et cette culture millénaires. Sauf à vouloir prendre les vessies pour des lanternes, les sacrifices des événements d'avril 1980 puis ceux de la grève du cartable en 1994 et enfin l'expédition punitive d'avril 2001 ont été dilapidés. Maigre moisson que cette folklorique tranche horaire en tamazight abusivement appelée « chaîne de télévision » servie en pleine campagne électorale… Force est de constater, hélas, que les pouvoirs successifs n'ont pas lâché prise sur une revendication portée par des millions d'Algériens. Mis à part ce statut de langue nationale, la promotion tant chantée de tamazight demeure un vœu pieux. Enfermée depuis 1996 dans un commissariat (HCA) aux modestes attributions, qui plus est marginalisé dans le paysage institutionnel, cette langue a fini par être broyée dans la machine du système. La rue qui a longtemps porté cet idéal démocratique pour le faire accepter pacifiquement à tous les Algériens a perdu la main au profit d'une institutionnalisation qui l'a plutôt embrigadé. Le régime a opportunément saisi la décrue de la ferveur populaire et même politique pour donner le coup de grâce à une revendication porteuse de dangers… démocratiques. « Tamazight di Lkomissaria » L'enseignement de tamazight qui devait lui ouvrir des perspectives de promotion et de développement s'est avéré n'être qu'un expédient pour absorber une détermination citoyenne jusque-là sans failles. Le caractère facultatif de l'épreuve de tamazight et sa transcription à géométrie variable selon la région ont fini par produire un désintérêt des apprenants, y compris dans les localités berbérophones. Passons sur les souffrances des enseignants en tamazight qui ont dû galérer avant d'accéder au grade d'enseignant à part entière. Que dire alors des chantiers scientifiques telles la standardisation de la langue, la transcription ou encore la fameuse académie de langue berbère, dont a vaguement parlé Bouteflika en 2009… ! La constitutionnalisation de la langue tamazight n'a également pas – ironie du sort – profité à sa promotion. Cette concession n'a finalement servi qu'à dépolitiser une revendication à très forte capacité de mobilisation populaire. Depuis que les autorités se sont occupées de la « tâche », tamazight est en effet retombée dans la banalité, dans le folklore. Pendant ce temps, le pouvoir s'est employé à dévitaliser la cause en « recrutant » certains animateurs pour en faire des avocats zélés d'un nouvel ordre établi « berbèrement » correct. D'autres, de guerre lasse, se sont mis à l'écart. Ce travail de sape et d'usure conjugué à une réorientation politique du discours des partis ayant pignon sur rue en Kabylie, vers des questions plus « nationales » (le traitement de la crise sécuritaire notamment) a eu raison de la fougue des années 1980 et 1990. Vingt-neuf ans après le printemps berbère, tamazight qui fut la matrice du combat démocratique est reléguée à un décor folklorique servant à soigner la façade du système.