L'entraîneur d'Arsenal, Arsène Wenger, souffre de son palmarès international vierge, un vide auquel il entend y remédier en Ligue des champions, où il se déplace chez son vieux rival Manchester United, ce soir, en demi-finale aller. « Cela manque à mon CV. Je vais me battre dur pour l'avoir », a déclaré le Français, seul des entraîneurs actuels du « Big Four » à n'avoir jamais remporté le titre majeur du football de clubs. Avec 170 matchs, seul son adversaire Alex Ferguson a plus d'expérience européenne que Wenger (131). Mais la similarité s'arrête là. L'Ecossais a gagné une coupe des Coupes (en 1983 avec Aberdeen) et deux Ligues des champions (1999 et 2008), alors que le Français perdait trois finales en coupe des Coupes (en 1992 avec Monaco), coupe de l'UEFA (2000) et Ligue des champions (2006). « Grand chelem » suffisant pour s'attirer l'étiquette de « looser ». Wenger, 60 ans en octobre, répugne à aborder le sujet. Quand on lui demande si Ferguson a obtenu son certificat d'entraîneur légendaire uniquement quand il s'est imposé en Europe, il hausse les épaules : « Je ne sais pas ». « Nous sommes passés tout près, à 30 minutes, il y a trois ans, contre Barcelone », se désole-t-il. Mais il avait encore manqué quelque chose, comme quasiment tous les ans depuis 1999 : un peu de rage de vaincre, un peu d'expérience, un peu de tactique, un peu de chance. Ferguson fait mine de voler au secours de son confrère. Mais de la plaidoirie suinte une condescendance doucereuse : « Ce n'est pas facile de gagner la Ligue des champions ». Silence étudié. « Cela m'a pris 13 ans ». Silence. « Et il m'a fallu neuf ans pour la gagner encore. Ce n'est pas facile ». Certains verront comme un présage que Wenger clôture sa 13e saison à Arsenal. Mais en Angleterre, l'opinion majoritaire est qu'il échouera encore. Lors de ses premières campagnes, Manchester souffrait des mêmes maux européens qu'Arsenal : manque de concentration, naïveté tactique, impatience d'une équipe portée sur l'offensive, manque d'impact physique, effectif insuffisant. Ferguson a pris note et remédié à tous ces défauts. Wenger n'a pas prouvé qu'il l'avait fait. Alors que ses patrons lui ont accordé des fonds pour recruter, il s'y est refusé. A l'inverse de Ferguson, il a laissé partir des joueurs importants, comme les milieux défensifs Mathieu Flamini, Lassana Diarra, Gilberto... Rançon de cette « philosophie » : William Gallas blessé, c'est un Mikaël Silvestre crépusculaire ou un Johan Djourou inégal qui se chargeront de Wayne Rooney et Dimitar Berbatov. Le Ballon d'or, Cristiano Ronaldo, se verra peut-être proposer comme garde du corps du jeune Kieran Gibbs, dont ce sera le troisième match européen après deux titularisations en championnat cette saison. Après chaque échec, Wenger a dit sa conviction qu'il y arriverait. Son équipe semble en forme quand Manchester United alterne l'excellent et le fébrile. Cette année, Wenger espère avoir raison. Il suffira d'une fois pour remplir le blanc du CV.