La prostitution et le harcèlement sexuel font des ravages dans la société algérienne. Professionnels de santé et avocats n'ont pas manqué d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur la « gravité » de ces phénomènes, allant jusqu'à qualifier la situation d'inquiétante. Timimoun. De notre envoyé spécial Intervenant hier, lors du séminaire sur la sexologie qui se tient à l'hôtel Gourara de Timimoun, sur le thème « La prostitution en Algérie », maître Fatima Benbraham, avocate au barreau d'Alger, a tracé un tableau noir sur la pratique du plus vieux métier du monde en Algérie. D'emblée, elle avertira que « la prostitution qui était intra-muros est devenue extra-muros ». C'est un véritable pavé dans la mare que jette cette avocate sur l'ampleur de ce phénomène dans les grandes villes. Son constat prête à l'inquiétude. « Aujourd'hui, c'est dans la rue, c'est partout, c'est chez nous », dira-t-elle. Garages, carcasses de véhicules, gourbis, petits appartements, villas, hôtels de passe, en bordure de mer… sont les lieux utilisés pour la pratique de ce « métier », révèle-t-elle. Maître Benbraham, qui a sillonné les quartiers d'Alger dans le cadre de son enquête sur la prostitution, osera même parler de « bordel à ciel ouvert » et de « profession libérale ». « Nous avons constaté à travers toutes nos enquêtes que la prostitution est un marché fructueux qui a tendance à se développer. C'est un crime organisé qui rapporte énormément d'argent qui est blanchi dans l'immobilier ou dans l'import-export et qui touche tous les milieux sociaux », estime-t-elle. Elle ajoute : « C'est une vague qui est en train d'avaler femmes et enfants. » Et pour la seule ville d'Alger, l'avocate dit avoir recensé 8000 maisons clandestines. C'est énorme. Combien sont-elles à travers le territoire national ? « Certainement ailleurs, il doit y avoir énormément aussi », se contente-t-elle de dire. Le paradoxe ? « Face à ce fléau, l'appareil judiciaire est inopérant, car en l'absence de lois interdisant la prostitution entre majeurs, le parquet ne peut appréhender ce crime sans texte de loi l'y autorisant », dira-t-elle. Certes, il y a une loi pénale pour le « racolage » sur la voie publique mais pas de loi sur la pratique de la prostitution. Il y a en fait un vide juridique. « Il n'y a pas de texte de loi qui protège les Algériens contre la prostitution entre majeurs », selon l'avocate. Maître Benbraham s'interroge aussi sur « ce pays qui prône l'islamité et qui se tait sur l'usage de la prostitution ». « Cela avantage qui ? Pourquoi on n'en parle pas ? », s'est-elle encore interrogée. Pourtant, selon notre interlocutrice, « ce texte va être bénéfique, car il va assurer la protection de la morale de la société civile ». Que faire ? « On a un interdit religieux, il faut qu'il y ait un interdit juridique », a-t-elle estimé. « Il faut criminaliser la prostitution et saisir tous les biens obtenus dans l'exploitation sexuelle. » En compagnie d'autres avocats de la corporation, maître Benbraham demande la création d'une loi criminalisant la prostitution. Un vœu qui semble avoir écho chez le président de la République puisque lors d'un Conseil des ministres, il a, selon cette avocate, expressément exprimé le vœu de la création d'une loi contre la commercialisation des humains. Maître Benbraham demande aussi à rétablir les brigades de mœurs, leur donner les pouvoirs pour lutter contre la prostitution. « Il faut leur permettre d'intervenir en toute urgence par des perquisitions de jour comme de nuit », avancera-t-elle. Car, avertit-elle enfin, « cette prostitution sert ceux qui disent que c'est haram (péché) ». Cela étant, ce phénomène n'est pas le seul à prendre de l'ampleur dans la société algérienne. Le harcèlement sexuel aussi, comme l'ont si bien relevé les conférenciers qui participent depuis le 25 avril à la rencontre qu'organise l'association Nedjda que préside Dr Boulbina. Et à ce titre, Mme Salhi, qui préside la commission nationale des femmes travailleuses et dirige le centre d'aide et d'écoute au harcèlement sexuel (CNFT- UGTA), a mis l'accent sur cette réalité dévastatrice. « Pas moins d'un millier de victimes ont eu recours aux conseils du centre d'écoute pour faire part de leur souffrance et rechercher une solution personnalisée à leur problème. » Mme Salhi a insisté sur le fait que « le harcèlement n'est pas une tentative de séduction mais il vise à contraindre la victime en vue d'obtenir des faveurs sexuelles ». Et de révéler que son combat consiste « à trouver les voies et moyens pour désamorcer la relation de pouvoir par la prévention », ajoute-t-elle. Rappelant la teneur de l'article 341 bis du code pénal qui incrimine le harcèlement sexuel, la syndicaliste de l'UGTA a regretté le fait que les témoins ne bénéficient pas d'une protection contre les représailles qu'ils pourraient subir dans le cas où ils manifesteraient leur solidarité avec les victimes. C'est ainsi qu'une lettre ouverte a été adressée par Mme Salhi en mars dernier au ministre de la Justice et garde des Sceaux lui demandant, qu'en plus des dispositions de cet article, de garantir une protection légale des témoins. « Notre présente demande vise à assurer des garanties légales aux victimes ainsi qu'à ceux qui s'opposent à la violence contre les femmes notamment sur les lieux de travail, car la protection de la dignité des femmes est une condition de travail décente » a-t-elle conclu. Les débats lors de la même rencontre ont touché d'autres thèmes liés à la sexualité. Le docteur Mohamed Oughanem a abordé le thème de l'apport de la médecine esthétique dans la beauté et dans la sexualité. Il a exposé les différentes méthodes du rajeunissement facial, à savoir les techniques du peeling, toxine botulique, laser, mésothérapie et le comblement des rides.