Les violences sexuelles prennent de plus en plus d'ampleur dans la société algérienne. Un constat fait sans fausse pudeur jeudi dernier par la Société algérienne de médecine légale lors d'une rencontre à l'Institut national de santé publique (INSP). Une enquête nationale sur les violences à l'encontre des femmes, effectuée il y a quelques mois, a déjà fait ressortir que « 5,4 % des violences subies par les femmes sont de nature sexuelle ». Une récente étude, faite par le docteur Rabah Nait, a levé un coin du voile sur ce phénomène. Elle a concerné les violences sexuelles observées pendant les années 2005 et 2006 au service de médecine légale du CHU Mustapha Bacha. 104 victimes sont concernées par cette étude, toutes orientées par l'autorité judiciaire dans le cadre d'une expertise médico-légale. Les résultats sont surprenants : il y a une prédominance féminine (72 % des cas). Les garçons victimes sont âgés entre 6 et 10 ans tandis que la tranche d'âge des femmes victimes varie entre 16 et 20 ans (adolescence). L'agresseur était surtout un membre de l'entourage extrafamilial : le copain, l'ami ou une connaissance avec qui elles sortaient ou avaient du moins une relation amicale, professionnelle ou de voisinage. Malheureusement, note le docteur Naït, « la victime consultait tardivement (au-delà de 8 jours) et cela pose un problème quand on est sollicité par l'autorité judiciaire dans le sens d'apporter des éléments matériels qui vont contribuer à l'apport de la preuve de l'existence de l'abus et qui va permettre au magistrat de retenir éventuellement la qualification de ces violences sexuelles. Elles constituent une infraction sanctionnée par la loi. Mais lorsque la consultation est tardive, les blessures se sont cicatrisées et quand on n'a pas de traces de violence, il est difficile d'apporter la preuve de non-consentement à l'acte. Sur le plan médical, on reste prudent : l'absence de traces de violence sexuelle n'exclut pas l'abus sexuel ». Il souligne le fait qu'elle reste une urgence médico-psychologique et, dans ce contexte, des recommandations ont été préconisées dont la réorganisation des structures d'accueil pour qu'elles soient plus adéquates et de qualité mettant plus à l'aise la victime et permettant au médecin une meilleure écoute. Il est conseillé aussi de développer le travail en réseaux, axé sur l'information, l'éducation et la communication. Le professeur Bessaha, président de la Société algérienne de médecine légale, veut surtout bousculer les tabous : « Notre rôle est d'attirer l'attention des pouvoirs publics pour la prise en charge de ce fléau de manière rationnelle et objective sans démagogie. Les violences sexuelles sont multiples et peuvent être de nature physique ou morale tels le harcèlement sexuel ou le contrôle obligatoire de la virginité. » Il y a trop de non-dits et des interdits qui ne facilitent pas le changement des mentalités. A ses yeux, il est révoltant que « chez nous, le viol n'est défini par aucun texte de loi dans notre législation alors qu'ailleurs, ce crime est associé à toute forme d'agression sexuelle que la victime soit de sexe féminin ou de sexe masculin ». On continue à employer des euphémismes de type atteinte aux mœurs ou à la pudeur. Si les agressions sexuelles sont condamnées par la morale et la loi, la conspiration du silence autour de ces pratiques fait de cette condamnation un vœu pieux. Les victimes sont généralement abandonnées à leur détresse et à leur solitude. La violence et la maltraitance peuvent avoir de graves répercussions sur l'enfant. Elles sont source de souffrance et de désespoir. Les communications ont porté également sur l'expérience des services de médecine légale du territoire national ainsi que celle de la police scientifique en matière d'empreintes génétiques ADN en pratique judiciaire dans le domaine des violences sexuelles.