Alors que Jérusalem a été proclamée capitale culturelle du monde arabe pour 2009, la politique de judaïsation de la partie est de la ville se poursuit. « L'occupation israélienne est le principal problème », déplore Varsen Aghabekian, directrice exécutive du festival Al Qods 2009. Al Qods occupé : De notre envoyée spéciale En effet, c'est à Beithléem, en Cisjordanie occupée, le 23 mars, qu'ont officiellement été lancées les festivités de « Jérusalem capitale culturelle du monde arabe 2009 ». Dans la ville sainte, la cérémonie d'ouverture a tourné court : les autorités israéliennes ont procédé à une vingtaine d'arrestations et fait irruption dans plusieurs écoles célébrant l'événement. Al Qods 2009, d'abord reporté en raison de l'offensive israélienne dans la bande de Ghaza, a par la suite été interdit par le ministère de l'Intérieur israélien, évoquant une atteinte à la souveraineté d'Israël, qui annexe la partie est de la ville depuis 1967. En plus des entraves policières et administratives de l'Etat hébreu, l'argent fait aussi cruellement défaut. « L'offensive à Ghaza a tout bouleversé », explique Versen Aghabekian, depuis son bureau d'Al Bireh, en banlieue de Ramallah : « Les pays arabes donateurs ont concentré leur aide sur la reconstruction. Sur les 8 millions de shekels attendus (1,4 million d'euros), seuls 5 millions ont été effectivement versés (environ 800 000 euros) ». La culture arabe à Al Qods, pour Fahri Abou Diab, habitant du village de Silwan, au sud-est de la vieille ville, ce n'est pas franchement une priorité. Sa maison fait partie des 88 foyers visés par un ordre de démolition émis par la municipalité de Jérusalem, considérés comme « illégaux ». La raison ? La construction d'un futur jardin attenant au site archéologique de la cité de David, roi du peuple d'Israël, il y a trois mille ans. Le terrain et les fouilles ont été confiés à l'organisation El ‘Ad, association de colons radicaux dont la mission officieuse est de judaïser les terres arabes. Depuis lors, El ‘Ad instrumente avec adresse l'archéologie à des fins politiques, avec la bienveillance des autorités de la ville. L'enjeu démographique Des colonies composées de plusieurs dizaines de milliers d'habitants juifs israéliens encerclent désormais Al Qods Est. De fait, la municipalité israélienne a étendu sa zone de juridiction, au-delà des frontières de 1967, incarcérant des villes palestiniennes entre deux blocs de peuplement juifs. Ces « banlieues juives », construites sur des terres palestiniennes, seront bientôt reliées par un tramway dont les travaux avancent à grands pas. Pour Fahri, la démolition de sa maison peut intervenir à tout moment. Et c'est bien cela qui est le plus minant. La ville leur a promis un logement dans une ville arabe voisine, mais pour lui, c'est la terre de ses ancêtres qu'on lui vole, « et ce dans le but de vider Jérusalem-Est de sa population arabe », lance-t-il. Lors de sa dernière visite au Proche-Orient, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, se serait fermement opposée à ces démolitions. L'Union européenne a de son côté mis en garde l'Etat hébreu s'il appliquait son plan. Mais Fahri, lui, craint que le nouveau gouvernement israélien, très ancré à droite et favorable à la colonisation, n'accélère les choses. Selon lui, Israël effectue ce genre de besogne « quand le monde a les yeux tournés ailleurs ». Il craint par conséquent que les démolitions n'interviennent dès cet été. « Le pire, c'est que mes enfants ont désormais du mal à imaginer un jour pouvoir coexister avec les Israéliens », déplore Fahri Aboud Diab, le regard inquiet, sous la tente de protestation occupée 24h sur 24 par des habitants de Silwan. Selon l'organisation israélienne de défense des droits de l'homme B'tselem, Israël a démoli plus de 664 maisons palestiniennes entre 2001 et 2005, laissant plus de 4000 Palestiniens dans la rue. Au même moment, au moins 155 colonies ont été érigées sur les terres palestiniennes, abritant plus de 170 000 juifs israéliens.