«J'ai suivi avec un grand intérêt votre réélection à l'unanimité par les congressistes qui vous ont plébiscité à la tête de l'UGTA dans une ambiance empreinte de démocratie, de transparence et de responsabilité.» Ceux qui doutaient du coup de main décisif de la Présidence dans la remise en orbite de «l'ex-futur» patron de la centrale syndicale doivent être édifiés par ce renvoi d'ascenseur de Abdelaziz Bouteflika à Sidi Saïd. Pour cause, l'échange de bons procédés aura été fidèlement respecté par les deux parties contractantes qui s'en sortent victorieuses d'une «foire syndicale» très loin des luttes ouvrières. Sidi Saïd a dû payer cash son deuxième strapontin par un appel politique et solennel de soutien à la «Ouhda thalitha». Des cibles toutes désignées Le président qui a tant besoin d'une telle sollicitude en ces temps d'incertitudes se fait fort de concéder des épithètes flamboyantes à l'égard d'un homme qui, en 2004, fut pourtant de l'autre côté de la barrière… Mais autres temps, autres mœurs. Bouteflika et Sidi Saïd sont désormais unis pour le meilleur et… contre le pire. Leurs cibles toutes désignées sont ces syndicats autonomes qui s'entêtent à défendre les intérêts, les vrais, des laissés-pour-compte de la République qui se recrutent parmi les fonctionnaires, les enseignants et autres travailleurs. Ce sont également ces voix de plus en plus audibles qui dénoncent la volonté présidentielle de «triturer la Constitution non pas pour offrir un surcroît de démocratie et de liberté au peuple mais pour permettre au maître du moment de se maintenir au pouvoir à vie». Le message de félicitations du Président à Sidi Saïd entre donc parfaitement dans la logique du sérail. On y apprend que le chef de l'Etat, théoriquement occupé par sa «médiation» entre l'Egypte et la Syrie, avait l'oreille tendue à son portable pour s'informer des joutes oratoires qui se jouaient à l'hôtel El Aurassi. «J'ai suivi avec un grand intérêt votre réélection à l'unanimité…», écrit le Président, confirmant ainsi avoir été le mentor de ces assises dont les décisions étaient connues d'avance. Qui peut en effet croire que Sidi Saïd pouvait être «plébiscité» aussi «unanimement» comme le souligne le message, si Abdelaziz Bouteflika n'en avait pas donné l'ordre aux honorables délégués syndicaux ? Ceci est d'autant plus vrai que le dauphin Salah Djanouhat a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas, à savoir que la réélection de Sidi Saïd faisait consensus en haut lieu. Et comme il ne fallait rien négliger, ce puissant patron de l'organique, dont les soutiens se sont bruyamment fait entendre dans la plénière, a été prié de refouler sa colère. Un Clin d'œil à un troisième mandat ? Il aura vainement bataillé pour obtenir le nouveau poste d'adjoint du SG. Ce fauteuil – rampe de lancement – sera pourvu ailleurs, au même titre que la composante du secrétariat national. Annoncée pour mercredi prochain, la réunion de la commission exécutive nationale (CEN) fraîchement élue a été annulée sine die. Sidi Saïd devra d'abord savourer sa «brillante réélection», absorber la colère des mécontents avant de choisir ses collaborateurs. Il a désormais carte blanche. Comme s'il s'agissait d'un secrétariat d'Etat aux affaires sociales, le Président adresse un message de félicitations au patron de l'UGTA répercuté en «une» par les médias publics. Il l'en remercie pour «le degré de conscience de la classe ouvrière qui fait primer l'intérêt supérieur du pays…». Ainsi donc faire un travail de sape contre les syndicats autonomes, accompagner par son silence le démantèlement du patrimoine public économique et se taire face à l'érosion du pouvoir d'achat est assimilé à une prime à «l'intérêt supérieur du pays». Il faut dire que l'appareil UGTA et ses responsables ont, tout compte fait, terriblement gagné au change. Conscient des enjeux d'un soutien franc de l'UGTA, Abdelaziz Bouteflika apprécie à sa juste valeur «l'audace» de Sid Saïd de se griller aussi publiquement devant l'opinion. «Je vous adresse tous mes remerciements pour vos efforts fructueux et vos positions honorables à l'égard des questions décisives pour la nation.» Clin d'œil à un troisième mandat ? Très possible. Le Président n'en invite pas moins Sidi Saïd «à consentir davantage d'efforts au service de la classe ouvrière…». Comme quoi, en politique, l'UGTA a bien rempli son contrat, elle doit s'intéresser désormais au sort des travailleurs.