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Projet de la Route Transsaharienne
Publié dans El Watan le 11 - 05 - 2008

Il nous est apparu intéressant pour la circonstance de faire un survol rapide de ce qui s'est fait au cours des dix dernières années et d'en dégager les conclusions.
De manière générale, la part de marché du continent subsaharien dans le commerce mondial est très limitée, elle est de l'ordre de 3% en 2003. A l'exception de l'extrême-sud du continent, le commerce intrarégional reste faiblement intégré du point de vue économique et ne représente que 7,5% des échanges totaux. L'insuffisance des infrastructures de communication est citée parmi les causes principales de cette situation. D'où l'importance de la route transsaharienne (RTS) qui dessert directement six pays, dont deux maghrébins et quatre subsahariens.
Dans bon nombre de pays africains, la construction des réseaux de transport, de routes en particulier, n'a commencé qu'après le recouvrement de l'indépendance, c'est-à-dire au début des années 1960.
Faut-il rappeler qu'au lendemain de l'indépendance, des pays comme le Mali et le Niger ne comptaient respectivement que 370 km et 100 km de routes bitumées ?
En 1964, naissait l'idée de la route transsaharienne. Un vieux projet en réalité. En 1966, un comité de coordination et de suivi du projet, dénommé «Comité de liaison de la route transsaharienne» (CLRT) est créé.
Il se compose de l'Algérie, du Mali et du Niger. Le Nigeria et le Tchad se joindront plus tard. Le comité fonctionne depuis cette date malgré quelques fléchissements au cours des années 1980.
Les réalisations des dix
dernières années
Au cours de la décennie qui vient de s'écouler, il a été construit 409 kilomètres de routes nouvelles, dont :
– En Algérie, 207 km entre Tamanrasset et la frontière du Niger, pour un montant de 54 millions de dollars US.
– Au Niger, 130 km entre Agadez et Zinder, pour un montant de 30 millions de dollars US.
Au Tchad, 72 km entre Massakory et Massaguet, pour un montant de 51 millions de dollars US.
– Au Mali, un ouvrage d'art important sur le fleuve Niger, pour un montant de 18 millions de dollars.
Les autres membres du comité, c'est-à-dire la Tunisie et le Nigeria, n'ont pas de sections à l'état de piste sur la route transsaharienne dans leur territoire depuis 1973.
Niveau de trafic et des échanges commerciaux
Le linéaire de routes, sur la RTS qui ont été bitumées en milieu saharien depuis le début des années 1970 est de l'ordre de 3500 km. Ces nouvelles routes ont désenclavé de manière incontestable plusieurs régions déshéritées dans chacun des pays membre du CLRT. En Algérie, en particulier entre El Goléa et Tamanrasset (1050 km), le changement dans les agglomérations urbaines a été spectaculaire.
En matière d'échanges internationaux, les routiers et les économistes évaluent la contrepartie de l'effort d'investissement réalisé par l'analyse de l'évolution du trafic et du volume de transport de marchandises et des biens générés par l'amélioration et la facilité de la circulation routière. Selon une récente étude(1) réalisée par le bureau SAETI pour le compte du CLRT en fin d'année 2007, le trafic journalier à l'entrée de Aïn Guezam, à la frontière du Niger, est de l'ordre de 23 véhicules, dont 10 camions.
Le trafic journalier moyen calculé à partir des résultats des comptages manuels au poste de Bordj Badji Mokhtar pour l'axe Tamanrasset-Timiaouine est de 33 véhicules, dont 7 camions.
Le nombre moyen des véhicules qui franchissent quotidiennement la frontière malienne aux postes de Timiaouine, Tin Zaouatine ou Bordj Badji Mokhtar est de l'ordre de 2 à 3 véhicules par poste. Ce qui donne un trafic officiel autour de 10 véhicules sur la section malienne entre la frontière et Kidal.
Les chiffres du trafic ne reflètent pas la réalité. Ils sont à considérer avec précaution parce que la conjoncture sécuritaire qui prévalait au moment du comptage n'incitait pas au déplacement d'une part et, d'autre part, les camionneurs ne fréquentent pas beaucoup les postes douaniers. Ils empruntent les chemins qui leur conviennent puisqu'il n'y a ni route ni entretien des pistes, ni même un balisage qui puissent leur donner une raison de passer par un poste douanier.
La matrice des flux émis par l'Algérie montre que le trafic d'échanges de l'Algérie à destination du Mali et du Niger a pour origine principale Tamanrasset avec 73% du trafic émis.
Le premier constat est qu'il existe un trafic malgré le contexte et la très grande faiblesse de l'infrastructure routière.
En effet, il y a encore 400 km(2) entre Tamanrasset et Zinder à l'état de piste sur un linéaire de 1285 km, soit 30 % du parcours.
La branche malienne est également encore à l'état de piste entre Silet et Gao, c'est-à-dire 380 km en Algérie et près de 700 km au Mali.
En raison de la faiblesse du trafic, ces pistes ont pour le moment plus besoin, économiquement d'aménagement sur les points de passages difficiles que de construction de routes totalement bitumées.
Malgré toutes les difficultés qui viennent d'être citées, les étalages des commerces de Kidal et de Gao regorgent de produits en provenance de l'Algérie.
On retiendra, selon l'étude SAETI déjà citée, que :
– 73% du trafic d'échanges sur la RTS entre l'Algérie les deux pays subsahariens (Mali et Niger) sont constitués par un trafic algérien avec pour origine Tamanrasset.
– Le trafic enquêté à la frontière algérienne avec le Niger est de l'ordre de 14 véhicules par jour, dont 10 poids lourds. Il se dirige principalement vers Arlit.
– Le trafic enquêté sur la RTS à la frontière et se dirigeant vers le Mali est très faible. Il se dirige principalement vers la ville frontière de Kidal.
A titre de comparaison, sur la section Kogolam Takeita (frontière Niger-Nigeria), le trafic journalier moyen annuel (TJMA) est de 400 véh/j avec 20% de poids lourds. C'est-à-dire que sur l'axe transafricain Alger-Lagos, les échanges Niger-Nigeria sont en termes de trafic beaucoup plus importants que les échanges entre l'Algérie et le Niger.
Les échanges commerciaux
Selon les chiffres officiels fournis par les services des douanes algériennes, les échanges entre l'Algérie et le Niger par route sont estimés à près de 360 millions de dinars ou quelque 5,1 millions de dollars américains pour l'année 2007. Pour la même année, les échanges avec le Mali se sont élevés à 248 millions de dinars, soit 3,5 millions de dollars.
Il est intéressant de noter que (selon le CNIS)(3), le commerce libre enregistré au poste de Aïn Guezam entre l'Algérie est le Niger est passé de 15 à 217 millions de dinars entre 2005 et 2007, soit une multiplication par 15.
Si on devait faire un rapide bilan sur les dix dernières années, cela donnerait :
A – Pour ce qui est de la construction des chaînons manquants
Il a été construit, comme nous l'avons déjà dit en supra, quelque 400 km de routes nouvelles sur la RTS. L'investissement consenti par chaque pays n'est pas proportionnel au linéaire de routes réalisées.
Mais on relève cependant dans les procès-verbaux des sessions que :
– 1 – Les procédures administratives restent pesantes. Les échanges avec les bailleurs de fonds sont parfois interminables.
– 2 – En raison du manque de ressources pour certains pays, des sections ont dû souffrir 10 ans d'attente dans les méandres des procédures administratives, dans le pays et loin du pays, entre le moment de l'idée de projet et la finalisation des études techniques. C'est le cas de la section Aïn Guezam-Arlit au Niger dont les études techniques viennent de se terminer tandis que ce projet est sur la table des discussions depuis 1996.
– 3 – Les atermoiements et changements de cap dans le choix des niveaux d'aménagement ont également été une source de retard.
– 4 – Enfin note positive : les bureaux d'études et les entreprises de réalisation qui sont intervenus sur des projets de la RTS respectent assez correctement les délais contractuels.
Pour ce qui est des échanges commerciaux
Les échanges commerciaux par la RTS sont faibles en poids et en valeur. Ils représentent moins de 10 millions de dollars pour 2007 (Algérie avec le Niger et le Mali). Ces échanges ne sont pas diversifiés et se résument depuis très longtemps, pour les 3 pays (Algérie, Mali, Niger) aux produits suivants :
– des dattes sèches de l'Algérie ;
– du sel d'Algérie destiné essentiellement à l'approvisionnement de l'usine de transformation du sel d'Arlit dans la république du Niger ;
– du bétail en provenance des pays subsahariens ;
– une faible quantité de produits alimentaires des deux parties.
A titre d'indication et non de comparaison :
Les échanges commerciaux du Maroc(4) avec l'Afrique subsaharienne ont fluctué entre 260 et 300 millions de dollars en moyenne annuelle entre 1990 et 2003.
Durant la même période, les échanges de l'Egypte et de la Tunisie ont été respectivement de l'ordre de 243 et 96 millions de dollars. La structure des exportations marocaines en direction de l'Afrique subsaharienne pour la période 1999-2003 se compose de produits agroalimentaire 45%, chimiques, 18%, textiles 15%, et mécaniques, 7%.
Malgré leur faiblesse, les échanges de l'Algérie avec le Niger sont en forte croissance depuis 2005. Il est probable que ce soit le fruit de la libération du commerce en Algérie. Il est trop tôt pour tirer des conclusions de cette tendance mais il est certain que la récente livraison des 400 km de routes bitumées, sur l'axe principal Alger-Lagos, aura des effets moteurs sur l'accroissement des échanges.
L'action du Comité
Pour atteindre l'objectif de construire le projet de la RTS, le comité s'est fait une obligation de donner une image de sérieux dans sa tâche pour être crédible aux yeux des décideurs nationaux et de ses partenaires.
Les sessions sont des moments de sensibilisation et de vulgarisation du projet dans le pays où se tient la session.
Le comité a organisé plusieurs sessions de formation et des séminaires pour un échange d'expériences techniques entre les ingénieurs. Toutes les rencontres ont reçu une contribution très substantielle au financement de la part de la Banque Islamique de Développement qui finance par ailleurs sur dons plusieurs études de faisabilité.
Le comité est soucieux de la finalité de la construction de ce grand projet, notamment l'objectif d'accélération des échanges commerciaux.
C'est pourquoi il conduit actuellement une étude d'identification des potentialité d'échanges économiques entre les pays membres du CLRT.
Etude dont l'appel d'offres a été lancé en février 2008 sur un don de la BADEA. La remise du rapport final de l'étude devrait se faire au deuxième trimestre 2009.
En conclusion, on peut dire : autant sur les sections de la RTS, situées sur l'axe transafricain Alger-Tamanrasset Agadez-Zinder-Lagos, il est certain que la construction de la route va transformer très significativement les conditions de vie des populations, autant sur d'autres sections, c'est le cas de la branche malienne «Tamanrasset-Timiaouine-Kidal», le problème est posé différemment.
La préoccupation est ici posée en termes d'aménagement du territoire pour mieux cibler les efforts d'investissement et en termes de développement économique pour l'ensemble de la zone dans un cadre de concertation entre les pays limitrophes.
Il y a un besoin de renforcement des raisons d'habiter et de vivre dans ces régions reculées et déshéritées. La réduction des coûts de transport par l'amélioration de l'état de la piste n'est qu'un aspect pour favoriser le développement.
C'est pourquoi nous pensons qu'il serait très bénéfique, pour stimuler le développement économique national et les échanges internationaux, de créer une instance qui réunit au moins les pays membres du CLRT. Cette instance serait chargée de :
– 1 – collecter l'information, de l'analyser et d'être à l'écoute de toutes les expériences en la matière ;
– 2 – réfléchir en permanence aux voies et moyens de changement de la situation économique qui prévaut ;
– 3 – d'être un point focal d'assistance et de stimulation des échanges commerciaux.
Cette proposition est d'ailleurs issue des recommandations du séminaire international sur les échanges commerciaux organisé en 2004 à Alger par le CLRT.
Les échanges commerciaux du Maghreb et de l'Algérie en particulier avec l'Afrique subsaharienne ne sont pas à la mesure des liens politiques, géographiques et historiques. Des potentialités certaines existent.
Au regard de la concurrence très forte qui existe sur les marchés des pays du Nord, le continent africain constitue un marché porteur pour l'avenir pour tous les pays. Il est en conséquence judicieux d'avoir une stratégie et des projets sur le long terme.
Notes de renvoi :
– 1) – Etude de trafic réalisée par le bureau Saeti pour le compte du CLRT en novembre 2007 et décembre 2008.
– 2) – 200 km en Algérie et 200 km au Niger.
– 3) – Centre national d'information et de statistiques relevant des services des Douanes.
– 4) – Le positionnement économique du Maroc en Afrique (2006). Ministère des Finances et de la Privatisation- Royaume du Maroc.
L'auteur est secrétaire général du Comité de liaison
de la route transsaharienne


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