Toute personne s'hasardant au dehors se retrouve le visage perlé de sueur. Dans cette atmosphère chaude et humide, il nous est difficile de respirer et de se mouvoir. Derrière les volets fermés, des corps sont étendus dans la semi-fraîcheur des maisons. Les paupières sont lourdes, tous somnolent dans cette torpeur. De temps en temps, une main agite un éventail pour créer un courant d'air frais. Le soir tombe et avec lui la fraîcheur tant attendue. L'air redevient respirable. Les corps reprennent vie. Les familles sortent, se promènent et profitent de cette fine brise qui caresse la peau. Parmi eux, la famille de Djamila déambule sur l'esplanade de Riad El Feth. «Nous fuyons l'exiguïté de notre appartement de Diar Essaâda. Nous oublions nos problèmes et venons nous défouler ici avec les enfants», nous explique-t-elle. Sur l'esplanade, des familles promènent des enfants en poussette ou à vélo. Des groupes d'adolescents discutent assis sur la pelouse. Mais jeudi dernier l'ambiance était toute autre. Un écran géant gonflable de 200 m2 a été installé au centre de la place. Il sera présent jusqu'au 27 août 2008. La société Cirta Film, qui détient les droits de diffusion des films de Youssef Chahine, a organisé en hommage au cinéaste, grâce à la contribution financière de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel, des projections gratuites. Le responsable de la manifestation, Hachemi Zertal, explique : «A partir de 21 h et cela pendant 14 jours, l'esplanade accueillera tous ceux désirant voir ou revoir les films de Youssef Chahine. L'écran géant installé a servi pendant le festival du cinéma arabe à Oran et sera utilisé pour la première fois à Alger.» Seules les bonnes copies détenues par la société pourront passer «pour voir un film sans coupure et jusqu'à la fin». Les films à l'affiche seront Le Destin, Le Moineau, Silence on tourne, Alexandrie… New York, l'Emigré, et l'Autre ; et passeront tous deux fois. Le destin a fait l'ouverture. Ce film, plus qu'un appel à la tolérance, est un cri contre l'ignorance du fanatisme religieux. Bien que le décor le place dans l'Andalousie de XIIe siècle, il est très contemporain. Les dialogues bien faits soulèvent de nombreuses questions et nous ramènent à une triste période de notre histoire. Voilà le génie de Chahine qui, à notre insu, nous transmet des valeurs humanistes contre les extrémistes.